Ambiance d'olympiades au gymnase Louis-Lumière, dans le 20e arrondissement de Paris. Il est 10 heures ce jeudi 1er décembre 2022 et l'échauffement peut enfin commencer. Tout porte à croire qu'un cours de gymnastique vient de démarrer. Et, pourtant, chaque participant en jogging-baskets trottine dans un but : décrocher un emploi. A l'occasion des Jeux de Paris 2024 et deux jours avant la Journée internationale des personnes handicapées, les initiateurs de ce projet* se sont associés pour organiser un grand job-dating sportif, destiné, pour la première fois, à des postulants en situation de handicap. L'objectif ? « Encourager de nouveaux modes et formats de recrutement des personnes en situation de handicap en utilisant le sport comme levier d'embauche », explique le Cojo (Comité d'organisation paris 2024).
« Le CV, ça emprisonne »
« Le CV, ça emprisonne, il faut aller au-delà des apparences, c'est à ça que sert le sport », confie un cadre de Pôle emploi. A ses côtés, quatorze entreprises dont Paris 2024 et ses partenaires (Randstad, EDF, Accor, Carrefour, Coca Cola, Sodexo Live...) et une centaine de candidats contactés via Cap et Pôle emploi. Après quelques échauffements au rythme de la musique électro, postulants et recruteurs se mélangent en équipe de façon anonyme et sans étiquette. Les uns rejoignent l'atelier slalom, les autres le lancer de précision, les quiz et la course d'endurance. On observe quelques sourires gênés, un peu de timidité, puis, bientôt, la glace se brise. « Ce n'est pas les 'jeux du stade'. Avant tout, c'est un moment pour entrer en confiance et être dans de bonnes conditions pour trouver un emploi », rassure Caroline Bacchini, directrice territoriale Pôle emploi Paris. Exit la performance, l'accent est mis sur le plaisir et les moments d'échange.
Focus sur les soft skills
« Le sport est un vrai révélateur de savoir-être. Aussi, on peut découvrir celui qui est volontaire, enthousiaste, optimiste, coopératif, celui qui a l'esprit de leadership. Ce qu'on appelle les fameuses 'soft skills' (compétences douces, en français), absentes d'un CV », résume Marie Barsacq, directrice exécutive « Impact et héritage » au sein de Paris 2024. Une cinquantaine de rendez-vous similaires ont déjà été organisés depuis 2021 en France, à destination d'un public sans handicap, « avec un taux d'insertion professionnelle supérieur à la moyenne des job datings », affirme-t-elle. Observant les difficultés de recrutement des personnes en situation de handicap, Paris 2024 a décidé de décliner ce dispositif en version handisport. Une aubaine pour Isabelle Faurere-Louart, directrice de l'action régionale Ile-de-France d'EDF : « On s'aperçoit qu'avec des moyens de recrutement classiques, on n'y arrive pas dans certains métiers en tension, alors on s'est tourné vers le sport. ».
Des entretiens formels dès 14 heures
Après une matinée « cardio », les échanges « incognito » se poursuivent durant le déjeuner, permettant de compléter les échanges avant d'entrer dans le vif du sujet en début d'après-midi. « A 14 heures, bas les masques. Les stickers 'recruteur/candidat' tombent, chacun retrouve sa place pour des entretiens plus traditionnels », poursuit Marie Barsacq. Caissiers, comptables, agents de sécurité, métiers de la logistique et de l'hôtellerie... Plus de 90 postes sont à pourvoir. « Quand les personnes viennent nous voir après le repas, on a déjà vécu des choses ensemble dans la matinée. On joue moins un rôle, on est plus détendu », confie Isabelle Faurere-Louart. « Je trouve cela original », avoue Waël, chercheur d'emploi atteint d'une hernie discale qui le contraint à la station assise. Après avoir essuyé moults échecs aux entretiens d'embauche et des expériences professionnelles infructueuses, ce participant place désormais ses espoirs dans cette journée au contact des entreprises. « On ne comprend pas qui est qui mais ça n'est pas plus mal. Et peut-être qu'on ressortira avec un contrat », espère-t-il. Annie porte quant à elle une prothèse de hanche et compte sur ces rencontres pour trouver un poste d'hôtesse de caisse qui lui correspond. Elle songe d'ailleurs à se mettre un peu plus au sport à l'issue de cette journée. Pari(s) 2024 doublement gagné ?
* Pôle et Cap emploi, la Fédération française handisport (FFH), l'Agefiph, l'Agence nationale du sport, la Fédération française d'athlétisme et le Comité d'organisation de Paris 2024.
© Clotilde Costil