Marcel Nuss est connu pour son engagement en faveur de l'accompagnement sexuel des personnes handicapées via son association l'Appas dont il fut le président jusqu'en septembre 2019 (article en lien ci-dessous). Mais c'est un autre combat qu'il est en train de mener, touché à titre personnel par les limites de la PCH (prestation de compensation du handicap). 17 000 euros, c'est la somme que lui réclame le Conseil départemental du Bas-Rhin, selon ce dernier un « trop-perçu ». Un litige qui dure depuis des années. On explique le contexte…
Privé d'heures sup
« La PCH est une avancée mais elle n'est pas aboutie », a plaidé l'avocate de Marcel Nuss, Me Alexandra Grévin. « En effet, elle comprend les salaires et les cotisations mais ni les heures supplémentaires, ni les majorations du dimanche, ni les forfaits nourriture, ni les indemnités de licenciement… » Comment, dans ces circonstances, payer toutes ces dépenses non prévues par le législateur et pourtant indispensables à certaines personnes lourdement handicapées, ce qui est le cas de son client ? Face à cette incohérence, avec l'accord de ses accompagnants médico-sociaux, Marcel Nuss a mis en place une solution alternative. Il affirme que le département était au courant et avait donné son autorisation, faute de pouvoir proposer une autre solution. « Le hic, c'est que rien n'a été validé par écrit, et c'est aujourd'hui facile de prétendre le contraire », s'indigne-t-il. Après avoir longtemps « fermé les yeux », le Conseil départemental décide, en 2014, de saisir la justice. Pour ce premier dossier, Marcel Nuss obtient gain de cause devant le tribunal, pour vice de procédure. Malgré cela, le Conseil départemental maintient ses poursuites et réclame un nouvel indu, pour une seconde période. Le dossier est évoqué sur le fond du problème, devant le tribunal, en juin 2019, Me Grévin plaidant afin que le calcul soit établi en fonction du montant versé et dépensé plutôt qu'en fonction du nombre d'heures utilisées, et conclut que l'indu s'élève, non pas à 17 000 euros (et même 40 000 euros au départ, avant un « geste » du département) mais à 2 099.
Dans la peau d'un bandit
Fin février 2019, l'affaire prend une toute autre ampleur lorsque Marcel Nuss constate, avec « sidération », que plus de 10 000 euros ont été saisis sur ses comptes bancaires, dont le compte joint, y compris son AAH (allocation adulte handicapé), quand bien même elle fait partie des allocations insaisissables. Quinze jours plus tard, après intervention de son avocate auprès du Département, l'argent lui est finalement restitué au centime près. Le 12 juin 2019, Marcel Nuss se retrouve pour la deuxième fois sur le banc des accusés, cette fois ci devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Strasbourg. « Mon client n'est pas un bandit ! Il est juste en situation de handicap, il n'a pas demandé à l'être et fait tout le mieux qu'il peut. », s'est-elle exclamée son avocate face à une juge qui, selon Marcel Nuss, l'a empêché lui-même de s'exprimer à l'audience. « Pour moi qui me suis battu pour que la PCH existe, et qui ai travaillé pour le département du Bas-Rhin en 2008 comme chargé de mission de la MDPH, l'idée que j'en aurais profité de façon malhonnête est très difficile à vivre, d'autant plus lorsqu'on est confronté à un dialogue de sourds. », explique-t-il. Dans son délibéré du 4 septembre, la justice le condamne à rembourser les 17 000 euros.
Un des 5 chantiers de la CNH
Déplorant un « conflit entre le droit du handicap et le droit du travail », le « véritable coupable » est, selon Marcel Nuss, « à chercher du côté du législateur ». « La loi doit évoluer pour tenir compte de la réalité des particuliers employeurs en situation de handicap », poursuit-il. La PCH est l'un des 5 grands chantiers de la Conférence nationale du handicap initiée en 2019, qui doit se clôturer début janvier à l'Elysée. Le 5 novembre, le Sénat a adopté à l'unanimité, en première lecture, une proposition de loi LR visant à améliorer l'accès à cette prestation (article en lien ci-dessous). Elle prévoit la limitation du reste à charge, des droits à vie pour certains, la suppression de la barrière d'âge à 75 ans et la simplification des démarches mais rien sur les heures supplémentaires et le travail dominical. Selon certains sénateurs et des associations du champ du handicap, ce texte ne « va pas assez loin ». En attendant, Marcel Nuss a décidé de faire appel d'une décision qu'il juge « injuste ». « A-t-on peur de créer un précédent, de faire jurisprudence, en pointant les carences législatives et en tenant compte de contingences particulières ? », questionne-t-il.