Ville de Lyon : Audrey Hénocque, "poil à gratter" handicap

La 1ère adjointe de Lyon, Audrey Hénocque, revendique son rôle de "poil à gratter" quand les choix des politiques ne prennent pas en compte les intérêts des personnes handicapées. Tétraplégique, elle interroge aussi sur la place des élus handicapés.

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Par Marjorie Boyet

A son arrivée à la mairie, en 2020, Audrey Hénocque, élue tétraplégique, qui se déplace en fauteuil roulant depuis un accident de la route survenu l'année de ses quinze ans, n'avait pas pour priorité de susciter une "prise de conscience" autour du handicap ni de lutter contre les discriminations "validistes". Tout commence quand la majorité écologiste menée par Gregory Doucet s'empare de la mairie ; cette spécialiste des collectivités territoriales, diplômée de Sciences Po Grenoble - ville pionnière dans l'accessibilité – et mère de deux enfants, se voit attribuer la place de première adjointe en charge des finances de la deuxième ville de France, ainsi que des grands événements. Une première pour une femme, ce qui lui vaut quelques interviews dans les medias locaux. "Pas dupe" d'incarner à double titre un symbole, l'ancienne administratrice qui a officié notamment au département du Rhône et à la région Auvergne-Rhône-Alpes, ne cherche pas la lumière.

Une vidéo virale

Mais, en novembre dernier, les propos d'une élue de l'opposition ironisant sur les "cul-de-jatte" et "pied-bot" auxquels on "ferait faire du vélo", la poussent à prendre le micro. Visiblement émue, elle dénonce le "validisme", un terme qui désigne la discrimination envers les personnes handicapées, véhiculé par cette élue de droite. Un extrait vidéo de leur échange embrase les réseaux sociaux locaux. "Ce qui m'a exaspérée, c'est l'ensemble de son propos avec une vision des personnes handicapées comme objets de soins médicaux ou de politique sociale, une vision très passéiste", confie-t-elle à l'AFP. La quadragénaire coiffée d'un carré blond initie la mise en place d'une commission sur le "validisme" à la mairie de Lyon, qui agit, selon elle, comme un électrochoc sur certains de ses pairs. "Une élue m'a dit : 'Je suis bouleversée, c'est comme lire pour la première fois un rapport du Giec (ndlr : groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), on se rend compte que les problèmes sont énormes, depuis longtemps, et qu'on ne fait rien', c'était la prise de conscience !", se souvient-elle.

Un fonds national pour les élus handicapés

Sous son impulsion, l'auguste Hôtel de ville se transforme, certaines portes sont automatisées, des sanitaires proches de son bureau sont agrandis. Ce qui a mis la responsable des finances municipales dans "une situation de culpabilisation": "j'avais l'impression de grever des dépenses" de la ville, dit-elle. Cela la conduit à cosigner une tribune publiée dans Le Monde avec Odile Maurin, élue à Toulouse, également en situation de handicap, pour dénoncer le "manque criant" de moyens dédiés à l'inclusion politique et à réclamer la mise en place d'un fonds national. "Dans le monde du travail, ce n'est pas parfait, mais il y a eu un droit à la compensation raisonnable du poste de travail et qui marche bien" alors que dans le monde politique, cet aménagement n'est "pas prévu", souligne-t-elle. Ou, du moins, une disposition existe dans le code général des collectivités mais reste "très limitée" financièrement, nuance-t-elle. Pour elle, "il faudrait que ce soit un fonds national pour une équité sur tout le territoire et que les plafonds soient plus en lien avec la réalité". "C'est indispensable car soit on n'aura pas de personnes handicapées dans la vie politique, soit pour se donner bonne conscience, on en met avec des quotas, mais sans moyens, elles vont juste faire de la figuration".

Coup d'accélérateur pour l'accessibilité des bâtiments publics

A Lyon, elle se flatte de constater un "coup d'accélérateur pour l'accessibilité des bâtiments publics". "Au début du mandat, 11% des bâtiments recevant du public étaient accessibles alors qu'on devrait être à 100%" et "l'objectif est d'approcher les 46% en fin de mandat", précise-t-elle. La campagne des élections présidentielle et législative mobilise désormais celle qui a été désignée référente "commande publique" du candidat écologiste Yannick Jadot. "Pour la campagne électorale, je suis contente de voir que Yannick Jadot porte ces idées-là, mais il n'en fait pas un thème de campagne et il faudrait aller plus loin ; il faudrait que le prochain président porte le changement". Et, selon elle, "ça commence par prendre conscience de toutes ces difficultés" au quotidien.

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