Le parquet de Grenoble a classé sans suite une enquête portant sur des accusations de pédophilie dans un institut médico-éducatif (IME) pour enfants handicapés à Voiron (Isère), mais familles et associations ne veulent pas en rester là. « L'enquête extrêmement complète qui a été réalisée ne montre aucune infraction », a déclaré le 3 mai 2016 à l'AFP Jean-Yves Coquillat, procureur de Grenoble, tandis que les avocats des familles concernées et des associations avaient organisé à Paris une conférence de presse sur l'affaire.
Des images pornos sur le net
Celle-ci a débuté, selon le magistrat, au printemps 2015 avec l'interpellation d'un apprenti aide-éducateur de l'IME, qui avait téléchargé depuis son domicile des images pédopornographiques sur internet (mais aussi des images de zoophilie et de décapitation). Le parquet a alors ouvert une information judiciaire pour s'assurer que les enfants de l'IME n'apparaissaient pas sur ces images. Avisée, la direction de l'IME a suspendu l'apprenti et organisé une réunion d'information le 4 mai 2015 avec les parents. A la suite de quoi le parquet a reçu des signalements de parents affirmant que le comportement de leurs enfants avait changé et accusant trois éducateurs de l'IME. Une enquête préliminaire a alors été ouverte. Les éducateurs mis en cause ont nié les faits. Les examens médicaux menés sur les enfants n'ont établi aucun signe d'agression sexuelle. Et les examens psychologiques ont fait état d'une « évolution normale des enfants », selon le procureur.
Des enfants difficiles à entendre
Les neuf enfants, qui présentent différents types de handicap mental (deux sont autistes), ont été entendus par des enquêteurs spécialisés de la gendarmerie, selon la procédure « Mélanie » utilisée pour les victimes mineures. « Les enfants sont très difficiles à entendre. Certains communiquent, d'autres difficilement », a souligné M. Coquillat, selon lequel « aucune accusation cohérente » n'est ressortie de ces auditions. Une analyse ADN menée sur le sous-vêtement d'un enfant s'est par ailleurs avérée négative. Les associations Innocence en danger et Envol Isère Autisme (Autisme France), ainsi que les avocats des familles, ont cependant l'intention de déposer plainte avec constitution de partie civile afin d'obliger le parquet à saisir un juge d'instruction. « Ces enfants sont handicapés (...) ils n'ont pas été entendus par des spécialistes du handicap, on a le sentiment que cette parole est mal entendue, pour ne pas dire méprisée », a déclaré Me Bertrand Sayn, avocat de cinq familles.
Les éducateurs incarcérés ou licenciés
Selon lui, les faits s'étendent de 2012 à 2015 et plusieurs familles ont porté plainte avant mai 2015. « Nous souhaitons qu'on nous réponde, l'ouverture d'une information judiciaire pour avoir accès au dossier et qu'on soit capable d'entendre ces enfants dans leur spécificité », a ajouté Me Sayn. Parmi les éducateurs mis en cause, celui qui avait téléchargé des images pédopornographiques a été incarcéré et licencié par l'IME. Les deux autres ont été suspendus plusieurs mois à titre conservatoire. « Ils sont à ramasser à la petite cuillère », a indiqué à l'AFP Christophe Hertereau, directeur de la coordination territoriale de l'AFIPaeim, association qui gère l'IME.
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