Question flash : Quelle sera la place du handicap dans votre politique ?
La France est signataire de la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Comme le féminisme, l'écologie... le #Handicap doit être le prisme de toutes les politiques publiques si l'on veut tenir la promesse républicaine de l'accessibilité universelle.
Et dans votre gouvernement ?
Si l'on veut lutter contre le validisme, il importe de ne pas enfermer le handicap dans une vision pathologisante et d'en faire une politique résolument transversale, donc interministérielle. Ce sera le mandat de la personne chargée des droits des personnes en situation de handicap dans mon gouvernement.
Question bonus : Quelle mesure emblématique dans le champ du handicap mettrez-vous en place ?
Les rencontres avec les personnes en situation de handicap démontrent que, bien souvent, on ne parle pas de mesures extraordinaires mais d'une simple application de la loi, par exemple en termes d'accessibilité universelle. Nous souhaitons renverser le regard sur la politique du handicap, loin des préjugés compassionnels ou héroïsants, afin de créer les conditions d'une vie digne, choisie, tournées vers l'émancipation plutôt que l'institutionnalisation. C'est toute une série de mesures qu'il nous faudra prendre pour remettre les personnes en situation de handicap au cœur de la cité.
1 - CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'ONU
• L'ONU exhorte la France, à la suite de son audition à l'été 2021, à fermer tous ses établissements médico-sociaux. Vous engagerez-vous à suivre ce cap ou vous semble-t-il excessif ?
La France a ratifié, en 2010, la Convention internationale des droits des personnes handicapées (CIPH). Elle s'y engageait notamment à "garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits de l'Homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d'aucune sorte fondée sur le handicap." L'accueil en institution des personnes en situation de handicap pose la question de leur ségrégation, de leur mise à l'écart d'une société validiste et capacitiste qui ne tient pas la promesse de l'accessibilité universelle. Or nous, écologistes, pensons que ce n'est pas aux personnes en situation de handicap de s'adapter à la société mais bien l'inverse. De fait, nous souhaitons tendre vers une désinstitutionnalisation. Cela doit s'accompagner évidemment d'un travail de mise en œuvre de l'accessibilité universelle ; nous créerons donc une agence dédiée.
• Quelles réponses apporterez-vous aux milliers de familles qui, à bout, restent sans solution, parfois durant des années et doivent pour certaines arrêter de travailler pour garder leur enfant à la maison ?
Si nous sommes favorables à une désinstitutionnalisation progressive, elle ne doit évidemment pas se faire au détriment des proches-aidants, en termes de temps, comme financièrement. Ceux-ci doivent donc être accompagnés et aidés mais, au-delà, nous voulons créer pour eux un statut protecteur, sans pour autant qu'ils en viennent à remplacer les professionnels. Plus largement, l'objectif d'accessibilité universelle effective impliquera d'élargir considérablement la scolarisation des enfants en situation de handicap, ce qui serait facilité par l'intégration des AESH dans la fonction publique avec un salaire décent. Nous souhaitons aussi ajouter un volet à la Prestation de compensation du handicap (PCH) concernant l'accompagnement à la parentalité des parents en situation de handicap (ndlr : ce dispositif existe déjà, mis en place en 2021).
2 – CITOYENNETE
Les personnes handicapées peinent à accéder à la vie publique et à une citoyenneté pleine et entière. Comment changer la donne ? Par exemple :
• Etes-vous favorable à l'instauration de quotas de personnes en situation de handicap sur les listes électorales, à l'image de ce qui existe pour d'autres publics (par exemple parité homme/femme) ?
En tant que citoyennes et citoyens, il est impensable que les personnes en situation de handicap soient exclues de la vie démocratique de notre pays. Cela implique évidemment l'accessibilité universelle dans l'organisation des scrutins mais aussi leur juste représentation dans les institutions.
• Respecterez-vous le quota de 6 % de personnes handicapées dans votre gouvernement, vos cabinets, votre administration ?
Nous croyons dans l'exemplarité en politique. La question de la représentation des personnes en situation de handicap dans un gouvernement, des cabinets ou une administration écologistes ne se pose même pas : nous respecterons ce quota de 6 %.
3 – RESSOURCES
• Mettrez-vous en œuvre l'individualisation de l'AAH, soutenue par tous les partis d'opposition contre l'avis de la majorité ?
• Par ailleurs, cette allocation à taux plein reste, avec 903 euros par mois, en dessous du seuil de pauvreté fixé en France à 1 102 euros en 2021. Comptez-vous l'augmenter à ce niveau pour son million de bénéficiaires ?
Oui, nous instaurerons l'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la revaloriserons car nous sommes convaincu·e·s qu'en incapacité de travailler, la personne en situation de handicap doit se voir reconnaître le droit vivre dignement et disposer de ressources propres pour son indépendance.
4 – EDUCATION
L'école inclusive a-t-elle ses limites ou est-ce un cap non négociable, quelles que soient les difficultés pour la mettre en œuvre ?
L'École ne peut être inclusive que si elle est universellement accessible. L'école inclusive est un cap non négociable : il faut des réponses aux difficultés pour qu'elle soit une réalité.
• Quatre mesures concrètes, de la maternelle aux études supérieures.
- Nous reconnaîtrons les 125 000 AESH (Accompagnant d'élèves en situation de handicap) comme des membres à part entière des équipes éducatives et pédagogiques en créant un corps statutaire intégré à la fonction publique et assurant leur stabilité dans les établissements.
- Nous instaurerons également des binômes enseignant/enseignant.e spécialisé.e dans toutes les formes de déficiences lorsqu'une classe ordinaire comptera un.e ou des élèves en situation de handicap.
- Dans l'enseignement supérieur, il est nécessaire de mettre en place une continuité administrative pour les étudiant·e·s en situation de handicap : tiers temps, prêt de matériel, accompagnant·e·s d'étudiant·e·s en situation de handicap. Nous rendrons progressivement les locaux des facultés accessibles (salles de cours, restaurants universitaires, laboratoires de recherche, etc.). Nous aménagerons les premiers rangs des amphithéâtres et toutes les salles réservées pour les étudiant·e·s à mobilité réduite (PMR). Nous mettrons en place des ascenseurs afin de permettre l'accès aux étages pour les personnes à mobilité réduite. Nous créerons des places de parking en nombre suffisant pour les étudiant·e·s en situation de handicap qui ne peuvent pas prendre les transports en commun. Nous prévoirons des personnes formées en langue des signes pour traduire les cours ou a minima une traduction en temps réel par vidéo.
- Nous penserons des logements étudiants accessibles et à proximité des facultés. Nous passerons par la médecine préventive des facultés dans une optique de continuité administrative et pour éviter le passage par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et donnerons les moyens aux facultés d'investir dans des matériels de prêt pour que l'adaptation du cursus soit mise en place dès la rentrée. Nous mettrons en place un service administratif adapté aux étudiant·e·s en situation de handicap pour les inscriptions et toutes démarches administratives qui peuvent être nécessaires durant leurs études.
• Que proposez-vous pour faciliter la mobilité internationale des étudiants en situation de handicap ?
Aujourd'hui, la mobilité internationale durant les études est cruciale pour l'insertion professionnelle. Il n'est pas acceptable que les étudiantes et étudiants en situation de handicap en soient exclus. En réalité, les mêmes difficultés quotidiennes (transports, logement, accès à la santé, administration, difficultés financières, etc.) se posent à l'étranger aux étudiantes et étudiants en situation de handicap en mobilité. Il convient d'y répondre et la création d'un statut international pourrait permettre d'harmoniser les démarches.
5 – EMPLOI
500 000 personnes handicapées sont au chômage. Jugez-vous que « nul n'est inemployable » ? Trois mesures phare pour l'emploi des personnes handicapées ?
Le taux de chômage des personnes actives reconnues handicapées s'établit à 14 %, contre 8 % pour l'ensemble de la population. Cette inégalité d'accès au travail demeure un frein important à l'émancipation des personnes en situation de handicap.
- Nous faciliterons l'accès des personnes concernées aux formations initiales et continues en lien avec Conseils régionaux.
- Nous ferons réellement respecter la loi sur l'obligation d'emploi des travailleurs et travailleuses handicapé·e·s (OETH).
- Nous renforcerons les contrôles dans les établissements spécialisés (type Esat-Établissement et service d'aide par le travail) et y appliquerons le droit du travail, notamment une rémunération digne (SMIC) avec à terme l'objectif de leur extinction progressive.
• N'êtes-vous pas inquiet sur l'avenir de l'AGEFIPH et du FIPHFP, d'abord à cause de leur budget en baisse mais aussi de la volonté actuelle de transférer aux entreprises et à leur bonne volonté (RSE) la compensation du handicap en emploi, qui se matérialise concrètement par la suppression des accords entreprise en 2024 ?
Nous souhaitons créer une Agence nationale de l'accessibilité universelle (ANAU). Elle rassemblera l'ensemble des compétences et des moyens. Elle aura pour missions principales de contrôler le respect des normes d'accessibilité, de prononcer des injonctions et d'infliger des sanctions en cas de non-respect et d'informer sur les lieux accessibles. Elle assurera un rôle de caisse centrale en rassemblant les moyens de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), les crédits dédiés pour l'investissement de l'accessibilité via les lois de finances et les pénalités sur les dotations globales de fonctionnement (DGF) des communes ne respectant pas la réglementation.
6 - ACCESSIBILITE NUMERIQUE
En dépit de la réglementation, de nombreux sites internet, y compris gouvernementaux, ne sont pas accessibles, faisant peser sur les personnes handicapées, pour certaines déjà isolées par les difficultés de déplacement, le poids supplémentaire de la fracture numérique. Acceptez-vous de durcir significativement les sanctions et de mettre en place une autorité de contrôle et de régulation à l'image de ce qui est en place pour le RGPD et la CNIL ?
L'accessibilité numérique est fondamentale à l'heure où tant de services publics (ou quotidiens) sont dématérialisés. Pour faire respecter la réglementation en la matière, il convient de se donner les moyens des contrôles, soit en renforçant les compétences de la CNIL (Commission nationale informatique et liberté), soit en créant une instance ad hoc avec un budget à la hauteur.
• Il en va de même pour le manque d'accessibilité des logiciels métiers qui constitue un frein majeur d'accès à l'emploi, quelles actions, comptez-vous déployer ?
Ils font partie intégrante des adaptations de poste qui sont une condition du droit au travail des personnes en situation de handicap. Il est plus facile de les concevoir nativement comme accessibles. Aussi, nous prônerons d'inclure des modules sur le handicap dans les formations, initiales et continues, des développeurs.
7 - CHOC DE SIMPLIFICATION
L'un des principaux credo du gouvernement actuel a été la simplification de l'accès aux droits des personnes handicapées avec, pour la première fois, un grand nombre d'attributions à vie (RQTH, PCH, CMI…) pour certains handicaps. Comptez-vous aller plus loin ?
La démocratie participative et représentative est un préalable à la construction de toute mesure nationale et territoriale pour et avec les personnes en situation de handicap. Fondée sur les principes de co-gouvernance, co-évaluation et co-gestion des dispositifs, il importe de rénover ce principe fondamental avec une plus large participation des personnes en situation de handicap, tant au niveau national que territorial. Nous repenserons le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Ses avis seront sollicités et entendus sur les projets de loi ayant des conséquences sur la vie des personnes en situation de handicap ou des impacts sur l'organisation institutionnelle du champ du handicap. Il sera associé à la programmation budgétaire annuelle de l'Etat et de la Sécurité Sociale affectée au secteur du handicap.
8 - HABITAT INCLUSIF
Au risque d'ébranler le système français du tout médico-social, l'habitat inclusif qui promeut la vie de la personne handicapée au cœur de la cité, fait aujourd'hui une percée. Comptez-vous encourager cette formule qui prône le vivre ensemble, même si cela suppose d'y investir des moyens supérieurs ? Y voyez-vous certaines limites ?
Nous souhaitons rompre avec la logique d'institutionnalisation qui revient bien souvent à imposer une ségrégation aux personnes en situation de handicap. L'habitat inclusif fait pleinement partie de la société d'accessibilité universelle que nous souhaitons faire advenir. Il est la condition pour beaucoup de gestes quotidiens des personnes concernées, dont leur accès à la vie sociale. Il faut investir des moyens supplémentaires ; toute la population en bénéficie en réalité.
9 - ACCESSIBILITE DU BATI
• Les Ad'AP (agenda d'accessibilité programmé) ont fixé des échéances et des règles précises pour assurer l'accessibilité des ERP (établissements recevant du public). Or elles ne sont pas respectées car aucune sanction n'est encore tombée. Vous engagez-vous à durcir le ton et comment ?
Il n'est pas admissible que les personnes en situation de handicap soient exclues des services publics, faute d'une accessibilité du bâti. Aujourd'hui, seul 0,22 % du plan de relance concerne l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, soit 18 % des Françaises et des Français. L'aide de l'État pour l'application de la loi de 2005 reste très faible. Les sanctions, notamment financières, doivent être prises et, en contrepartie, le budget doit être à la hauteur des besoins de mise aux normes.
• La Loi ELAN, ayant fait passer le nombre de logements accessibles de 100 à 20 %, suscite la colère des associations. Comptez-vous revenir sur ce principe ?
On sait les difficultés que peuvent poser les rénovations, mais on ne doit pas baisser la garde. Il est inacceptable que pour complaire aux promoteurs, la loi ELAN ait diminué les ambitions en matière de logements accessibles, quand on sait l'impact quotidien sur la vie des personnes en situation de handicap. Nous souhaitons évidemment que tous les logements neufs soient accessibles.
10 – SANTE
L'accès à la santé reste un gros point noir. Comment comptez-vous y remédier ?
Comme pour les autres droits, il n'est pas acceptable que les personnes en situation de handicap n'aient pas accès à la santé. Cela implique évidemment de raisonner en termes d'accessibilité des bâtiments tels que les hôpitaux mais également de travailler sur la formation, initiale et continue, des personnels de santé aux handicaps et à leurs spécificités.
Les interviews des autres candidats qui ont accepté de répondre à Handicap.fr sont disponibles dans les liens ci-dessous.