Alors que la crise de Covid entre dans sa troisième année, les enfants et les jeunes pourraient ressentir les effets de la pandémie sur leur santé mentale et leur bien-être durant de nombreuses années, avertit l'Unicef dans son rapport phare publié le 5 octobre 2021 (en lien ci-dessous, en anglais), le jour même où s'ouvre à Paris le 3e Sommet mondial sur la santé mentale (article en lien ci-dessous). Il constitue « l'analyse la plus complète jamais menée » sur ce thème par l'Unicef, pas moins de 259 pages. Son titre ? « Dans ma tête : promouvoir, protéger et soigner la santé mentale des enfants ». A cette occasion, l'Unicef dévoile une installation éphémère du 4 au 6 octobre 2021 dans les hauts lieux de Paris (Louvre, Tour Eiffel...). Ces statues témoignent des histoires réelles de dix jeunes (photo ci-contre), représentant près d'un million de cas d'anxiété et de dépression en France.
L'impact de la crise
« En raison des confinements et des restrictions de déplacements liées à la pandémie, les enfants ont perdu un temps précieux, en passant des années loin de leur famille, de leurs amis et des salles de classe, sans pouvoir se consacrer à des activités extra-scolaires », a déclaré la directrice générale d'Unicef, Henrietta Fore. Au moins un enfant sur sept dans le monde a été directement touché par des mesures de confinement et plus de 1,6 milliard ont vu leur éducation affectée. « Ils ont ainsi été privés de certains aspects pourtant essentiels de l'enfance », poursuit-elle. Un jeune sur cinq âgé de 15 à 24 ans a déclaré se sentir souvent déprimé ou désintéressé (enquête Unicef/Gallup). En France, ils sont 24 %, soit un jeune sur 4. Ils expriment un sentiment de peur, de colère et d'inquiétude pour l'avenir, qui se manifeste, notamment, par « l'éco-anxiété » (article en lien ci-dessous). La France n'est pas épargnée. Selon la consultation nationale des 6-18 ans d'Unicef France, 77 % des répondants indiquent qu'il leur arrive d'être triste ou cafardeux, 53 % n'avoir plus goût à rien et 64 % perdre confiance en eux.
La partie émergée de l'iceberg
Mais les effets néfastes de la Covid-19 ne seraient que la « partie émergée de l'iceberg », selon l'Unicef. Le rapport souligne en effet que, même avant la crise, les plus jeunes portaient déjà le fardeau des problèmes de santé mentale sans que l'on investisse assez pour y remédier. Plus d'un adolescent sur sept âgé de 10 à 19 ans vivrait avec un trouble mental diagnostiqué, selon les études les plus récentes (2019, IHME). Près de 46 000 adolescents se suicident chaque année, ce qui en fait l'une des cinq principales causes de décès pour cette tranche d'âge (OMS 2019). Pourtant, seulement 2 % des budgets publics alloués à la santé sont affectés à la santé mentale dans le monde. « Les liens entre la santé mentale et la qualité de vie à long terme ne sont pas suffisamment reconnus », insiste l'Unicef. Or les troubles mentaux diagnostiqués (notamment le trouble déficitaire de l'attention/hyperactivité, l'anxiété, l'autisme, les troubles bipolaires, les troubles du comportement, la dépression, les troubles alimentaires, le handicap mental ou encore la schizophrénie) peuvent avoir des « effets néfastes considérables sur la santé, l'éducation, la qualité de vie et la capacité à obtenir un revenu ».
Briser le silence
Les lieux de soins étant saturés, la prise en charge des situations de mal-être, moins urgentes, passe au second plan. Cet état de fait a pour conséquence, à terme, d'aggraver la situation et de requérir des soins beaucoup plus lourds. On estime à 390 milliards de dollars par an la contribution aux économies perdue en raison des troubles mentaux entraînant un handicap ou un décès chez les jeunes (analyse London School of Economics). Le rapport de l'Unicef appelle donc à « s'engager, à communiquer et à agir pour promouvoir la santé mentale » de tous et à soutenir une « approche de prévention » y compris au sein des écoles. Surtout, elle encourage à « briser le silence qui entoure la maladie mentale ».