Pour 76 % des Français, une personne handicapée est une « charge lourde » pour sa famille. C'est deux fois plus qu'au Royaume-Uni (37 %) et nettement supérieur à la moyenne européenne (50 %). Ces résultats sont issus de l'étude réalisée par Odoxa pour Ahadi foundation*, fin février 2024, auprès de citoyens français, espagnols, italiens, suédois et britanniques, concernés par le handicap ou pas. Objectif : mesurer le regard social sur le handicap et la représentativité des personnes concernées dans la sphère professionnelle, politique et les médias.
Toujours autant de préjugés 10 ans plus tard
Verdict : « Les préjugés restent élevés et n'ont quasiment pas reculé en dix ans », a fortiori en France, où la situation est jugée particulièrement « préoccupante ». Selon les Français, cette responsabilité incombe, en grande partie, à l'Etat et aux entreprises. 36 % estiment que ces acteurs ne s'impliquent pas suffisamment pour « faire reculer les discriminations », c'est dix points de plus que pour la moyenne européenne. Même pessimisme concernant l'accessibilité des transports en commun. Seuls 41 % jugent que, dans l'Hexagone, les personnes handicapées peuvent les emprunter de façon autonome ; si cette opinion a nettement progressé depuis l'étude réalisée en 2014 (+ 15 points), elle demeure minoritaire. La moyenne européenne s'élève à 55 %, atteignant même 68 % au Royaume-Uni.
Prise en charge insuffisante
Globalement, les Français sont également plus critiques que leurs voisins sur la « prise en charge » du handicap. Près des trois quarts pensent que les personnes concernées ne sont pas suffisamment prises en compte par la société, un sentiment que ne partagent « que » la moitié des autres citoyens européens.
Une population sous-représentée dans les médias
Dans les médias, le sondage montre que les Français identifient plus fortement la présence de personnes en situation de handicap dans le « divertissement », particulièrement chez les humoristes, influenceurs et artistes musicaux, plutôt que chez les experts interviewés, les journalistes et les animateurs TV. C'est le pays qui affiche le taux de représentation le plus faible, selon l'étude. « Pourtant, la présence des personnes handicapées dans les médias et la publicité revêt une importance capitale, souligne Deza Nguembock, présidente d'Ahadi foundation. En montrant une diversité de personnes dans des rôles variés et positifs, ils contribuent à présenter une vision plus authentique de la société. »
Une mauvaise pub ?
Les opinions convergent toutefois sur d'autres sujets. Sept Français sur dix estiment notamment que les personnes handicapées occupent une place insuffisante dans la publicité par rapport à leur nombre dans la population, un jugement nettement majoritaire partagé par les autres pays du Vieux continent. « Elles sont en effet présentes dans moins de 1 % des créations publicitaires depuis 25 ans », déplore Erwan Lestrohan, directeur conseil Odoxa.
Emploi : difficultés d'intégration partagées
« Dans le champ professionnel, les Européens ont également un regard très proche de celui des Français sur les difficultés d'intégration des travailleurs handicapés et leur progression contrariée », constate Erwan Lestrohan. Si la grande majorité des sondés estime que ces salariés sont performants (88 % en France, + 12 points), ils sont néanmoins plus réservés sur leur capacité à exercer des missions de premier plan. De même, la moitié d'entre eux estime que les travailleurs handicapés « ne progressent pas aussi vite que les autres » et qu'ils sont « plus difficiles à intégrer » (+ 8 points).
Exclus de la vie politique ?
Les Européens sont également unanimes sur le manque de diversité dans l'univers politique. Fait étonnant, les Britanniques, qui se montraient jusque-là particulièrement « inclusifs », seraient les moins disposés à voter pour une personne handicapée (66 % contre 90 % des Français). « Cette exclusion des arènes politiques signifient que les voix, les expériences et les perspectives des personnes handicapées sont systématiquement négligées dans les processus décisionnels », réagit Deza Nguembock.
Un accès limité à la vie sociale pour les femmes
Concernant plus spécifiquement les femmes en situation de handicap, les Européens sont conscients de leurs difficultés accrues. 55 % d'entre eux (et 65 % des Français) estiment qu'elles n'ont pas les mêmes chances que les autres de participer à des activités sociales et culturelles dans la société. « En tant que femme, noire et handicapée, je suis intimement consciente des défis multiples que nous affrontons au quotidien », témoigne Deza Nguembock, évoquant notamment la violence, le chômage ou encore l'accès limité aux soins.
Des clichés qui isolent
« Les préjugés envers les personnes handicapées entravent leur pleine participation et leur épanouissement. La stigmatisation et la discrimination engendrent un isolement accru, une faible estime de soi et des troubles dépressifs », observe-t-elle. « La France, pays des droits de l'Homme, doit progresser vers une société où elles occupent pleinement leur juste place », conclut-elle incitant à « explorer de nouvelles approches », à « adopter des codes et un langage disruptif ».
* un fonds de dotation, créé en 2024 afin de favoriser le développement du leadership socioéconomique des femmes handicapées dans le monde
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