Violence sexuelle & handicap : le livre qui libère la parole

Offrir une bulle de répit, de parole... une "bulle dans l'océan". Avec cet ouvrage éponyme, sorti le 9 janvier 2025, Coralie Diere, psychologue, aborde le sujet tabou des violences sexuelles sur les mineurs en situation de handicap. Entretien.

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Couverture du livre «Une bulle dans l’océan» : une fille nage avec des poissons.

Ondine a 11 ans. Elle est passionnée par la natation et adore les moments partagés avec sa meilleure amie, Laura. Avec ses autres camarades, elle se sent différente car elle porte un appareil auditif qui lui fait subir des moqueries. Elle se réfugie alors dans un entraînement intensif auprès de son oncle Mathieu qui est aussi son entraîneur. Être sous l'eau apporte la légèreté et les couleurs que la fillette a perdu sur la terre ferme. Jusqu'à ce jour de victoire où Ondine, désormais âgée de 13 ans, s'écroule physiquement et ouvre sa voix à des révélations qui bouleversent le cours de sa vie. Le livre Une bulle dans l'océan, en librairie depuis le 9 janvier 2025, entend briser les tabous des violences sexuelles à l'égard des enfants en situation de handicap. Six questions à son auteure, Coralie Diere.

Handicap.fr : Pourquoi avoir décidé d'écrire sur cette thématique ? 
Coralie Diere
: Je suis psychologue spécialisée dans la protection de l'enfance depuis 17 ans. J'interviens notamment dans des foyers, aussi appelés « maisons d'enfants ». Je reçois beaucoup de petits patients et constate que l'enfance, le handicap et les violences sexuelles font souvent partie d'un même tableau. Il y a effectivement beaucoup plus d'enfants porteurs de handicap qui révèlent des violences sexuelles. Les chiffres le montrent : ces derniers ont cinq fois plus de risques d'en être victimes. Leur dépendance, l'isolement et leurs difficultés de communication contribuent à les fragiliser davantage.

H.fr : Quelles sont vos missions ? 
CD
 : En maison d'enfants, je ne pratique pas de thérapie mais je reçois les jeunes à leur demande. Ils viennent autant de fois qu'ils le veulent et s'ils me révèlent des faits, j'ai l'obligation de faire un signalement, puis de les accompagner dans le processus, de la gendarmerie jusqu'au procès. Ils sont placés du fait de carences ou de violences familiales. Souvent, l'agresseur est issu du cercle proche, l'enfant le côtoie ou le côtoyait (avant son placement) dans sa vie quotidienne. Ça peut être un ami de la famille, un parent, une mère… C'est très tabou mais ça arrive plus souvent qu'on ne le croit.

H.fr : Comment est né Une bulle dans l'océan ?
CD
 : Avec mes collègues éducateurs, nous nous sommes rendus compte qu'il n'y avait pas beaucoup d'outils de prévention des violences sexuelles et encore moins dédiés à la question du handicap. Il était difficile de trouver les mots justes pour parler à ces jeunes. L'écriture est donc apparue comme une nécessité. 

L'inspiration du titre Une bulle dans l'océan remonte à très loin, il est issu d'un recueil de poèmes rédigé lorsque j'étais petite fille. Je ne voulais pas oublier l'enfant que j'étais, qui s'interrogeait sur le monde.

H.fr : Pourquoi avoir choisi d'illustrer le texte ?
CD
 : Après avoir écrit les textes, il fallait trouver quelqu'un qui puisse les illustrer afin d'adoucir le propos. C'était utile, par exemple, pour imager l'agresseur et l'agression. J'avais également envie de mettre en valeur l'altération des couleurs en cas de dépression ou de troubles psychiques. Ce livre et ses couleurs reflètent les états psychologiques d'Ondine, sans être dans une description noire et pessimiste de sa vie. Par ailleurs, le dessin s'inscrit dans l'objectif d'être accessible aux plus jeunes. 

H.fr : Qui est Ondine ? Est-elle inspirée d'un jeune que vous avez accompagné ? 
CD 
: Ondine, c'est la voix de tous les enfants que j'ai entendus mais qui ne le sont pas toujours par la Justice. Souvent, il n'y a pas eu de procès mais des classements sans suite. Et puis Ondine a été façonnée par mes expériences personnelles. Elle doit passer le message qu'il faut être attentif aux enfants porteurs de handicap, plus vulnérables aux agressions sexuelles. De façon générale, il faut l'être face à tous les enfants qui portent une différence et qui doivent être intégrés dans la société. 

D'autant qu'au sein des maisons d'enfants, beaucoup de jeunes disposent de dossiers MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), c'est une population très représentée. Avec mon cursus « psy » et d'autres lectures, je suis quotidiennement confrontée à la question du handicap et du traumatisme.

H.fr : A qui se destine ce livre ? 
CD
 : Mon objectif ? Rendre ce livre accessible à un large public de jeunes et d'adultes, c'est pour ça qu'il a été transcrit en braille et en version sonore. C'est aussi un livre-outil avec un autotest, des messages essentiels de prévention, un cahier d'accompagnement pour parents et professionnels. Des exemplaires ont été distribués dans les CDI et des affiches dans des cabinets médicaux et établissements scolaires. 

Pour l'instant, il a été positivement accueilli par les partenaires privilégiés professionnels. Ils m'ont confié que c'était « un outil essentiel ». Les personnels de maisons d'enfants et médecins généralistes ont, de leur côté, affirmé qu'il n'y avait pas d'outil existant. J'espère que ce livre ne sera pas qu'une bulle dans l'océan... Il doit se propager partout. 

© Couverture du livre 

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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