Rallye Aïcha des gazelles : le 1er duo handi-valide en 2026

Première historique pour le Rallye Aïcha des gazelles. En avril 2026, Ophélie, amputée fémorale, et sa pilote Alexandra, formeront le 1er duo handi-valide de l'histoire de cette course automobile. Rencontre à 8 mois de leur départ pour le Maroc.

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Alexandre et Ophélie posent devant leur 4x4 en plein désert.

Huit jours d'aventure au cœur du désert marocain. 2 500 km à travers lits de rivières asséchées, plaines rocheuses et dunes. Trois bivouacs. Deux étapes « marathon ». La 35e édition du Rallye Aïcha des gazelles promet d'être intense... et inédite. Pour la première fois, cette course automobile 100 % féminine, hors-piste et sans GPS, accueillera un binôme handi-valide, composé d'Ophélie Jonin, amputée fémorale et orthoprothésiste, et Alexandra Houiste, responsable marketing. Le « Gazelle des possibles » est bien décidé à se distinguer parmi les 160 équipages de 60 nationalités qui s'élanceront à la conquête du Sahara du 2 au 9 avril 2026. Les deux aventurières livrent leurs impressions à huit mois du départ...

Handicap.fr : Le Rallye des gazelles est le premier défi sportif auquel vous participez l'une et l'autre. Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
Ophélie : Il représente bien plus qu'une simple compétition automobile. C'est un rallye fondé sur des valeurs qui nous tiennent à cœur : le dépassement de soi, la solidarité et désormais l'inclusion.

Ce défi résonne aussi avec nos parcours professionnels. Pendant toute la durée du rallye, l'association Cœur de gazelles met en place une caravane médicale itinérante qui apporte des soins gratuits aux populations isolées. Cet engagement humanitaire fait directement écho à ma profession d'orthoprothésiste, via laquelle je contribue chaque jour à améliorer la vie des personnes amputées.

Notre rencontre avec Alexandra s'est faite dans ce contexte : elle m'a sollicitée pour devenir égérie de l'entreprise au sein de laquelle nous travaillons (Proteor), afin de mettre en avant une innovation prothétique majeure. Ensemble, nous avons sillonné la France avec notre camion itinérant dans les centres de rééducation. Elle conduisait et, naturellement, je l'orientais… C'est ainsi qu'est née l'idée de prolonger cette complicité dans le désert, au service d'un projet porteur de sens.

Enfin, je suis passionnée de sport automobile depuis toujours. Mais l'accès aux stages de pilotage ou aux démonstrations reste trop souvent limité par le manque d'aménagements adaptés. Le Rallye Aïcha des gazelles est l'occasion unique pour moi de vivre pleinement cette passion, tout en portant un message fort d'ouverture et de résilience. 

H.fr : Que voulez-vous prouver, à vous et aux autres, en participant à cette course ?
Ophélie :  Je veux montrer que lorsqu'on croit vraiment en ses rêves, on peut les réaliser même s'ils nécessitent des adaptations. Le handicap ou la maladie ne doivent jamais être des freins ni des raisons d'abandonner ses ambitions.

Alexandra :  Je veux prouver qu'on peut être mère de famille et avoir une activité professionnelle, sans avoir à renoncer à ses rêves. À 45 ans, je relève ce pari un peu fou, non pas pour fuir ma vie, mais pour l'enrichir.

H.fr : Quels seront les obstacles majeurs sur place ?
Ophélie : L'obstacle majeur a été très concret : trouver une solution pour gérer les contraintes liées à ma prothèse et à ma RCH (ndlr : rectocolite hémorragique, une maladie inflammatoire chronique de l'intestin). La mise au point de toilettes portatives adaptées m'a longtemps questionnée… mais aujourd'hui, la solution est opérationnelle, ce qui me rassure énormément. Sur le bivouac, je sais que nous serons complémentaires et solidaires avec Alexandra, et que nous saurons nous entraider pour que tout se passe le mieux possible.

Alexandra : Je redoute surtout le retournement du 4x4 et l'infiltration du sable partout, particulièrement entre mes orteils (rires).

H.fr : Comment préparez-vous ce challenge ?
Ophélie : Notre préparation est à la fois technique et physique. Pour pouvoir être sur la ligne de départ, nous devons suivre deux stages obligatoires : l'un dédié au pilotage, l'autre à la navigation. Ces formations sont essentielles pour acquérir les réflexes nécessaires dans le désert.

En parallèle, j'ai repris un entraînement régulier en salle de sport, à raison de deux séances par semaine. Mon coach sportif m'a préparé un programme spécifique, inspiré notamment de ma pratique de la boxe française, qui m'aide à travailler à la fois l'endurance, la force et la concentration.

H.fr : Ces entraînements sont-ils difficiles à cumuler avec votre emploi ?
Ophélie : Ils demandent surtout des ajustements dans ma vie personnelle. Leur cumul avec mon emploi n'est pas le plus difficile, puisque je travaille à 70 %. Le véritable défi réside davantage dans la gestion de la fatigue physique invisible liée à la RCH, qui m'oblige à trouver un équilibre entre préparation, travail et récupération.

H.fr : Quelle place le sport occupe-t-il dans votre vie ?
Ophélie : Il a toujours occupé une place essentielle. J'ai été amputée à l'âge de 17 mois, à la suite d'un accident domestique. Mes parents ont, très tôt, mis un point d'honneur à ce que je puisse pratiquer une activité comme les autres enfants. Ils ont tout fait pour que je sache nager avant l'entrée au CP, afin que je puisse participer avec mes camarades. À l'époque, les disciplines adaptées au fauteuil roulant n'étaient pas connues, la natation est donc devenue mon sport de prédilection. Je l'ai pratiquée en handisport de haut niveau pendant huit ans, jusqu'à ce que le déclenchement de ma maladie chronique, à mes 18 ans, m'oblige à arrêter. Après plusieurs années de pause contrainte, j'ai pu reprendre une activité régulière il y a environ cinq ans. J'ai alors découvert la boxe française, qui est devenue une véritable passion.

H.fr : Qu'envisagez-vous de faire si vous ne parvenez pas à récolter les 35 000 euros nécessaires à votre participation ?
Ophélie et Alexandra : Nous n'envisageons pas une seule seconde cette option car nous sommes ultra motivées à être sur la ligne de départ. Certes, les organisateurs ont évoqué la possibilité de reporter notre participation si le budget n'était pas atteint, mais nous comptons sur la mobilisation de nos sponsors, donateurs, familles, amis et futurs partenaires pour nous aider à concrétiser ce rêve. Nous avons donc mis en place la "cagnotte pour la participation au Rallye Aïcha des Gazelles 2026 d'Ophélie et Alexandra".

H.fr : D'autres projets « sous le capot » ?
Ophélie :
En parallèle du rallye, j'ai créé l'association Généraction afin d'accompagner les personnes en situation de handicap ou atteintes d'affections de longue durée dans la réalisation de projets liés à la mobilité, au sport ou à des défis personnels. En tant que personne amputée et vivant avec une maladie chronique, je connais les obstacles du quotidien mais je crois fermement que chaque individu doit pouvoir se donner les moyens de réaliser ses ambitions. Ce rallye est donc pour nous bien plus qu'une course : c'est un moteur d'inclusion et d'inspiration.

© Oldschoolstudio

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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