Contrairement à ce qui était redouté, la pandémie n'a pas entraîné « une hausse immédiate des conduites suicidaires », indique un rapport de l'Observatoire national du suicide (ONS) sur l'impact de la crise du Covid-19. Rendu public le 6 septembre 2022, il est composé de deux dossiers thématiques et de 18 fiches (en lien ci-dessous).
Gestes suicidaires en baisse
Les gestes suicidaires ont même « diminué au début de la pandémie malgré une augmentation des troubles anxio-dépressifs et des difficultés de sommeil », analyse la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Les décès par suicide dans la population générale ont ainsi baissé de respectivement 20 % et 8 % durant les deux confinements de 2020 par rapport aux années précédentes, et les hospitalisations en court-séjour pour lésions auto-infligées de 10 % sur 2020 par rapport à la période 2017-2019, évalue le rapport. Les passages aux urgences et les appels aux centres antipoison pour auto-intoxication ont aussi diminué pendant le premier confinement et au cours de l'été 2020.
« Je peux enfin déprimer en paix »
Ces chiffres, qui doivent encore être consolidés, correspondent aux données observées dans la plupart des pays à revenus élevés ou moyens. Ce phénomène a en effet pu être atténué par le « sentiment de partage d'une épreuve collective, le moindre accès à certains moyens létaux, une surveillance accrue par les proches et une grande adaptation du système de soins psychiatriques », selon le rapport. « Grâce au Covid, je peux enfin déprimer en paix, ironisait Laurent Sagalovitsch dans une chronique parue sur Slate en janvier 2021. Pour la première fois de ma vie, je suis de mon époque. Je n'ai plus à me cacher, je peux étaler au vu de tous, mes souffrances intérieures, mes défaillances psychiques, mes atermoiements cérébraux. » Une population générale avec le moral en berne et le sentiment d'être tous logés à la même enseigne.
Une tendance observable depuis les années 80
Cependant, si l'on considère les quinze mois écoulés de début janvier 2020 à fin mars 2021, le nombre global de décès par suicide, leur répartition selon l'âge ou le lieu du décès ne paraissent pas avoir été affectés par la pandémie. En France, sur cette période, 11 210 décès par suicide, dont 75 % concernent des hommes, ont été dénombrés grâce à un algorithme d'identification automatique dans les certificats de décès. Le chiffre annuel correspondant, non définitif, est ainsi légèrement inférieur à la moyenne observée au cours de la période 2015-2019. La Drees appelle à une interprétation prudente de ces chiffres en raison de possibles « effets rebonds » et de la « tendance générale à la baisse des conduites suicidaires observable depuis les années 1980 ».
Femmes et jeunes en première ligne...
Autre enseignement du rapport : depuis fin 2020, les hospitalisations pour lésions auto-infligées ont nettement augmenté pour « les adolescentes et jeunes femmes, a contrario du reste de la population », pointe l'observatoire. Ces dernières ont été affectées « par le premier confinement, avec une hausse des syndromes dépressifs, qui n'ont pas retrouvé les niveaux antérieurs à la pandémie une fois passées ses phases les plus aiguës », souligne-t-il. L'impact a également été défavorable chez les personnes « modestes », dans une situation financière difficile, présentant un handicap, des syndromes anxio-dépressifs, des comportements boulimiques ou des symptômes évocateurs du Covid-19.
... et les jeunes aussi
Les jeunes, en particulier issus de milieux socio-économiques défavorisés, sont aussi significativement plus touchés avec des « taux de symptômes anxieux et dépressifs particulièrement élevés » dès le début de la crise sanitaire et des pics durant les deux confinements, entraînant une « forte hausse du nombre de gestes suicidaires ». En cause ? Leur plus grande vulnérabilité psychologique face à la crise sanitaire. Des travaux de recherche et des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) convergent pour recommander une prévention globale du suicide pour ce public car, selon l'ONS, « cela fonctionne quand les différentes ressources s'articulent et se renforcent ».
Où trouver de l'aide ?
• Appelez le SAMU (15) ou le 112 (numéro européen) en cas de risque suicidaire imminent.
• 3114
Le numéro national de prévention du suicide. Un professionnel de soins (infirmier ou psychologue), spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute afin d'évaluer votre situation et vous proposer des ressources adaptées à vos besoins ou à ceux de vos proches. La ligne est ouverte 24h/24, 7j/7. L'appel est gratuit et confidentiel. Conseils et ressources sur www.3114.fr.
• SOS amitié
Service d'écoute bienveillant, gratuit (24/24 et 7j/7), anonyme et confidentiel destiné à ceux qui traversent une période difficile.
Tél. : 09 72 39 40 50
Tél. : 01 46 21 46 46 (English)
Tchat du lundi au dimanche de 13h à 3h du matin : www.sos-amitie.com/chat/
Service gratuit d'écoute par messagerie : www.sos-amitie.com/messagerie/.
• Fil santé jeunes
Service d'écoute anonyme et gratuit pour les 12-25 ans sur les thèmes de la santé, de la sexualité, de l'amour, du mal-être... Permanence d'écoute téléphonique tous les jours de 9h à 23h au 0 800 235 236.
Tchat individuel ouvert tous les jours de 9h à 22h : www.filsantejeunes.com/tchat-individuel.