USA : étude annoncée pour expliquer la "pandémie d'autisme"

Robert Kennedy Jr, ministre de la Santé américain, promet une étude pour identifier les causes de ce qu'il qualifie de "pandémie de l'autisme", relançant des débats controversés sur les vaccins, malgré l'absence de fondement scientifique établi.

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Portrait de Robert Kennedy Jr en train de parler à une tribune.

 - Une "étude" de grande ampleur qui révélerait en quelques mois les "causes" d'une "épidémie d'autisme": la déclaration du ministre de la Santé américain Robert Kennedy Jr laisse plus que perplexes nombre de scientifiques, qui réfutent l'existence même d'une "épidémie".

Une vaste collaboration scientifique annoncée : une escroquerie ?

RFK Jr a annoncé jeudi lancer des travaux de recherches impliquant "des centaines de scientifiques du monde entier" qui permettra de révéler "d'ici septembre" les causes de ce qu'il nomme une "épidémie" d'autisme. Il promet ensuite de les "éliminer" - une allusion à peine cachée aux vaccins, qu'il accuse à tort d'en être responsables. 

"Quiconque prétend résoudre un problème aussi complexe en 5 mois est un escroc", a réagi sur X Neil Stone, spécialiste des maladies infectieuses au University College Hospitals de Londres.

Pour Hugo Peyre, pédopsychiatre au CHU de Montpellier, les propos du ministre de la Santé montrent "une certaine méconnaissance de la littérature scientifique". 

En effet, l'autisme, affection complexe et au spectre très large, est très étudié et les médecins s'interrogent depuis longtemps sur son origine. 

S'il n'existe pas à ce jour de cause unique identifiée, plusieurs facteurs environnementaux ont été mis en avant, comme une neuro-inflammation ou la prise de certains médicaments comme l'anti-épileptique Dépakine durant la grossesse, tout comme des prédispositions génétiques. 

"Près de 200 gènes ont été associés à l'autisme et environ 80% des cas d'autisme peuvent être liés à des mutations génétiques", explique ainsi Thomas Bourgeron, responsable de l'unité Génétique humaine et fonctions cognitives à l'Institut Pasteur.

Trump avance des pistes contraires aux connaissances scientifiques

 "c'est possible qu'il faille qu'on arrête de prendre quelque chose, ou de manger quelque chose, ou peut-être que c'est un vaccin", a-t-il déclaré.    Pour l'ONG américaine Autistic Self Advocacy Network, l'annonce de RFK Jr est un "signal clair" que le ministère de la Santé "a l'intention de produire des recherches truquées et frauduleuses qui soutiennent les croyances préexistantes de Kennedy et de Trump sur le lien entre l'autisme et les vaccins", a-t-elle déclaré dans un communiqué.    - Meilleure détection -    Le président et son ministre de la Santé se sont en effet fait le relais à plusieurs reprises d'une théorie - fausse - établissant un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l'autisme.    Cette spéculation est issue d'une étude truquée par son auteur Andrew Wakefield, qui a été dépubliée et maintes fois démentie par des travaux postérieurs.
Ce qui n'empêche pas la désinformation sur ce sujet d'inonder les réseaux sociaux, comme le constatent les équipes de vérification de l'AFP, et même d'être relayé par des dirigeants politiques.
Parmi eux, Robert Kennedy Jr qui, malgré le consensus scientifique, a ordonné en mars la tenue d'une nouvelle enquête sur le sujet aux CDC, la principale agence sanitaire du pays.    Un des arguments phares repris par les tenants de cette théorie infondée est que les cas augmentent.

Selon les chiffres des CDC, la prévalence est en effet passée pour les enfants nés en 1992 d'1 sur 150 à 1 sur 36 pour ceux nés en 2012.    Mais pour les spécialistes, pas question de parler "d'épidémie" : "Il y a une distinction importante à faire entre la prévalence réelle, qui correspond à l'état de santé de la population et qui semble stable, et la prévalence mesurée", développe Bruno Peyre.

Ainsi, même si la prévalence mesurée "augmente de manière spectaculaire depuis le début des années 2000", cela ne veut pas dire "que les enfants sont plus malades", ajoute-t-il. 

En effet, cette augmentation s'explique surtout par l'élargissement des critères de diagnostic de l'autisme et par une meilleure connaissance des professionnels.

"Les critères de diagnostic ont drastiquement changé ces dernières décennies avec une prise en compte plus importante des personnes sans déficience intellectuelle et une meilleure détection chez les filles", développe Thomas Bourgeron.  

"Les professionnels de santé et les familles sont aussi beaucoup plus attentifs aux troubles du spectre de l'autisme", renchérit Hugo Peyre. 

Saluant la nécessité de continuer les recherches sur le sujet - notamment sur la compréhension des facteurs de risque prénatal et périnatal - le pédopsychiatre regrette que "les facteurs pointés par Robert Kennedy Jr ont déjà été écartés par la communauté scientifique avec des études de très bonne qualité".    dl-

© Gage Skidmore / Flickr

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