« 42 bornes comme ça... Ça ne va pas être facile ! », s'inquiète Thibault Loué. Son médecin l'a prévenu, avec les yeux bandés, le jeune coureur d'endurance de 29 ans va « hyper ventiler, sa fréquence cardiaque va monter très vite... ». En une vingtaine de minutes (ci-contre), un film retrace son défi insolite : courir le Marathon de Paris 2021 à l'aveugle. Son titre ? Invisibles. À travers sa démarche, Thibault espère « en toute humilité », sensibiliser au handicap visuel et valoriser les athlètes en situation de handicap. « Pour moi, c'est devenu une véritable mission de mettre ces personnes dans la lumière, confie-t-il. Et le meilleur moyen pour raconter cette histoire était de la vivre moi-même en me bandant les yeux sur une course mythique ».
Dans l'indifférence générale
Tout a commencé en décembre 2019 dans le métro parisien. Thibault fait la rencontre d'une personne aveugle qui n'arrive pas à retrouver son chemin dans l'indifférence générale. Cette scène le bouleverse au point de vouloir raconter, à sa manière, l'histoire de ceux qui ne voient pas, de ceux que l'on ne voit pas. Ce sont les « Invisibles ». Il décide d'alors de se lancer dans ce pari fou, dès l'édition 2020. Il lui faut alors trouver à la fois une personne capable de filmer, de de le guider sur longue distance sans difficulté et surtout un ami. Cédric Dubourg sera ses yeux... Ils ont filmé la préparation durant des mois, révélant leurs certitudes, leurs doutes, leurs émotions... Et tous les imprévus qui les ont arrêtés un temps, ce Covid break qui a failli les mettre à terre et a contraint à reporter le projet d'une année... « Globalement, ce tournage était une grosse claque de vie. On a rencontré des personnes extraordinaires et on en est ressortis très émus », explique Thibault. Les deux coureurs ont en effet été entraînés par Mériam Amara, non voyante, sportive multidisciplinaire et en para triathlon, et Thibault Rigaudeau, membre de l'équipe de France handisport de triathlon, 4ème aux Jeux de Tokyo 2020. Ce projet était également soutenu par Lucie Care, un fonds de dotation qui vient en aide aux jeunes déficients visuels.
Le binôme était sur la ligne de départ le 17 octobre 2021, au milieu de 65 000 participants. « La vraie prise de conscience », Thibault dit l'avoir « eue à la fin de la course ». Il a passé les quinze derniers kilomètres à « souffrir et lutter » contre lui-même. Ses dernières foulées dans le noir complet, sans plus de repères, plus de forces, plus d'équilibre, avec, pour seule boussole, son ouïe, « complétement exacerbée ».
D'autres défis
Courir un semi-marathon, en relais, les yeux bandés, c'est aussi le défi que le champion de para natation Théo Curin avait proposé à Estelle Denis, animatrice télé, et Stéphane Diagana, champion du monde de 400 m haies (article en lien ci-dessous). Initialement prévu lors de l'Harmonie mutuelle semi de Paris, qui devait avoir lieu le 1er mars 2020, ce challenge avait finalement dû être relevé chacun de leur côté pour respecter les règles sanitaires en vigueur. Quant à Nicolas Bompard, il s'est lancé à l'assaut du marathon de Londres en 2019 (article en lien ci-dessous). Mais cet athlète de 37 ans accompagné de deux guides était, lui, bel et bien non-voyant. Sa meilleure performance est de 2 heures 44 minutes 15 secondes en 2014, à Orléans.