« Valentina, c'est un peu mon histoire », admet Jeanne Métivier. En salles le 22 mars 2023, ce film d'animation retrace le parcours de Valentina, « une adorable petite fille avec trisomie qui vit mal son handicap, persuadée que cela l'empêche de réaliser son rêve : devenir trapéziste ». Un scénario taillé sur mesure pour Jeanne qui prête sa voix à l'héroïne du dessin animé réalisé en Espagne par Chelo Loureiro. Porteuse de trisomie 21, Jeanne a longtemps cru qu'elle devrait elle aussi renoncer à son rêve, devenir animatrice radio. Une « passion pour la voix » qu'elle nourrit depuis son adolescence et surtout depuis sa première dans une web radio municipale.
La restauration ou l'horticulture !
Scolarisée en milieu ordinaire jusqu'au lycée, la jeune femme aujourd'hui âgée de 24 ans s'entend longtemps dire « qu'elle irait en Esat » avec, pour seules options, « la restauration ou l'horticulture ». Elle se lance donc, sans grande conviction, dans un CAP restauration et enchaîne les expériences professionnelles sans s'y projeter. « Mais Jeanne, on ne lui fait pas faire ce qu'elle ne veut pas faire. Elle trouvait le moyen de ne pas se réveiller le matin, de s'endormir dans les transports », ironise sa mère, Hélène Métivier-Ullas. En revanche, lorsque la jeune femme décroche un stage chez Binge audio, une société de diffusion et de production de podcast, c'est une tout autre histoire !
Formée dans une école de radio
Si certains éducateurs, psychologues ont longtemps cherché « à déconstruire son rêve », Jeanne a eu raison d'y croire. Chez Binge Audio, elle accouche d'une série de podcasts, « Dans les yeux de Jeanne », un journal de bord dans lequel elle partage ses questions et ses ressentis au quotidien. « Moi, je suis comme vous mais je vois bien dans le regard des autres que je suis différente », affirme-t-elle en introduction. Parallèlement à cette expérience, Jeanne entame une formation de deux ans à l'école de radio Studec à Issy-les-Moulineaux et poursuit dans cette « voix » à la radio de l'hôpital Necker.
Un film salué par la critique en Espagne
Deux fois par semaine, elle intervient en tant que co-animatrice d'une émission diffusée en direct dans laquelle elle interviewe des invités. C'est donc son talent et sa motivation qui ont séduit l'équipe du film Valentina. Salué par la critique en Espagne et lauréat du prix Goya du meilleur film d'animation en 2022, Valentina s'exporte en France le 22 mars 2023, au lendemain de la Journée mondiale de la trisomie 21. « Les producteurs du film se sont tournés vers l'association Trisomie 21 France, de laquelle Jeanne est administratrice départementale, et c'est comme ça qu'elle a été contactée », précise Hélène. A peine le temps de digérer la nouvelle que Jeanne décolle pour un studio d'enregistrement au Luxembourg. Durant quatre jours « intenses », la jeune femme se plonge dans le personnage de Valentina avec facilité et concentration. « Je ne l'avais jamais vue si persévérante », reconnaît sa mère.
Aux côtés de Laetitia Casta
Tout en suivant le texte qui défile à vive allure, Jeanne doit s'accorder à l'articulation de l'héroïne, sans oublier le travail des émotions et de l'intonation. Pari réussi ! « J'ai adoré », rapporte-t-elle, enthousiaste. D'autant que son nom s'affiche en grand aux côtés d'une artiste de renom, Laetitia Casta, qui prête sa voix à la mère de Valentina. L'expérience est réussie ; Jeanne a conjugué plaisir personnel et engagement « pour faire bouger les mentalités ». Car Valentina n'est pas seulement un dessin animé distrayant d'une heure, adapté aux plus de quatre ans, c'est une ode « à toutes les différences », précise la doublure française, qui ne souhaite néanmoins pas devenir « la porte-drapeau des trisomiques ». Confortée dans ses choix, Jeanne enchaîne les projets et va prochainement signer son premier CDI dans une radio nationale. Une fierté pour celle qui, pour autant, garde les pieds sur terre : « Je n'ai pas d'autre rêve si ce n'est de m'accrocher à celui-là. Il ne fait que commencer ».