Voitures électriques : aménagement compliqué pour les PMR?

Entre les voitures électriques et les PMR, le courant ne passe pas ! Alors que l'Europe a voté l'interdiction des véhicules thermiques dès 2035, les carrossiers n'ont pas encore trouvé la solution pour les adapter à ce public. Problème de batterie..

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Bientôt une Europe 100 % électrique ? Le 8 juin 2022, le Parlement a voté l'interdiction de vendre des voitures thermiques (essence, diesel ou hybride) neuves à compter de 2035 sur le Vieux continent afin de limiter les émissions de CO2. Leitmotiv ? 30 % des gaz à effet de serre proviennent de l'automobile. Si l'objectif écologique est louable, il risque toutefois de freiner l'autonomie de certains automobilistes en situation de handicap. Problème majeur : l'incapacité d'adapter certains véhicules en raison de l'emplacement des batteries. Pour Tony Masapollo, directeur de Pimas, spécialiste de l'aménagement de voitures pour les personnes à mobilité réduite (PMR), il est temps de passer la seconde afin de prévoir ce changement technologique majeur !

Handicap.fr : Pourquoi est-ce compliqué d'adapter une voiture électrique ?
Tony Masapollo : Lorsque l'on veut adapter une voiture thermique pour une PMR, on fait généralement les arrimages des fauteuils roulants au sol. Or, dans les véhicules électriques, les batteries se situent dans le plancher ; il est donc trop dangereux de toucher au sol, à moins d'avoir les plans détaillés de la voiture et de la démonter mais cela prendrait un temps fou. Pour le moment, on ne fait donc pas d'investigation sur ces modèles.

H.fr : Pour quel type d'aménagement cela pose-t-il problème, par exemple ?
TM : Pour transporter une personne en fauteuil roulant, la hauteur règlementaire est d'1m35, ce qui n'est pas proposé dans le Kangoo traditionnel par exemple. Il faut donc le « décaisser », c'est-à-dire baisser le plancher. Les carrossiers n'ont pas encore trouvé la solution pour les véhicules électriques. Or, il y a quelques semaines, le secteur a été pris de court lorsque Peugeot a annoncé que toute sa gamme utilitaire était passée à l'électrique. Le groupe ne va donc plus du tout produire de Berlingo thermique par exemple. Aucun professionnel n'est préparé à ce changement.

H.fr : Et ce n'est pas la seule contrainte...
TM : Effectivement, le poids en est une autre. Quand une Renault Captur thermique pèse entre 900 et 1 000 kilos, sa version électrique en atteint 1 400. Sachant que, pour le transport collectif (Trafic, Master, Jumpy...), généralement, on compte environ 75 kilos pour un passager « valide » et 160 pour ceux en fauteuil roulant. Ces véhicules risquent donc de dépasser le poids total autorisé en charge et poser des problèmes en cas de freinage. Par ailleurs, les bornes de recharge des voitures électriques ne sont pas toujours accessibles ni très pratiques pour les personnes en fauteuil roulant...

H.fr : Face au nombre de maires, à commencer par celle de Paris, qui exhortent à bannir les voitures thermiques des centres-villes, il va falloir réagir très vite...
TM : Effectivement. La transformation pour le transport des PMR reste toutefois un petit marché. Mais les carrossiers vont devoir s'adapter... et vite ! C'est l'affaire de quelques mois...

H.fr : Cette problématique concerne principalement la personne en situation de handicap lorsqu'elle est conductrice ou passagère ?
TM : Le problème majeur concerne le transport des passagers, y compris dans des véhicules individuels. Pour les conducteurs qui effectuent un transfert sur le siège d'origine ou sur un siège pivotant, la transformation intérieure pourra toujours se faire sans trop de difficultés. Mais le problème se posera également pour les conducteurs qui restent dans leur fauteuil et bénéficient d'un arrimage au sol créé a posteriori. Même si, personnellement, je trouve que le fait de conduire dans un fauteuil est totalement inapproprié.

H.fr : Pour quelle raison ?
TM : En cas de freinage fort ou de choc, le corps se déplace vers l'avant, freiné par la ceinture, en admettant qu'elle soit mise correctement -sachant que la cinétique n'est pas optimale pour un conducteur en fauteuil roulant-, puis revient vers l'arrière. Or, aucun dossier ni appui-tête de fauteuil ne résiste à la force de ce « retour ». C'est une vitrine pour les sociétés mais, en termes de sécurité, ça laisse vraiment à désirer !

H.fr : Pour revenir aux adaptations, quelles solutions auront donc les automobilistes à mobilité réduite ?
TM : Il faut se tourner vers des constructeurs qui proposent encore des modèles thermiques qui sont parfois beaucoup plus onéreux. Notons toutefois que, d'ici quelques années, il n'y aura que 50 % de voitures électriques en Europe, 30 % en Chine et 40 % aux Etats-Unis. Donc le moteur à explosion existera toujours...

H.fr : Mais le problème n'est pas tant la production que la règlementation dans certaines villes...
TM : Certes. Mais, pour le moment, tous les véhicules utilisés pour le transport des personnes handicapées échappent à la norme « WLTP » (pour Worldwild harmonised light vehicle test procedure) grâce à une dérogation. Elle devrait perdurer...

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