« Mon bailleur social me facture deux euros de plus pour une place de parking PMR (personne à mobilité réduite) », fait savoir Bernard, un lecteur de Handicap.fr. Soit 26,88 euros par mois au lieu d'une place lambda a 24,88. « J'ai la double peine d'être handicapé et surtaxé », explique-t-il. Pour quelle raison ?
Place plus grande, charges plus importantes !
Nous avons interrogé son bailleur, Lille métropole habitat, à ce sujet. Le tarif du loyer de la place est identique (19,38 euros) mais ce sont les charges qui diffèrent : 5,50 euros sur la place standard et 7,50 sur l'autre. « Les charges sont basées sur des tantièmes de copropriété prenant en compte la superficie ; la place PMR étant plus large, les charges sont plus élevées. » Son bailleur est-il dans son bon droit ou est-ce une discrimination ?
La loi du côté du bailleur
Les juristes de Droit pluriel*, association dédiée à l'accompagnement des personnes handicapées sur leurs droits, apportent une réponse… C'est la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 sur la copropriété qui pose le cadre et les règles concernant les charges de copropriété, y compris pour une place de stationnement. Son article 10 détaille la méthode de calcul des charges pour chaque copropriétaire ; il précise, notamment, qu'ils sont « tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées, (…) proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots ». L'article 5 de cette même loi prévoit que la valeur du lot est notamment calculée en fonction de sa superficie et de sa situation. Il faut entendre le « lot », ici, comme la place de stationnement.
Ces deux articles combinés indiquent que le calcul des charges pour la place de stationnement se fait en fonction de l'utilité objective ; il n'est pas pris en compte la situation de la personne mais bien celle du bien/lot.
En fonction de la surface
Donnons un autre exemple : si un habitant décide de monter les escaliers dans le noir pour des raisons écologiques, il paiera le montant des charges d'électricité non pas en fonction du nombre de fois où il allume la lumière mais de la superficie de son lot, de sa consistance… « Ce ne sont donc pas les choix de la personne qui guident le montant des charges mais bien une répartition objective, en fonction notamment des caractéristiques de la place de stationnement pour l'affaire qui nous occupe », insiste Droit pluriel. Sa surface est donc prise en compte dans le calcul mais d'autres éléments objectifs pourraient l'être également, par exemple une taille normale mais avec un poteau empêchant les grandes voitures de stationner.
Un argument pour négocier ?
« Sur une analyse purement juridique de la loi, des charges plus élevées pour une place de stationnement plus grande semblent donc légales, conclut Droit pluriel. Ces deux articles sont d'ordre public, cela signifie qu'il n'est pas possible d'y déroger par le biais de contrat ou autre accord. »
En revanche, il est très important de rappeler que, contrairement à l'exemple de la personne qui n'allume pas la lumière ou prend les escaliers plutôt que l'ascenseur, celle qui bénéficie de la place PMR ne fait pas un choix, la taille de la place étant un aménagement nécessaire en raison de son handicap. « Il faudrait donc argumenter en ce sens devant les tribunaux », poursuivent les juristes.
Faire évoluer la loi ?
Cela soulèverait d'autres points juridiques, notamment le fait que la personne qui détient la place PMR n'est pas forcément en situation de handicap et n'a donc pas nécessairement un besoin (c'était d'ailleurs le cas du locataire « valide » qui a précédé Bernard), ce qui pose la question du titre de propriété d'une place PMR en lien avec la situation de handicap. Il s'agirait ainsi de contester la notion « d'utilité objective » telle que posée par la loi et la jurisprudence. Cela peut paraître évident mais il faut garder à l'esprit que la loi de 1965 n'a pas pris en compte la situation particulière de la place PMR, ni les évolutions législatives qui ont suivi (obligation de places PMR notamment).
Donc, en conclusion, « la législation appliquée strictement n'est pas favorable en l'état mais la loi n'ayant pas pris en compte les situations de handicap, une modification de cette dernière paraît nécessaire », selon Droit pluriel. L'occasion, « a minima, d'ouvrir le débat » !
* Merci à Clémentine Soulié, secrétaire de l'association et avocate, et Kim-Khanh Pham, doctorant, pour leur réponse éclairée
© Emmanuelle Dal'Secco