Par Isabelle Cortes
Théo, 11 mois, Laurence Le Jalu l'a retrouvé un soir de 2007 « flottant dans l'eau » de la piscine de leur maison d'alors, à l'étranger. Quelques instants sans le voir, une recherche « affolée », « je soulève la bâche de la piscine »… et « la vie bascule » : « je plonge, je lui fais des massages cardiaques, du bouche-à-bouche », il finit par vomir, raconte-t-elle à l'AFP.
« Une poupée de chiffon »
Après l'arrivée des secours, son cœur s'arrête, puis repart, à plusieurs reprises. « À l'hôpital, le médecin dit qu'il a très peu de chances de passer la nuit », rembobine-t-elle. L'enfant se réveille le lendemain mais enchaîne les convulsions et doit être placé en coma artificiel, jusqu'à ce qu'un médicament le stabilise. « Quand je l'ai récupéré, c'était une poupée de chiffon : il ne voyait plus, il était tétraplégique », confie la mère de trois enfants.
Des séquelles souvent graves sur le cerveau
La noyade, définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2005, correspond à « une insuffisance respiratoire résultant de la submersion ou de l'immersion en milieu liquide », plus ou moins sévère. « Outre le décès », elle « peut provoquer des séquelles parfois graves, notamment neurologiques », et avoir un « impact potentiellement important sur la qualité de vie » et « le nombre d'années de vie vécues avec incapacité », note Santé publique France dans une étude inédite publiée le 30 septembre 2025.
1 500 à 1 700 noyades chaque année
En France, chaque été, surviennent 1 500 à 1 700 noyades, dont 25 à 35 % sont mortelles. « Environ 40 % des noyés se retrouvent dans un état grave, font très souvent un arrêt respiratoire ou cardiaque, mais beaucoup ne meurent pas », précise à l'AFP le Pr Pierre Michelet, chef d'un service d'anesthésie-réanimation de l'AP-HM et coordonnateur de la médecine d'urgence pour Aix-Marseille Université, évoquant une étude à laquelle il a participé, publiée dans la revue Chest.
Des conséquences différentes selon l'âge
Chez les enfants, principalement victimes d'une noyade en piscine privée, la glotte se ferme quand de l'eau pénètre dans les poumons : ils s'asphyxient et font rapidement un arrêt cardiaque. Chez les adultes, noyés généralement en mer, la glotte ne se ferme pas, un peu d'eau entre dans les poumons mais le cœur, par manque d'oxygène, peut s'arrêter. Certains survivent, d'autres pas.
Dans une proportion identique, d'autres noyés qui ont inhalé de l'eau et subi une détresse respiratoire grave, bien pris en charge, seront sauvés en quelques heures. « Il y a 30 ans, 10 à 15 % (d'entre eux) mouraient ; maintenant, en France, où les secours sont plutôt bien organisés et les protocoles bien faits, c'est quasiment 0,1 % », souligne le Pr Michelet.
La rapidité est déterminante
La rapidité est cruciale. « Si on sort les gens de l'eau environ 56 minutes après la noyade et qu'on les réanime, on a de très bonnes chances de les récupérer : par exemple, un enfant de moins de trois ans retrouvé bleu marine dans la piscine, auquel on fait très rapidement du bouche-à-bouche ». Car l'enfant, « soit il récupère très bien, soit il a des séquelles majeures, par exemple son cœur repart mais son cerveau reste endommagé », pointe le Pr Michelet.
Enfant ou adulte, « le cerveau perd très rapidement des neurones » en cas d'apport insuffisant d'oxygène : « au-delà de deux minutes d'anoxie cérébrale, il y a très peu de chances de récupérer la personne sans séquelles neurologiques profondes », expose à l'AFP Axel Lamotte, membre du comité directeur de la Fédération française des maîtres-nageurs sauveteurs. Il garde en mémoire « un petit de cinq ans récupéré après cinq minutes de noyade mais resté grabataire ».
Une « deuxième vie » après la noyade
Soigné par un neurologue, Théo a suivi une intense rééducation et progressivement retrouvé la vue, le rire « quand je le chatouillais » et la marche, explique sa mère, qui a écrit La deuxième vie de mon fils (City éditions) (Livre : "La Deuxième Vie de mon fils", l'histoire miraculeuse de Théodore). À 18 ans, il a « toute sa tête, peut se déplacer, parler » mais « pas étudier comme il aurait probablement pu le faire », ses séquelles ayant compliqué sa scolarité. Sa « passion du foot » demeure intacte.
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