«C'est un message d'espoir pour tous les travailleurs sociaux et tous les lanceurs d'alerte». Poursuivie pour diffamation après avoir dénoncé les conditions d'accueil des enfants handicapés dans l'institut spécialisé de Moussaron (Gers), une ancienne salariée a été relaxée le 21 novembre 2017 à Toulouse.
De longs applaudissements
«Ce combat est un combat pour l'humain», assure, des trémolos dans la voix, Céline Boussié, présidente de l'association Handi'Gnez-vous et ancienne aide médico-psychologique dans cet institut médico-éducatif (IME) à Condom en sortant de la salle d'audience du tribunal correctionnel de Toulouse. «La justice vient de me relaxer. Le message que j'ai à passer aux travailleurs sociaux, à tous les professionnels, c'est : "Parlez, bon sang. Libérez la parole"». « Il faut le faire, car ne pas le faire, c'est au détriment des personnes fragiles et vulnérables », a plaidé Mme Boussié, entourée par les membres de son comité de soutien qui avaient longuement applaudi la décision du tribunal quelques minutes plus tôt.
Actes de maltraitance
La procédure avait été lancée après les plaintes de l'établissement, Céline Boussié ayant dénoncé sur Europe 1 et LCI, en 2015, les conditions d'accueil des handicapés. Lors de l'audience, en septembre 2017, les larmes aux yeux, elle avait raconté les maltraitances que vivaient, selon elle, les enfants dans cet IME en 2013. Des extraits d'un reportage de Nicolas Bourgouin, pour Zone Interdite sur M6, avaient aussi été diffusés, montrant des enfants attachés, des lits trop petits, les enfants enfermés. « Trait pour trait, c'est ce que je voyais », avait assuré Mme Boussié, 42 ans, avant de dénoncer « l'enfermement d'une jeune fille pendant 10 jours », « des coups portés aux enfants » ou « une clef au bras » à un « petit pour qu'il ouvre la bouche ».
Violences institutionnelles
Pour autant, aucune des dix plaintes contre l'IME n'avait abouti, y compris celle qui avait été déposée par le ministère des Personnes handicapées, s'était défendue la directrice de l'institut, Aurélie Doazan, lors d'une rencontre avec un journaliste de l'AFP. Dans un rapport fin 2013, l'Agence régionale de santé (ARS) avait toutefois constaté de « graves dysfonctionnements »dans les conditions d'installation et de fonctionnement de cet IME pour enfants atteints de lourds handicaps et dénoncé des « violences institutionnelles ». « Me relaxer, c'est reconnaître ce qu'ont souffert ces enfants pendant 20 ans », a fait valoir mardi Céline Boussié, appelant à ses côtés une ancienne salariée, licenciée de cet IME en 1999 pour avoir elle aussi dénoncé des maltraitances.
Un formidable exemple
Au-delà de son propre cas, Céline Boussié a estimé que son combat était « un formidable exemple » pour tous les lanceurs d'alerte. « En toute modestie, je dois être la première lanceuse d'alerte à être relaxée en France », a-t-elle pointé en rendant hommage à ses avocats. Ceux-ci, a-t-elle révélé, lui ont « offert les frais de procédure », alors que « quand on est lanceuse d'alerte, c'est compliqué de se défendre car les frais de procédure coûtent cher ». Après la décision du tribunal, « il est évident qu'on va demander une enquête parlementaire », a poursuivi celle qui s'était présentée aux élections législatives en juin sous les couleurs de La France Insoumise (LFI), dans le Lot-et-Garonne.
Vers une enquête parlementaire
Cette enquête parlementaire qui pourrait porter « sur la maltraitance mais aussi sur la problématique des lanceurs d'alerte », a précisé le député LFI de l'Ariège, Michel Larive, membre du comité de soutien de Mme Boussié. Des lanceurs d'alerte « qui sont condamnés mais qu'on souhaiterait plutôt protéger », a dit M. Larive. « Aujourd'hui, on condamne ceux qu'on doit honorer, c'est un peu dommage », a-t-il conclu. Dans la même procédure, le tribunal a également relaxé Wendy Bouchard, journaliste à Europe 1, la station sur laquelle Céline Boussié avait notamment tenu ces propos. Lors de l'audience de septembre, le parquet n'avait demandé aucune peine contre les prévenus.