« La psychiatrie sauve des vies. » Alors qu'un Français sur cinq est confronté à des difficultés liées à sa santé mentale, cette spécialité est délaissée par les futurs médecins. Face au double défi d'une hausse des troubles psychiques et d'une offre de soin en tension, la profession se mobilise. C'est tout l'objet de la campagne #ChoisirPsychiatrie, qui, lancée courant 2024, cherche à « réenchanter le regard » porté sur cette spécialité (vidéo ci-contre). Objectif ? « Promouvoir une discipline médicale riche, nourrie de considérations éthiques, philosophiques et sociétales, qui embrasse pleinement les défis de notre société contemporaine. »
Des places vacantes en psychiatrie
Portée par le Collège national des universitaires de psychiatrie (CNUP) et les associations nationales des internes de psychiatrie et des étudiants en médecine de France (AFFEP et AMNEF), cette campagne vise plus précisément à « stimuler l'intérêt des plus jeunes et à susciter des vocations ». Et elles ont du pain sur la planche...
Née au 19e siècle, la psychiatrie a révolutionné la perception de la santé mentale. Deux siècles plus tard, elle reste pourtant méconnue et source de nombreux stéréotypes. En 2023, lors de l'Examen classant national (ECN), qui permet aux étudiants en médecine d'accéder aux différentes spécialités en fonction de leur ordre de classement, 67 des 547 places en psychiatrie sont demeurées vacantes. « Si ce n'était malheureusement pas la première fois, c'est pour nous le symbole d'une spécialité victime des idées reçues. Symbole des opportunités marquées pour bâtir un système de soins moderne et adapté aux défis contemporains », constate le président du CNUP, Olivier Bonnot.
Un baromètre met en lumière des préjugés tenaces
Comment expliquer ce désamour ? Le premier « baromètre d'image » sur la perception du métier de psychiatre, réalisé par l'institut de sondages CSA -pour le CNUP- auprès du grand public, de lycéens et d'étudiants en médecine, met en exergue une perception erronée de la psychiatrie qui s'apparente à un univers « anxiogène », « opaque », la discipline médicale « la moins prestigieuse », qui comporte des recherches « moins intéressantes » que dans les autres spécialités, un métier « difficile » et « pesant » psychologiquement... « Autant d'affirmations qui sont factuellement fausses mais toujours tenaces dans l'inconscient collectif alors même que les pratiques se sont considérablement transformées et ont rompu avec les pratiques asilaires », affirment les trois partenaires.
Quand l'expérience permet de dédramatiser
« Il y a de quoi s'inquiéter de la perception de l'univers psychiatrique parmi nos étudiants en médecine : 37 % d'entre eux déclarent avoir peur de cette spécialité. Toutefois, ce chiffre descend à 24 % pour ceux ayant effectué un stage dans un service psychiatrique. Cela démontre que l'expérience et la connaissance du milieu permettent (...) de dédramatiser », souligne Mirces Polosan, secrétaire général du CNUP. Une vision partagée par 85 % des Français qui prônent l'idée d'un stage en psychiatrie obligatoire pour tous les étudiants en médecine (contre 69 % de ces derniers).
Une utilité sociale toutefois reconnue
Petit aparté... En dépit de ces a priori, l'enquête révèle que, paradoxalement, les Français sont unanimes lorsqu'il s'agit de reconnaître l'utilité sociale de cette discipline. Ils sont également conscients de l'importance de prendre soin de leur santé mentale et de celle de leurs proches. Ainsi une personne sur trois a déjà consulté « un psy », un chiffre qui atteint même 59 % chez les lycéens.
Les 1ères Nuits de la psychiatrie
Dans le prolongement de cette campagne, le CNUP, l'AFFEP et l'AMNEF organisent, le 31 janvier 2025, les premières Nuits de la psychiatrie, à travers la France. L'enjeu ? Donner un maximum d'informations aux étudiants pour qu'ils puissent choisir leur spécialité en sachant ce que le métier de psychiatre implique concrètement. La soirée débutera par une série de « speed datings » de 10 minutes chacun qui leur permettront d'échanger avec des psychiatres et des internes en psychiatrie. Elle se prolongera ensuite autour d'un cocktail dînatoire afin d'échanger « à bâtons rompus » autour du cursus et du déroulement de la carrière.
Sept villes (Strasbourg, Lille, Tours, Grenoble, Lyon, Bordeaux, Paris/Sorbonne Université, Clermont-Ferrand) accueillent cette première édition. Chaque événement est organisé localement par les étudiants en médecine, sur le campus universitaire, afin de favoriser leur participation ainsi que celles des internes et des professeurs de psychiatrie.
Faciliter l'accès aux soins en santé mentale
Cette initiative répond notamment à l'ambition du gouvernement de recruter des professionnels de santé, et notamment des psychiatres, alors que la santé mentale a été érigée « Grande cause nationale de 2025 » (Santé mentale, grande cause 2025: sujet sous-estimé et tabou). Autre ambition : faciliter l'accès aux soins. Pour ce faire, le gouvernement a annoncé début décembre qu'à compter du 1er janvier, tous les Français pourront consulter un psychologue gratuitement une fois par mois, sans ordonnance. Ce dispositif est une extension du programme « Mon soutien psy », qui, lui, nécessitait une prescription médicale et limitait le nombre de séances prises en charge à huit par an (Dès le 5 avril, 8 séances de psy remboursées!). Pour en bénéficier, il suffira de consulter la liste des thérapeutes agréés par l'Etat, disponible sur la plateforme monsoutienpsy.ameli.fr, puis de récupérer la feuille de soins à l'issue du rendez-vous et de l'envoyer à son organisme d'Assurance maladie.
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