Par Arnaud Bouvier
A 26 ans, le nageur Jordan Minglis, porteur de trisomie 21, se dit "trop fier" de participer à cette aventure. "J'aimerais décrocher une médaille. Il faut s'accrocher, c'est ça qui est important !", sourit le jeune homme, qui passe six heures par semaine dans les bassins, sans compter deux heures hebdomadaires de musculation.
Alain Bernard pour parrain
A Antibes (Alpes-Maritimes), où il s'entraîne, il a croisé la route du champion olympique Alain Bernard, devenu ambassadeur de ces "Special Olympics" 2019 -organisés du 14 au 21 mars - et qui va accompagner la délégation française aux Emirats. Le sport "adapté" (pour les personnes atteintes d'une déficience intellectuelle) et le handisport (pour celles et ceux atteints d'un handicap physique), d'une part, et le sport des "valides" d'autre part, forment "deux univers qui ne se croisent pas assez", estime le double médaillé d'or (à Pékin-2008 et Londres-2012). Le champion se dit "impressionné" par l'attitude de ses homologues porteurs d'un handicap : "Ils ne rechignent jamais à la tâche. Quand je passe les voir à l'entraînement, ils sont concentrés et épanouis".
Soupape de sécurité
Avant d'attraper le virus de la natation, Jordan raconte s'être passionné pour le foot, le judo et le ski. "Le sport c'est sa soupape de sécurité ! Il a besoin de ça, il ne peut pas rester immobile à la maison", sourit sa mère, Cathy, convaincue que l'activité physique a aussi aidé son fils à surmonter parfois les moqueries. En outre, "les gens ont tendance à être davantage bienveillants envers lui parce qu'il est sportif", selon elle. Contrairement aux Jeux classiques, les "Special Olympics" reposent sur le principe de l'universalité : chacun peut participer, sans performance minimale requise pour se qualifier. Et les athlètes sont ensuite répartis par groupes de niveaux, pour que chacun ait une chance de repartir "la tête haute, avec le sourire de la victoire", explique Nathalie Dallet-Fèvre, directrice générale en France de ce mouvement créé en 1968 aux Etats-Unis, par une soeur du président John F. Kennedy.
Repartir la tête haute
"C'est du dépassement de soi, du courage à l'état pur", insiste-t-elle. "Là où la société voit des limites, nous on voit des possibilités, analyse Mme Dallet-Fèvre. Ces jeux, plaide-t-elle, devraient "semer des graines dans la tête des gens", pour une plus grande acceptation des quelque "900 000 personnes qui vivent avec un handicap mental en France, et dont on ne parle jamais". Comme Jordan, Constance Bégard, 21 ans, s'est elle aussi essayée à plusieurs sports. "Du judo, puis de la gymnastique, puis du basket", énumère la jeune fille, qui malgré sa déficience intellectuelle s'entraîne au tennis avec des compétiteurs valides. La jeune joueuse "ne se catégorise pas en tant que personne handicapée, elle ne se met pas de limite par rapport à ça, du coup ça ne joue aucun rôle dans ses relations avec les autres", analyse Florian Vigilant, son éducateur sportif au sein du Centre d'adaptation à la vie et au travail (CAVT) de la Celle-Saint-Cloud (Yvelines).
Un travail en souplesse
Pour les entraîneurs, le travail avec les sportifs porteurs d'un handicap mental suppose un peu de souplesse : "C'est à nous de nous adapter plutôt qu'à eux", explique Patrice Barrault, le coach de Jordan dans les bassins d'Antibes. Et pour les explications techniques, "il faut qu'on aille à l'eau et qu'on leur montre, le visuel est plus important que l'explication", détaille l'entraîneur. "Épaté par la force mentale" de sportifs "prêts à tout pour la victoire", et "ne rechignant jamais" devant l'effort, M. Barrault se refuse à employer le mot "handicapé". "Ils sont un peu différents, mais ils sont en train de prouver qu'ils nagent comme tout le monde". "Il ne faut pas les regarder de travers, simplement leur tendre la main, mais ça c'est encore difficile en France", déplore-t-il.