A Berck, un couple de squatteurs fait vivre un enfer à une personne handicapée. En Belgique, un jeune homme handicapé confie son code de carte bancaire à un ami qui le dépouille. Dans le Sud, huit ans de prison pour viols répétés sur un ami handicapé mental. Abus physiques, violences psychiques, séquestrations, détournements financiers, négligences, délaissement... Les plus vulnérables, qu'ils soient âgés ou handicapés, sont des proies faciles, qui s'exposent à toutes sortes de situations de maltraitance.
Alma France, dédiée au handicap
Alma France est une association nationale loi 1901 créée en 1994 par un professeur en gérontologie, à l'origine pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées. Ce n'est qu'en 2002 qu'elle ouvre ses services aux personnes handicapées, à l'origine sur deux antennes, Grenoble et Nancy. Trois ans plus tard, on en compte dix. Et, depuis 2012, 78 départements proposent des écoutants formés aux particularités des situations de handicap. La « prise en charge » ne se fait qu'au téléphone, par le biais de centres d'écoute animés par des bénévoles, souvent retraités de l'éducation nationale ou du médico-social, ou encore en activité.
Domicile : tabou, déni, secret
En ce qui concerne les personnes handicapées, l'association constate plus de signalements au sein des institutions qu'au domicile. « Mais c'est un peu le serpent qui se mord la queue, confie Emilie Graignic, coordinatrice nationale handicap d'Alma France, car, dans la sphère privée, s'il y a maltraitance, c'est qu'il n'y a généralement pas de prise en charge et donc personne pour dénoncer. Dans ces circonstances, ce sont le plus souvent les voisins qui donnent l'alerte. » L'un constate qu'un homme est lavé nu à grand jet dans son jardin. L'autre qu'un vieux monsieur handicapé erre dans un état déplorable dans la rue, en plein hiver et se nourrit dans les poubelles. Il vit pourtant avec sa femme qui ne lui permet de rentrer que le soir. « Cette situation a abouti à un signalement auprès du procureur de la République, qui a diligenté une enquête de gendarmerie, poursuit Emilie. Pour le moment, cet homme a pu rentrer chez lui, en attendant, éventuellement un placement dans un centre. »
Quelles violences ?
L'association constate une recrudescence des signalements portant sur des abus de confiance, surtout en région PACA où des « parasites » ont flairé le bon filon. Ce sont d'ailleurs le plus souvent des considérations financières qui motivent l'acte de maltraitance, des proches maintenant par exemple la personne handicapée sous leur joug pour coopter ses allocations. La violence sexuelle est également récurrente, aussi bien au domicile que dans les institutions certains professionnels profitant de la vulnérabilité de leurs résidents. La négligence s'invite, elle aussi, au bout du fil, comme en témoigne le cas de ce centre de vacances soit disant adapté qui propose des couchages en lits superposés à des enfants atteints de spina-bifida, sans aucun encadrement médical.
Le milieu du travail en cause
Une nouvelle problématique alerte Alma France depuis qu'elle s'investit auprès des personnes handicapées, et qu'elle n'avait évidemment pas avec les personnes âgées : le harcèlement, les insultes ou la violence dans le travail. Ses antennes reçoivent de plus en plus d'appels concernant des discriminations de la part de supérieurs ou de collègues, dans le milieu ordinaire. Même constat dans les ESAT (Etablissement et service d'aide par le travail). Ce sont des employés qui signalent le comportement maltraitant d'un collègue ou du personnel d'encadrement mais aussi, et cela est plus singulier, des éducateurs qui se trouvent en difficulté dans leurs ateliers... victimes de leurs travailleurs ! « En ce qui concerne les personnes âgées, observe Emilie, nous sommes majoritairement sollicités pour des violences conjugales et financières tandis que pour les personnes handicapées, on rencontre principalement des problèmes dans le travail ou des cas de séquestration au domicile. »
Des situations complexes
En institutions, ce sont le plus souvent les familles qui dénoncent, ou certains collègues. Au domicile, ce sont à 80 % les victimes elles-mêmes qui appellent. Néanmoins beaucoup renoncent à se plaindre de peur, quand elles sont en famille, d'être envoyées en institution et, lorsqu'elles sont en institution, d'en être exclues. « Je me souviens de l'appel d'une auxiliaire de vie en grande difficulté car elle était témoin, au domicile d'un homme polyhandicapé, d'un cas manifeste de séquestration. Il vivait reclus dans une cave aveugle sans jamais sortir, avec un seul repas par jour. C'est sa sœur qui le maintenait captif sans aucune prise en charge médicale. Nous avons pu lui proposer une place en établissement spécialisé. Mais, le plus terrible dans cette histoire, c'est que ce n'était pas forcément le souhait de cet homme car il vivait là depuis dix ans et ne se considérait pas comme une victime. On se rend compte que, parfois, la solution peut être plus maltraitante encore ! »
Former et sensibiliser
Aujourd'hui, un tiers des activités d'Alma France concerne le handicap. Une progression qui s'explique par une vaste communication, notamment auprès des professionnels du médico-social (il s'avère plus difficile de toucher les particuliers). Elle ne se contente donc pas d'écouter mais s'engage en faveur de la bientraitance en proposant des formations pour aider les équipes à adopter un comportement bienveillant, à réagir lorsqu'un conflit éclate au sein d'une famille ou lorsqu'elles constatent des comportements inadaptés envers une personne handicapée. Alma collabore avec les MDPH et les principales associations de personnes handicapées pour mener ces actions de sensibilisation.
Un engagement gouvernemental
Le 12 juin 2013, Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées et à l'autonomie, participait au colloque « Vulnérabilités et citoyenneté - Que dit le droit ? » tandis que le Comité national pour la bientraitance et les droits des personnes âgées et handicapées s'est réuni le 25 juin 2013, pour la première fois. Alma était au rendez-vous puisqu'elle est l'une des 60 associations impliquées dans ce comité. Son ambition ? Assurer la promotion de la bientraitance, une action dans laquelle le gouvernement se dit pleinement engagé.