USA : étude annoncée pour expliquer la "pandémie d'autisme"

Une étude de grande ampleur qui révélerait en 5 mois les "causes" d'une "épidémie d'autisme". La déclaration du ministre de la Santé américain Robert Kennedy Jr laisse perplexes nombre de scientifiques, qui réfutent l'existence même d'une "épidémie".

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Portrait de Robert Kennedy Jr en train de parler à une tribune.

Par Chloé Rabs

Le ministre de la Santé américain Robert Kennedy Jr a annoncé, le 10 avril 2025, lancer des travaux de recherches impliquant "des centaines de scientifiques du monde entier" qui permettra de révéler "d'ici septembre" les causes de ce qu'il nomme une "épidémie" d'autisme. Il promet ensuite de les "éliminer" - une allusion à peine cachée aux vaccins, qu'il accuse à tort d'en être responsables.

Une "escroquerie" ?

"Quiconque prétend résoudre un problème aussi complexe en cinq mois est un escroc", a réagi sur X Neil Stone, spécialiste des maladies infectieuses au University college hospitals de Londres. Pour Hugo Peyre, pédopsychiatre au CHU de Montpellier, les propos du ministre de la Santé montrent "une certaine méconnaissance de la littérature scientifique". En effet, l'autisme, affection complexe et au spectre très large, est très étudié et les médecins s'interrogent depuis longtemps sur son origine.

Origines de l'autisme : plusieurs pistes mises en avant

S'il n'existe pas à ce jour de cause unique identifiée, plusieurs facteurs environnementaux ont été mis en avant (Autisme : l'impact des facteurs environnementaux in utero), comme une neuro-inflammation ou la prise de certains médicaments comme l'antiépileptique Dépakine durant la grossesse, tout comme des prédispositions génétiques (Origines de l'autisme : la génétique, piste "déterminante"). "Près de 200 gènes ont été associés à l'autisme et environ 80 % des cas d'autisme peuvent être liés à des mutations génétiques", explique ainsi Thomas Bourgeron, responsable de l'unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l'Institut Pasteur.

Trump relance la thèse vaccinale infondée

"C'est possible qu'il faille qu'on arrête de prendre quelque chose ou de manger quelque chose, ou peut-être que c'est un vaccin", a déclaré RFK Jr. Pour l'ONG américaine Autistic self advocacy network, cette annonce est un "signal clair" que le ministère de la Santé "a l'intention de produire des recherches truquées et frauduleuses qui soutiennent les croyances préexistantes de Kennedy et de Trump sur le lien entre l'autisme et les vaccins", a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Une théorie discréditée qui persiste

Le président et son ministre de la Santé se sont, en effet, fait le relais à plusieurs reprises d'une théorie - fausse - établissant un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l'autisme (Vaccin ROR et autisme : aucun lien, d'après une grande étude). Cette spéculation est issue d'une étude truquée par son auteur Andrew Wakefield, qui a été dépubliée et maintes fois démentie par des travaux postérieurs. Ce qui n'empêche pas la désinformation sur ce sujet d'inonder les réseaux sociaux, comme le constatent les équipes de vérification de l'AFP, et même d'être relayée par des dirigeants politiques.

Une enquête lancée malgré le consensus scientifique

Parmi eux, Robert Kennedy Jr qui, malgré le consensus scientifique, a ordonné en mars la tenue d'une nouvelle enquête sur le sujet aux CDC, la principale agence sanitaire du pays. Un des arguments phares repris par les tenants de cette théorie infondée est l'augmentation du nombre de cas. Selon les chiffres des CDC, la prévalence est en effet passée pour les enfants nés en 1992 d'1 sur 150 à 1 sur 36 pour ceux nés en 2012. Mais, pour les spécialistes, pas question de parler "d'épidémie" : "Il y a une distinction importante à faire entre la prévalence réelle, qui correspond à l'état de santé de la population et qui semble stable, et la prévalence mesurée", développe Hugo Peyre. Ainsi, même si la prévalence mesurée "augmente de manière spectaculaire depuis le début des années 2000", cela ne veut pas dire "que les enfants sont plus malades", ajoute-t-il.

Hausse des cas liée à l'élargissement des critères

En effet, cette augmentation s'explique surtout par l'élargissement des critères de diagnostic de l'autisme et par une meilleure connaissance des professionnels. "Les critères de diagnostic ont drastiquement changé ces dernières décennies avec une prise en compte plus importante des personnes sans déficience intellectuelle et une meilleure détection chez les filles", développe Thomas Bourgeron. "Les professionnels de santé et les familles sont aussi beaucoup plus attentifs aux troubles du spectre de l'autisme", renchérit Hugo Peyre.

Saluant la nécessité de continuer les recherches sur le sujet - notamment sur la compréhension des facteurs de risque prénatal et périnatal - le pédopsychiatre regrette que "les facteurs pointés par Robert Kennedy Jr aient déjà été écartés par la communauté scientifique avec des études de très bonne qualité".

© Gage Skidmore / Flickr

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