« Trop de fer, c'est l'enfer ! », affirme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Si le manque de fer est connu de tous, sa surcharge demeure méconnue. L'hémochromatose, l'une des maladies génétiques les plus répandues en France, touche pourtant près de 200 000 personnes avec des conséquences parfois désastreuses sur la santé : fatigue, impuissance, douleurs articulaires et abdominales, ostéoporose, diabète ou encore cirrhose, atteinte cardiaque, cancer du foie... Désormais simplifié, le diagnostic consiste à mesurer, via une prise de sang, le coefficient de saturation de la transferrine et de la ferritine et d'identifier la présence éventuelle de la mutation C282Y en double exemplaire. Encore faut-il en avoir connaissance... Chaque année, plus de 2 000 Français meurent ainsi, bien souvent, « par ignorance ». L'Académie nationale de médecine donne l'alerte à l'occasion de la semaine mondiale de l'hémochromatose, du 1er au 5 juin 2021. Son credo : « Le temps du dépistage est venu ! ».
Le fer « trône » sur les organes
« Chaque jour, nous ingurgitons environ 20 mg de fer. Mais seuls 1 à 2 mg sont absorbés au niveau de notre intestin, le reste étant directement éliminé dans les selles. Cette absorption intestinale limitée est strictement contrôlée par une protéine synthétisée par le foie, l'hepcidine. Une fois franchie la barrière intestinale, le fer absorbé se retrouve dans le sang. Là, il est véhiculé par une autre protéine, la transferrine », explique l'Inserm. Chez les personnes souffrant de la forme la plus fréquente de la maladie, l'hémochromatose héréditaire HFE de type 1, cette mécanique se dérègle. « Une hyper-absorption du fer contenu dans l'alimentation, liée à une insuffisance en hepcidine », entraîne une accumulation progressive de cet oligo-élément dans tous les organes, poursuit l'Académie, qui évoque un profil génétique dominant. Une récente étude démontre, en effet, que cette « perturbation héréditaire » est présente chez plus de six sujets caucasiens sur cent.
La saignée, un traitement simple et peu coûteux
Donnée très rare pour une maladie génétique, l'hémochromatose bénéficie, selon l'Académie de médecine, « d'un traitement simple, bien toléré, efficace et très peu coûteux » : la saignée. Elle doit, cependant, être réalisée à vie, pour maintenir la ferritinémie entre 50 et 100 microg/l. Appliquées tôt, les soustractions sanguines répétées permettent le retour à une vie et à une espérance de vie normales. « Pourtant, en raison d'une valorisation financière insuffisante de cet acte médical, l'offre de soins s'est considérablement réduite ces dernières années avec des délais d'attente entraînant une perte de chances pour un grand nombre de malades » . Cette évolution est, selon l'Académie, d'autant plus regrettable que l'hémochromatose bénéficie d'une reconnaissance institutionnelle par le biais d'un centre national de référence travaillant en lien étroit avec plusieurs centres de compétence et, en outre, d'un important soutien associatif. « La perspective thérapeutique innovante, à moyen terme, est représentée par la supplémentation en hepcidine qui permettra le retour à un métabolisme du fer normal », ajoute-t-elle.
85 % des diagnostics trop tardifs
Indépendamment de ces thérapeutiques « curatives », l'Académie insiste sur l'importance de l'approche préventive et particulièrement des enquêtes familiales qui sont encore « trop peu réalisées ». Selon l'Inserm, 85 % des diagnostics sont encore trop tardifs. En cause, notamment, des symptômes communs à de nombreuses autres pathologies et très variables d'un patient à l'autre. La semaine dédiée sera l'occasion d'améliorer la connaissance des personnels de santé sur l'hémochromatose, afin de détecter la maladie le plus précocement possible, avant 35 ans. Autre demande : revaloriser de « manière urgente l'acte de saignée afin de permettre un accès aux soins qui n'est plus aujourd'hui assuré de manière satisfaisante dans notre pays ».