Les mêmes questions, sur dix grands thèmes, ont été posées à chacun des candidats à l'élection présidentielle 2022 (autres interviews dispo en lien ci-dessous). Voici les réponses de Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France).
Question flash : Quelle sera la place du handicap dans votre politique ?
Et dans votre gouvernement ?
Le handicap aura une place prépondérante. Pour la 4ème année consécutive, c'est la première cause de discrimination. Mes priorités sont l'emploi, l'école, l'accessibilité, le pouvoir d'achat, l'individualisation de l'AAH, le sport, la culture et le choix pour l'inclusion. Le secrétaire d'Etat sera rattaché au 1er ministre.
Question bonus : Quelle est la mesure emblématique dans le champ du handicap que vous voulez mettre en place ?
Revalorisation de l'AAH au-dessus du seuil de pauvreté de 1 102 et déconjugalisation.
1 - CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'ONU
• L'ONU exhorte la France, à la suite de son audition à l'été 2021, à fermer tous ses établissements médico-sociaux. Vous engagerez-vous à suivre ce cap ou vous semble-t-il excessif ?
Le choix entre : centre médico-social ou école inclusive ou école à la maison. Concertation avec la notification de la MDA (ndlr : Maison de l'autonomie), le médecin, les parents, l'intéressé.
• Quelles réponses apporterez-vous aux milliers de familles qui, à bout, restent sans solution, parfois durant des années et doivent pour certaines arrêter de travailler pour garder leur enfant à la maison ?
Dans mon projet, je propose une loi simple : une notification de la MDA = une place. Similaire à l'obligation d'enseignement. Élever son enfant ou garder un adulte handicapé à la maison doit demeurer un choix de la famille et non, comme bien souvent, une situation contrainte, faute de solutions. Il faut garder à l'esprit qu'il n'existe pas de solution toute faite, et les personnes sont singulières dans leurs handicaps et leurs besoins, donc ne peuvent pas entrer dans des cases ou obtenir une place pour le simple fait d'en obtenir une ; il faut non seulement une place mais une place adaptée. A cet égard, nous serons particulièrement vigilants face à la situation des personnes handicapées vieillissantes.
2 – CITOYENNETE
Les personnes handicapées peinent à accéder à la vie publique et à une citoyenneté pleine et entière. Comment changer la donne ? Par exemple :
• Etes-vous favorable à l'instauration de quotas de personnes en situation de handicap sur les listes électorales, à l'image de ce qui existe pour d'autres publics (par exemple parité homme/femme) ?
Dans le monde politique, les PSH sont sous-représentées. Un quota dissuasif et non punitif sera pertinent.
Respecterez-vous le quota de 6 % de personnes handicapées dans votre gouvernement, vos cabinets, votre administration ?
Maire pendant 22 ans, j'ai toujours respecté les 6 %. Ce sera le cas aussi dans mon gouvernement. Le résultat de l'emploi des PSH ont été un véritable bénéfice pour tout le monde.
3 – RESSOURCES
• Mettrez-vous en œuvre l'individualisation de l'AAH, soutenue par tous les partis d'opposition contre l'avis de la majorité ?
• Par ailleurs, cette allocation à taux plein reste, avec 903 euros par mois, en dessous du seuil de pauvreté fixé en France à 1 102 euros en 2021. Comptez-vous l'augmenter à ce niveau pour son million de bénéficiaires ?
Mes deux premières priorités sont :
- L'individualisation de l'AAH (sans plafond).
- L'AAH au-dessus du seuil de pauvreté (1 102 euros).
Et remettre en place le CR (complément de ressources) supprimé par Emmanuel Macron.
4 - EDUCATION
4 000 AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) de plus promis à la rentrée 2022, est-ce suffisant ? Vous engagerez-vous à faire mieux et comment ?
Ce gouvernement n'arrive plus à recruter parce que les AESH ne travaillent environ qu'une vingtaine d'heures (environ 700/800 euros par mois). Il faut augmenter les heures afin d'atteindre un véritable temps plein, en ajoutant le temps de préparation, comme pour les enseignants et des temps individuels avec les élèves handicapés, et ainsi augmenter le salaire. Il faut donner aux AESH un véritable statut, associé une formation diplômante. Nous nous engageons également à limiter strictement le nombre d'élèves par AESH.
• L'école inclusive a-t-elle ses limites ou est-ce un cap non négociable, quelles que soient les difficultés pour la mettre en œuvre ?
L'école inclusive est la priorité. Mais ne résoudra pas 100 % des attentes. A chaque enfant sa place. Certains enfants ont leur place à l'école si des efforts d'inclusion suffisants sont faits (présence d'AESH, formation des enseignants qui manque cruellement, formation des autres personnels et rôle de conseil accru des instances de santé au sein de l'Education nationale, totalement absente actuellement). D'autres enfants relèvent de l'éducation spécialisée et force de constater que les places d'ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) manquent et que l'on réduit la voilure, et que certaines expériences d'inclusion de ces élèves dans les classes dites ordinaires ne sont pas révélées concluantes pour leur bien-être. Enfin, certains ne peuvent être accueillis à l'école et sont orientés vers des établissements spécialisés. Un enfant ne peut être inscrit à l'école « en attendant » une place d'hébergement ou d'accueil de jour spécialisé, sinon au prix de souffrances, d'où notre volonté de créer autant de places d'orientations MDA.
• Quatre mesures concrètes, de la maternelle aux études supérieures.
1) Créer des postes d'AESH en nombre suffisant afin que tous les élèves en situation de handicap aient une solution de scolarisation.
2) Indiquer clairement pour quels élèves la mutualisation est possible et ceux pour lesquels elle est prohibée.
3) Rappeler fermement le principe qu'un accompagnant est au service d'un élève particulier et non de la classe.
4) Permettre aux AVS et AESH de suivre une formation qualifiante et diplômante et avoir une perspective professionnelle stable.
• Que proposez-vous pour faciliter la mobilité internationale des étudiants en situation de handicap ?
Nous considérons qu'une question comme celle-ci relève davantage du cas par cas, d'un dialogue direct entre l'université de provenance et celle d'accueil à l'étranger, que d'une mesure générale verticale. Souvent, cela se fait déjà et se passe très bien. Les services universitaires dédiés au handicap paraissent aujourd'hui bien mieux fonctionner que l'enseignement secondaire.
5 - EMPLOI
500 000 personnes handicapées sont au chômage. Jugez-vous que « nul n'est inemployable » ? Si oui, faut-il viser l'emploi en milieu ordinaire ou renforcer les dispositifs spécifiques, type Esat ou entreprises adaptées ?
Les personnes en situation de handicap sont une chance pour un employeur. La motivation, le sérieux, l'exemplarité et surtout la volonté de s'insérer dans la société est bien plus importante que pour des personnes valides. Toutes les solutions pour un emploi sont pertinentes. Les ESAT et entreprises (exploitations agricoles) adaptées sont une piste que nous souhaitons privilégier sans exclusivité. Force est de constater, en revanche, que certaines PSH ne peuvent pas du tout travailler ; là encore, il s'agit de cas par cas. Notre objectif est de permettre à toute personne handicapée qui en a la possibilité, la capacité et le désir de trouver un emploi sans discrimination. Le dispositif du travail universel devrait permettre, dans un double mouvement : de faire travailler des inactifs au service des PSH et de faire travailler les PSH qui le peuvent au service de la communauté, à la hauteur que leur permet leur handicap.
• Trois mesures phare pour l'emploi des personnes handicapées et comment comptez-vous les financer?
1) Exonération de charges pendant 2 ans.
2) Faire respecter la loi des 6 %.
3) L'emploi pour la souveraineté de notre pays. Ex : l'agriculture.
• N'êtes-vous pas inquiet sur l'avenir de l'AGEFIPH et du FIPHFP, d'abord à cause de leur budget en baisse mais aussi de la volonté actuelle de transférer aux entreprises et à leur bonne volonté (RSE) la compensation du handicap en emploi, qui se matérialise concrètement par la suppression des accords entreprise en 2024 ?
Je suis très inquiet de toutes les mesures faites par ce gouvernement pour les personnes handicapées. Il ne faut rien changer. Cela fonctionne depuis de très nombreuses années.
6 - ACCESSIBILITE NUMERIQUE
En dépit de la réglementation, de nombreux sites internet, y compris gouvernementaux, ne sont pas accessibles, faisant peser sur les personnes handicapées, pour certaines déjà isolées par les difficultés de déplacement, le poids supplémentaire de la fracture numérique. Acceptez-vous de durcir significativement les sanctions et de mettre en place une autorité de contrôle et de régulation à l'image de ce qui est en place pour le RGPD et la CNIL ?
Oui ! Tout doit être accessible, physiquement comme numériquement. La MDA doit aussi pouvoir mettre en place un service d'aides aux démarches. Ce n'est pas aux associations et aux familles de pallier les carences de l'État.
7 - CHOC DE SIMPLIFICATION
L'un des principaux credo du gouvernement actuel a été la simplification de l'accès aux droits des personnes handicapées avec, pour la première fois, un grand nombre d'attributions à vie (RQTH, PCH, CMI…) pour certains handicaps. Comptez-vous aller plus loin ?
C'est plus compliqué de remplir un dossier MDA (c'est passé à 20 pages) que par le passé. Mais le dossier à vie est une très bonne mesure. Cette fois, c'est une très bonne avancée pour les handicaps concernés. En revanche, trop d'aménagements dans le monde du travail sont encore renouvelables et parfois tous les ans (adaptation du poste de travail, allégement ou aménagement du temps de travail...) ; il conviendrait, là encore, de les rendre permanents lorsque les handicaps sont irréversibles. Un second chantier qu'il serait pertinent d'ouvrir est celui de l'harmonisation sur les territoires des décisions ; il n'est pas acceptable que, d'un département à l'autre, une décision puisse être modifiée sans changement de la situation de la PSH. Enfin, nous souhaitons questionner les attributions nombreuses de taux de handicap à 79%.
8 - HABITAT INCLUSIF
Au risque d'ébranler le système français du tout médico-social, l'habitat inclusif qui promeut la vie de la personne handicapée au cœur de la cité, fait aujourd'hui une percée. Comptez-vous encourager cette formule qui prône le vivre ensemble, même si cela suppose d'y investir des moyens supérieurs ? Y voyez-vous certaines limites ?
Il faut aller vers l'habitat inclusif. Mais il faut laisser le choix. Les centres médico-sociaux doivent être conservés. Le manque de places actuellement se résoudra avec cette option de choix. Le recul du médico-social peut aussi être vu comme une coupe financière bien plus qu'un désir d'autonomiser la PSH. Des habitats proposant des solutions intermédiaires nous paraissent bien plus intéressants, par exemple des immeubles proposant des appartements adaptés pour les PSH leur accordant une plus grande autonomie que dans un hébergement spécialisé, mais avec une surveillance médico-sociale, moins omniprésente mais bien réelle, une présence physique (une conciergerie médico-sociale). Ce type d'habitat pourrait évidemment mêler personnes valides, sensibilisés de fait au handicap, et PSH.
Ma crainte, c'est le vivre ensemble au cœur de la cité. Il faut tenir compte du fait que les PSH sont deux fois plus agressées que les valides. C'est encore pire pour les femmes handicapées. Un sujet à ne pas négliger. Attention à ne pas totalement abandonner les PSH sous le prétexte de les rendre plus autonomes.
9 - ACCESSIBILITE DU BATI
• Les Ad'AP (agenda d'accessibilité programmé) ont fixé des échéances et des règles précises pour assurer l'accessibilité des ERP (établissements recevant du public). Or elles ne sont pas respectées car aucune sanction n'est encore tombée. Vous engagez-vous à durcir le ton et comment ?
Oui, par un droit opposable ; ce sujet, à l'étude, ne paraît pas dans notre projet.
• La Loi ELAN, ayant fait passer le nombre de logements accessibles de 100 à 20 %, suscite la colère des associations. Comptez-vous revenir sur ce principe ?
C'est une énième « reculade » de ce gouvernement. Dans les prochaines années, le problème va s'aggraver. Il faut là aussi revenir en arrière au taux préexistant.
10 - SANTE
Au risque de mettre ce public en danger, l'accès aux soins des personnes handicapées reste un gros point noir, du fait de l'inaccessibilité des lieux de soins, du manque de formation du monde médical aux particularités du handicap et de reste à charge qu'elles ne peuvent assumer. Comment comptez-vous y remédier ?
Accessibilité physique, accessibilité des démarches, formation, aide aux aidants, embauche de davantage de soignants car rien ne remplace la présence humaine qui est la première guide des PSH et de tout être humain, création d'un nouvel hôpital par département. Attaquons d'abord les problèmes systémiques de l'hôpital qui sont graves et nombreux, ainsi un certain nombre des problèmes évoqués pour les PSH se régleront car ils se posent également pour la population générale (et même plus particulièrement pour les personnes âgées).
Nicolas Dupont-Aignan (DLF) : quelle place pour le handicap?
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