Barbe longue, cheveux bruns attachés et discours accrocheur. Sur TikTok, « le complexe d'Adam », un « coach mindset », propose à ses abonnés de réaliser, en une minute chrono, un test du trouble déficitaire de l'attention (TDA). Le principe ? Mesurer son niveau d'attention à l'aide de points lumineux. Cette vidéo a suscité plus de 45 000 vues et près de 180 commentaires. Parmi eux, de nombreux internautes qui avouent avoir échoué à l'exercice et s'inquiètent d'un potentiel problème associé. Tous ont-ils pour autant un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ? Ce trouble du neurodéveloppement qui associe trois symptômes principaux (le déficit de l'attention, l'hyperactivité motrice et l'impulsivité), à des degrés variables selon les personnes, fait l'objet d'un intérêt croissant du grand public. Sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les hashtags qui en font mention et les nombreux conseils, plus ou moins avisés, de pseudos influenceurs en santé mentale (Lire : Santé mentale : gare à l'autodiagnostic sur les réseaux).
Une explosion sur les réseaux sociaux
« Est-ce que tu es le genre de personne à secouer ta jambe sous la table lorsque tu es assis ? Alors sache que tu pourrais être TDAH », prévient l'un d'eux. Un autre relève la « maladresse » comme symptôme principal. Les commentaires apeurés de certains abonnés à la jambe flageolante ou à la main malhabile fusent. « En train de me demander si j'ai un TDAH ou si je suis juste verseau », répond une jeune femme. « Je vais peut-être demander à ma mère de voir un psy pour savoir si je suis TDAH parce que ça me correspond un peu trop », abonde une autre. Certes, les réseaux sociaux contribuent à lever les tabous sur la santé mentale, et c'est tant mieux. Mais ils poussent aussi bien souvent à l'autodiagnostic, un terme inapproprié puisqu'il s'agit davantage d'une « auto-évaluation ». Le hashtag #selfdiagnosis, tous troubles confondus, bat des records sur TikTok, celui sur le TDAH atteignant trois milliards à lui seul. Résultat, les cabinets des psys sont saturés de demandes de patients persuadés de leur neuroatypie.
La « mode » de l'autisme et troubles associés
« Attention à la manière dont cette information est véhiculée », prévenait en 2022 Jasmina Mallet, psychiatre, responsable du centre « Expert FondaMental schizophrénie » de l'hôpital Louis Mourier à Colombes (92) auprès d'Handicap.fr (Lire : Santé mentale : gare à l'autodiagnostic sur les réseaux). « Si l'influenceur soulève un intérêt pour le sujet, une interrogation, c'est tout à son honneur. Par contre, s'il en vient à donner des conseils et répondre personnellement aux questions de ses abonnés, là c'est problématique », alerte la psychiatre. « Ce phénomène de sur-diagnostic, nous l'avons déjà constaté avec d'autres collègues au sujet des troubles autistiques. Beaucoup de patients se présentaient en consultation hospitalière pensant être autiste à haut potentiel », parce que valorisant et associé aux personnalités les plus renommées (Albert Einstein, Marie Curie, Mark Zuckerberg…). Un constat repris en 2020 par Joseph Schovanec, écrivain avec autisme, qui note que les TSA, depuis leur déstigmatisation, seraient de plus en plus « recherchés » (Lire : Schovanec : "Autisme adulte, trop de diagnostics abusifs"). Or « l'autisme n'est pas une question d'avis. Il fait l'objet d'une définition sérieuse et médicale », tranche-t-il.
Confusion TDAH et HPI
La confusion autisme/Asperger s'étend désormais au TDAH, trop souvent mêlé, à tort, au HPI (haut potentiel intellectuel). Aujourd'hui, le sujet fait la couverture des magazines et des séries, comme celle, éponyme, interprétée par l'actrice Audrey Fleurot sur TF1. Or combien de TDAH sont HPI, et réciproquement ? 3 %, 10 %, des chiffres circulent… Va savoir car aucune enquête d'ampleur n'a été menée sur ce sujet.
Un gendarme du net ?
Pour lutter contre la désinformation et les amalgames en matière de santé, certains spécialistes réclament un « gendarme du net ». « C'est dangereux de banaliser un handicap, une maladie », renchérit André Masin, président de l'association AFG autisme, qui explique que « le problème est commun à tous les handicaps qui ne se voient pas ». « Ceux qui en sont réellement victimes ne seront plus pris au sérieux, regrette-t-il. Ce n'est donc pas crédible de se fonder sur des influenceurs qui ne cherchent qu'à faire le buzz. C'est aussi bien la démonstration que les gens se complaisent à se plaindre ou se faire plaindre pour se 'distinguer', pour ne pas être comme les autres. »
Pas un trouble pour autant…
Alors, certes, tout le monde peut plus ou moins présenter des traits de caractère commun au TDAH mais pas au point d'en faire une situation invalidante. Marie, 54 ans, « tout le temps en mouvement » s'y est identifiée. « J'épuise très souvent mon entourage, qui me le reproche. J'avais besoin de m'appuyer sur un diagnostic pour justifier mon comportement. Après en avoir discuté avec mon médecin, ce dernier a infirmé mon hypothèse, m'expliquant que je suis simplement une personne très active, passionnée, impatiente, sans que cela ne devienne un trouble pour autant », résume-t-elle.
Pour ceux qui vivent avec un TDAH, le handicap peut être bien réel. En cas de suspicion, il convient donc de s'en remettre à un diagnostic fiable, réalisé par des professionnels dédiés. Pour entrer dans le détail de ce parcours, une spécialiste nous en dit plus dans l'article suivant : TDAH : une épidémie de diagnostics, vraiment ?.