Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Paris le 22 septembre à la veille de la Journée mondiale des sourds, pour réclamer que la langue des signes soit mieux reconnue et davantage enseignée aux enfants sourds, a constaté une journaliste de l'AFP.
Laisse-moi-signer !
"Tu veux m'inclure ? Laisse-moi signer" (communiquer en langue des signes, ndlr) et "Etudiants sourds debout ! Revendiquons notre droit à l'éducation" figuraient sur les pancartes brandies par sourds et entendants de tous âges, au milieu de ballons et drapeaux bleu turquoise, pour cet événement qui a réuni quelques centaines de personnes sur la place de la République selon une source policière. "Aujourd'hui, c'est notre marche de la fierté, la fierté d'être sourds", a lancé depuis une tribune, en signant, Vincent Cottineau, le président de la Fédération nationale des sourds de France (FNSF).
Un engouement auprès des entendants
"Chaque enfant sourd, avec sa famille, doit avoir accès à la langue des signes le plus précocement possible", a-t-il déclaré à l'AFP. La langue des signes française (LSF) suscite un engouement croissant auprès du public entendant -les cours et initiations se multiplient, y compris en milieu scolaire auprès d'enfants ou adolescents-, mais de nombreux enfants sourds peinent à y avoir accès et à être éduqués dans cette langue, qui est pourtant "la leur", regrette M. Cottineau. "Des établissements médico-sociaux utilisent la LSF à contre-coeur et en dernier recours, quand l'enfant présente des signes inquiétants d'échec linguistique, psycho-affectif et scolaire", se désole le président de la FNSF. Au final, "il y a plus de locuteurs entendants qui maîtrisent la LSF que de locuteurs eux-mêmes sourds", ajoute-t-il.
5 ans pour être à l'aise
Sur les 17 000 à 21 000 enfants sourds scolarisés en France, seuls 4 à 5% le sont en langue des signes, selon la Fédération, qui recense moins d'une vingtaine de classes, dans tout le pays, où "l'enseignement des matières est donné en LSF". Les autres, soit la grande majorité des enfants sourds, sont d'abord "oralisés", c'est-à-dire qu'ils apprennent à parler et à lire sur les lèvres, avec plus ou moins de difficultés. La plupart acquièrent la langue des signes plus tard, à l'adolescence, comme Mélanie Lemaistre, 23 ans, née sourde dans une famille d'entendants. Elle n'a découvert la langue des signes qu'à 16 ans, en intégrant le lycée. "Pour être vraiment à l'aise, ça m'a pris cinq ans", explique-t-elle à l'AFP. La jeune femme suit maintenant un master 2 pour enseigner la langue des signes, qu'elle considère comme "une richesse de la culture sourde". En tant que professeur stagiaire, elle donne déjà des cours à 13 élèves sourds dans un collègue de Seine-et-Marne.
Une privation criminelle
Pour Catherine Vella, présidente de l'association nationale de parents d'enfants sourds (ANPES), les problèmes pour les familles commencent souvent dès le diagnostic de surdité : "Dans tous les hôpitaux, les médecins ORL disent aux parents de ne surtout pas signer avec leurs enfants", s'indigne-t-elle. "On dit aux parents : 'Si vous apprenez la LSF à votre enfant, il ne pourra jamais communiquer oralement'. Or tout enfant sourd a une perception visuelle du monde, d'où l'importance de la langue de signes. L'en priver, c'est criminel", affirme Mme Vella, dont le fils Vincent, 11 ans, est scolarisé en LSF. "La langue des signes permet d'entrer dans la société et de s'y sentir bien, bien dans sa propre identité", assure-t-elle.