Le 16 mars 2020, les directives du gouvernement sont formelles : tous les Esat (établissements et services d'aide par le travail) et EA (entreprises adaptées) doivent fermer leurs portes à l'exception de ceux ayant des activités jugées « absolument indispensables ». Un « enjeu capital » dans cette crise sanitaire sans précédent qui concerne la fabrication de masques, de pièces pour respirateurs artificiels, du conditionnement de gels hydroalcooliques, de services de livraison de repas, de nettoyage, d'impression de dossiers médicaux, d'activité de blanchisserie pour assurer le fonctionnement des Ehpad et hôpitaux, de centres d'appels… Depuis le début du confinement, les secteurs protégé et adapté sont donc contraints « d'organiser la réduction de leurs activités au strict minimum » et de « clore tous les lieux de restauration ouverts au public », en « priorisant les mesures de protection de la personne », selon la profession.
Toujours en activité
Mais qui parle de ces travailleurs maintenus à leur poste, ces « invisibles » ? « Le secteur médico-social est le grand oublié de cette crise, regrette la Fondation des Amis de l'atelier. Nous pensons assez aisément aux soignants, livreurs, caissiers, etc. mais oublions souvent nos travailleurs ». Parmi ses huit Esat, sept assurent des prestations de restauration et/ou blanchisserie. La priorité a donc été de garantir une continuité de service pour ses clients dits « sensibles » tels que les foyers pour adultes et enfants, hôpitaux et Ehpad. Mais, très vite, d'autres besoins se sont fait sentir. Le manque de matériel de protection a amené les Esat à adapter leurs productions. Celui du Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine) a, par exemple, redémarré son atelier couture, les équipes s'attelant à la confection de masques et de surblouses en tissu pour les professionnels de la Fondation. C'est également le cas de l'EA corse La Châtaigneraie, qui assure vouloir « participer au combat national » en fabricant des masques mis à disposition des acteurs solidaires du territoire et des personnels administratifs du groupe auquel il appartient.
Une web-série sur les « héros de l'ombre »
De son côté, pour « valoriser l'engagement, la mobilisation et la pertinence de ses entreprises face à cette crise », l'Unea (Union nationale des entreprises adaptées) a choisi de mettre à l'honneur « ces hommes et ces femmes qui se sont engagés avec courage », souligne Sébastien Citerne, son directeur général. Sa web-série « Covid-19 : les EA s'engagent » propose quatorze témoignages inspirants, diffusés sur son site et sa chaîne YouTube. L'objectif ? « Expliquer aux Français comment ces entreprises qui emploient majoritairement des personnes en situation de handicap ont réussi à maintenir ou réorienter complétement leur activité et leur production pour se mettre au service de la Nation tout en prenant les mesures nécessaires pour protéger la santé de leurs salariés », explique l'Unea. Durant quatre semaines, du 10 avril au 8 mai, chaque lundi, mercredi et vendredi à 18h, les internautes peuvent découvrir un nouvel épisode sous le hashtag #AdaptéeEtEngagée. Pour Cyril Gayssot, son président, ce sont des « héros de l'ombre » qui ont « une importante responsabilité sociale et sociétale » et seraient une « solution pour demain ». Ancrée dans un écosystème local, ces entreprises produisent, en effet, du « made in France » et contribuent à une société de services de proximité ainsi qu'à la valorisation des territoires. Et sont capable d'innovation et de performance ; « On a créé un prototype de masque qui a été homologué en quelques jours, se félicite, Jean-Marc Phommavong, directeur adjoint d'Handy Up. La conception et la fabrication sont 100 % maison ».
Des collègues confinés
Si certains travailleurs sont à la tâche, la majorité reste néanmoins confinée, en famille ou à domicile. Sandrine, travailleuse à l'atelier blanchisserie de l'Esat Les Robinsons, adresse un message de soutien à ses collègues : « Nous venons travailler avec courage pendant le confinement. On pense bien à vous. ». La Fondation des Amis de l'atelier admet que « ce confinement et le fait de devoir arrêter de travailler sont des épreuves très difficiles pour certaines personnes souffrant d'un handicap psychique ». Dans ce contexte inédit et souvent anxiogène, comment poursuivre un accompagnement à distance, « contre-nature pour un Esat qui a pour vocation de les intégrer dans le milieu professionnel », consent Sylvain Delagneau, directrice des ESAT Les Robinsons et L'Atelier. Il a fallu s'adapter et des solutions novatrices ont ainsi vu le jour. L'association a, par exemple, mis en place une plateforme de soutien téléphonique. Une psychologue anime par ailleurs un groupe de paroles en téléconférence quatre fois par semaine tandis que des conférences téléphoniques docus/débats sont organisées par les moniteurs et éducateurs. « Les travailleurs sont très actifs et très demandeurs », assure-t-elle.