Emmanuel Macron (LREM) : quelle place pour le handicap ?

Quelle place pour le handicap dans le programme d'Emmanuel Macron (La République en marche) ? Comme à tous les autres candidats à l'élection présidentielle, Handébat a posé les mêmes questions. Réponses en dix thèmes...

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Illustration article Emmanuel Macron (LREM) : quelle place pour le handicap ?

Les mêmes questions, sur dix grands thèmes, ont été posées à chacun des candidats à l'élection présidentielle 2022 (autres interviews dispo en lien ci-dessous). Voici les réponses d'Emmanuel Macron (La République en marche).

Question flash : Quelle sera la place du handicap dans votre politique ?
Le soutien aux personnes en situation de handicap c'est une politique transversale, qui dépasse tous les clivages. Notre ambition : l'accessibilité universelle et l'accompagnement adapté, pour que chacun, quelle que soit sa condition, puisse prétendre aux mêmes droits.

Et dans votre gouvernement ?
Nous avons décidé de rattacher le secrétariat d'État chargé des personnes handicapées au Premier ministre. C'est cohérent avec notre ambition de mener une action transversale pour le handicap et que toutes les politiques menées intègrent d'elles-mêmes cette préoccupation. Je crois que cela a plutôt porté ses fruits ces cinq dernières années.

Question bonus : Quelle mesure emblématique dans le champ du handicap mettrez-vous en place ?
La personne vivant avec un handicap est avant tout une citoyenne, parmi les autres et participant pleinement à la cité. Tout se joue au début, à l'école, et c'est la raison pour laquelle la mesure qui nous semble avoir le plus d'impact et de poids est celle de proposer des contrats plus longs aux AESH afin d'éviter les ruptures d'accompagnement pour les enfants.

1 - CONVENTION INTERNATIONALE DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPEES DE L'ONU
• L'ONU exhorte la France, à la suite de son audition à l'été 2021, à fermer tous ses établissements médico-sociaux. Vous engagerez-vous à suivre ce cap ou vous semble-t-il excessif ?
Il est nécessaire de prendre le cap de la société inclusive en rendant l'environnement accessible et en garantissant l'accompagnement des personnes vivant avec un handicap dans le milieu dit « ordinaire », et non en marge de la société. C'est l'ambition que nous poursuivons avec nos efforts sur l'accessibilité (avec la mise en place d'un fonds territorial), promise aux Français depuis quinze ans ; notre investissement sans précédent dans l'école inclusive (avec notre proposition d'aller plus loin avec des AESH aux 35 heures) ; ou encore des solutions innovantes comme l'habitat inclusif. A ce titre, nous proposons, par exemple, qu'une plateforme publique recensant l'offre d'habitat inclusif soit mise en place. C'est un parcours au long cours. Il faudra aussi s'assurer que les personnes en situation de handicap lourd ou polyhandicap puissent faire valoir leur choix avec des solutions plus institutionnelles.

• Quelles réponses apporterez-vous aux milliers de familles qui, à bout, restent sans solution, parfois durant des années et doivent pour certaines arrêter de travailler pour garder leur enfant à la maison ?
Dans la continuité, et en complément de la démarche « Réponse accompagnée pour tous » (RAPT), et en articulation avec les Dispositifs d'appui à la coordination (interlocuteur unique pour les parcours de santé et de vie complexes) en cours de généralisation sur tous les territoires, les Communautés 360 sont en cours de déploiement dans l'ensemble des départements. Leur mission est d'être à l'écoute des personnes sans solution, et organiser des réponses concrètes et de proximité, afin d'atteindre l'inconditionnalité de l'accompagnement et rompre l'isolement des familles en mettant tous les acteurs autour de la table.

Le soutien aux aidants doit également être poursuivi et amplifié. Depuis 2017, le gouvernement a revalorisé leur action et leur engagement en lançant une réflexion sur leur statut et en créant un congé légal de « proche aidant ». Mais, à l'heure où notre population vieillit, et où un actif sur quatre sera aidant en 2030, nous devons accentuer notre soutien. C'est la raison pour laquelle nous proposons de mettre en place un interlocuteur unique chargé d'organiser tous les services, ainsi qu'un véritable statut de l'aidant. Il supposera notamment de pouvoir bénéficier d'un relais de deux semaines par an pour pouvoir se reposer et prendre soin de soi, tout en continuant de déployer et améliorer les solutions de répit existantes. Nous avons aussi décidé une revalorisation du montant de l'allocation journalière du congé « proche aidant » versée aux personnes qui accompagnent un proche en déficit d'autonomie à compter de janvier 2022 au niveau du Smic, quelle que soit la composition du foyer familial.

2 – CITOYENNETE
Les personnes handicapées peinent à accéder à la vie publique et à une citoyenneté pleine et entière. Comment changer la donne ? Par exemple :
• Etes-vous favorable à l'instauration de quotas de personnes en situation de handicap sur les listes électorales, à l'image de ce qui existe pour d'autres publics (par exemple parité homme/femme) ?
L'objectif de participation et de citoyenneté se réalisera par une politique volontariste d'accessibilité plutôt que par une politique de quota qui, si elle peut accélérer la dynamique, reste malgré tout stigmatisante. Cela ne participe pas forcément au changement de regard sur le handicap. Nous croyons néanmoins qu'il nous faut travailler ensemble à la place et la visibilité d'élus avec handicap dans le débat public. La conférence transpartisane que nous appelons de nos vœux pour rénover notre démocratie nous semble être le cadre adéquat pour entamer de tels travaux.

• Respecterez-vous le quota de 6 % de personnes handicapées dans votre gouvernement, vos cabinets, votre administration ?
Oui, nous devons poursuivre et amplifier la démarche engagée depuis 2017 et se fixer pour objectif à cinq ans d'atteindre les 6% de personnes en situation de handicap travaillant au sein des services de l'Etat mais aussi des collectivités territoriales.

3 RESSOURCES
• Mettrez-vous en œuvre l'individualisation de l'AAH, soutenue par tous les partis d'opposition contre l'avis de la majorité ?
• Par ailleurs, cette allocation à taux plein reste, avec 903 euros par mois, en dessous du seuil de pauvreté fixé en France à 1 102 euros en 2021. Comptez-vous l'augmenter à ce niveau pour son million de bénéficiaires ?
Lorsqu'elles n'ont pas les ressources suffisantes, les personnes en situation de handicap sont soutenues par l'AAH. Cette aide était insuffisante et nous l'avons revalorisée de 100 euros. C'était une promesse de campagne de 2017 à laquelle je tenais particulièrement.
Ce n'est que justice.

Le débat autour de la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH) a mis en lumière l'incompréhension quant au modèle actuel de compensation financière du handicap. Ses règles de calcul restent trop difficiles à appréhender. Nous allons continuer d'améliorer cette aide, en luttant contre le non-recours et en l'articulant mieux avec les autres dispositifs existants afin que toutes les personnes en situation de handicap bénéficient de l'accompagnement nécessaire, et que tout allocataire puisse aller vers l'emploi sans craindre de voir ses revenus diminuer. Surtout, nous allons intensifier nos efforts pour accompagner les enfants et les étudiants en situation de handicap car, à chaque fois que c'est possible, l'autonomie doit passer par le libre choix du parcours de vie et de l'emploi.

Dernière minute du 20 avril 2022 : Lors du débat du 20 avril qui l'a opposé à Marine Le Pen, réitérant ses propos du 15 avril (article en lien ci-dessous), il s'est dit « favorable qu'on puisse en effet corriger cet effet de bord qui, lorsqu'une personne handicapée se marie avec une personne qui a beaucoup plus d'argent, le perd. C'est vrai que le gouvernement n'a pas soutenu cette mesure ». Mais il promet « d'avancer ».

4 EDUCATION
4 000 AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) de plus promis à la rentrée
2022, est-ce suffisant ? Vous engagerez-vous à faire mieux et comment ?
• L'école inclusive a-t-elle ses limites ou est-ce un cap non négociable, quelles que soient les difficultés pour la mettre en œuvre ?
Depuis le début du quinquennat, l'École inclusive est une des priorités du gouvernement et le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire n'a jamais été aussi élevé. Notre action vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les enfants de la maternelle au lycée par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs propres. La mise en œuvre de l'école inclusive repose sur plusieurs facteurs de réussite : l'organisation structurelle de l'école, la coopération avec des partenaires extérieurs, la diffusion de la recherche pédagogique, d'outils et matériels numériques, ainsi que l'accompagnement humain apporté aux enfants en situation de handicap.

L'école inclusive conjugue deux principes indissociables, piliers de la loi de 2005, permettant la prise en compte des besoins éducatifs particuliers :
- L'accessibilité, « l'accès à tout pour tous », c'est-à-dire l'action sur l'environnement scolaire et périscolaire et son adaptation, qui s'appuie sur une conception universelle native et la levée des obstacles environnementaux.
- La compensation, droit individuel dû par la collectivité et notifié par la MDPH, autrement dit l'intervention auprès de l'enfant en situation de handicap.

Nous allons intensifier nos efforts sur les deux leviers avec :
- Des contrats de 35 heures pour les AESH et une augmentation de leur nombre, afin que l'accompagnement des élèves ne s'arrête plus aux portes de la classe mais puisse se pérenniser dans les activités périscolaires, à la cantine et lors de la pratique sportive.
- Un fonds territorial d'accessibilité, piloté par les préfets, pour accélérer la mise en accessibilité des écoles, collèges, lycées, voirie, transports.

Nous soutiendrons toutes les initiatives attendues et efficaces qui fleurissent dans les établissements scolaires, comme celles de réaliser des binômes entre valides et personnes en situation de handicap. Nous voyons bien que l'école inclusive n'est pas un long fleuve tranquille. Encore trop d'AESH se sentent parfois démunis face à des handicaps qu'ils et elles connaissent peu ou pour lesquels ils se disent insuffisamment formés, que trop d'enseignants n'arrivent pas à donner à chacun la place qu'il mérite, que des familles n'y croient plus et se disent qu'après tout l'école « ordinaire » n'est pas faite pour leurs enfants.
Nous continuerons d'écouter les familles, enseignants, et acteurs associatifs pour comprendre où sont les blocages, quels obstacles d'organisation peuvent être levés, notamment dans nos territoires. Car nous croyons à cette belle idée d'école inclusive, même si elle ne peut pas s'adresser à tous les élèves, ni avec le même accompagnement partout de manière uniforme.

• Que proposez-vous pour faciliter la mobilité internationale des étudiants en situation de handicap ?
Nous continuerons de soutenir le programme Erasmus+ qui prévoit une prise en charge particulière pour les personnes en situation de handicap, financière mais aussi avec un accès à des soutiens techniques et pédagogiques adaptés. Nous proposerons par ailleurs une aide financière, jusqu'à 500 euros par mois, pour les étudiants en situation de handicap. Nous simplifierons ainsi les aides et tenterons de lever tout frein financier à la poursuite d'étude, notamment pour les jeunes qui font face à des difficultés financières.

5 EMPLOI
500 000 personnes handicapées sont au chômage. Jugez-vous que « nul n'est inemployable » ? Si oui, faut-il viser l'emploi en milieu ordinaire ou renforcer les dispositifs spécifiques, type Esat ou entreprises adaptées ?
Nous souhaitons à la fois augmenter l'accès à l'emploi en milieu ordinaire et renforcer les liens entre milieu ordinaire et milieu protégé. Il faut continuer d'inciter les grands groupes industriels à créer des partenariats avec les Esat et les EA pour implanter sur leurs sites des espaces de production dédiés, qui seront des passerelles avant un recrutement définitif par le groupe.

Par ailleurs, nous avons engagé un plan global articulé autour de 17 engagements déclinés en 31 mesures, co-construit avec le secteur lors d'une concertation de février à mai 2021. Ce plan constitue les orientations pour les années à venir du modèle attendu des Esat. L'enjeu est d'impulser une nouvelle dynamique en confortant la mission d'accompagnement des personnes en situation de handicap dans une trajectoire professionnelle, à l'intérieur de l'Esat, mais aussi vers le milieu ordinaire adapté et classique.

Toujours selon cette dynamique, nous avons prolongé des expérimentations jusqu'au 31 décembre 2023 pour les entreprises adaptées, permettant de créer les nouveaux CDD tremplin et les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT). Les premiers résultats sont encourageants. Nous souhaitons également garantir l'accès de tout agent de la fonction publique d'État à un référent handicap, dont la fonction sera reconnue et professionnalisée.

• Trois mesures phare pour l'emploi des personnes handicapées ?
- Mieux accompagner les étudiants en situation de handicap dans le supérieur en leur offrant une allocation jusqu'à 500 euros par mois
- Améliorer l'accessibilité des centres de formation
- Encourager l'apprentissage pour les jeunes en situation de handicap

• N'êtes-vous pas inquiet sur l'avenir de l'AGEFIPH et du FIPHFP, d'abord à cause de leur budget en baisse mais aussi de la volonté actuelle de transférer aux entreprises et à leur bonne volonté (RSE) la compensation du handicap en emploi, qui se matérialise concrètement par la suppression des accords entreprise en 2024 ?
Notre action pour que la compensation en emploi soit effective est résolue. La création d'un baromètre « Emploi & Handicap » sur le portail gouvernemental « les entreprises s'engagent » en témoigne. Il permettra aux employeurs privés et publics, sur la base du volontariat, de publier chaque année leur engagement sur le handicap.

Suite de l'interview (5 questions portant sur l'accessibilité numérique, choc de simplification, habitat inclusif, accessibilité du bâti et santé) dans le lien ci-dessous : Emmanuel Macron (LREM) : quelle place pour le handicap ? (2/2)

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