Que signifie la fusion des deux compléments de ressources de l'AAH annoncée le 20 septembre 2017 à l'occasion du premier Comité interministériel du handicap du quinquennat Macron ? Le dossier de presse du CIH (en lien ci-dessous) dit ceci : « Les deux compléments de ressources de l'AAH destinés à compenser l'absence de revenus professionnels de personnes handicapées exposées à des frais de logement, en vue de favoriser leur autonomie, seront fusionnés en un seul, comme prévu initialement par la loi de 2005. Cette mesure de simplification entrera en vigueur progressivement pour préserver les droits des actuels bénéficiaires de ces compléments. Elle permettra notamment d'alléger les démarches des bénéficiaires de l'AAH qui pourront prétendre à la majoration pour la vie autonome puisqu'il ne sera plus nécessaire de solliciter une évaluation de la capacité de travail en complément de l'évaluation de l'incapacité. Le complément restera compatible avec les aides aux logements de droit commun dont peuvent éventuellement bénéficier les allocataires. »
2 compléments, pour qui ?
Rappelons que le bénéfice de l'AAH peut être complété, pour les personnes handicapées qui ont un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80% et qui touchent une allocation à taux plein, par l'un ou l'autre de deux compléments (ils ne sont pas cumulables) :
- Le Complément de ressources (CR) de 179,31 euros par mois lorsqu'elles ont une capacité de travail très faible, inférieure à 5%. 6% des bénéficiaires de l'AAH la perçoivent à ce jour, soit environ 65 000 personnes.
- La Majoration pour la vie autonome (MVA) de 104,77 euros par mois qui vient, elle, rehausser le niveau des allocations logement de droit commun. 14% des allocataires de l'AAH en bénéficient.
Détails du gouvernement
Cette annonce a interpellé les associations du champ du handicap, redoutant une perte de ressources pour certains bénéficiaires, qui se sont empressées de réclamer une explication de texte. Le 11 octobre 2017, le secrétariat d'État au handicap publie un communiqué de presse qui détaille cette nouvelle mesure… « Les bénéficiaires du complément de ressources vont accuser une perte significative de pouvoir d'achat ? FAUX », déclare-t-il. « La coexistence de ces deux compléments, dont le bénéfice est soumis à des conditions partiellement communes, et qui peuvent, ou pas, s'articuler avec les prestations logement de droit commun, nuit à la lisibilité des dispositifs et concourt à l'engorgement des MDPH par des demandes d'évaluations spécifiques. » C'est donc dans « une perspective de rationalisation et de simplification » que la fusion de ces compléments est engagée.
Pas avant 2019
« Elle ne sera pas effective avant le début 2019, poursuit le communiqué. Le complément de ressources (CR) qui implique une évaluation particulière de la capacité au travail des bénéficiaires, en sus de l'évaluation de son incapacité, disparaîtra. Subsistera la majoration pour la vie autonome (MVA). Les droits des bénéficiaires actuels seront maintenus ; la fusion des compléments interviendra au fil des nouvelles demandes. L'essentiel des nouveaux demandeurs vont pouvoir bénéficier de cette majoration dont le niveau, cumulé aux allocations logement, peut être supérieur à celui du complément. Seuls en seraient exclus les nouveaux bénéficiaires de l'AAH qui seraient par ailleurs propriétaires de leur logement ou logés à titre gratuit mais dont les charges de logement sont moindres ». « Une très grande majorité des bénéficiaires devrait ainsi pouvoir prétendre au nouveau complément lors de la suppression du complément de ressource, selon le secrétariat d'Etat. Leur nombre sera précisé dans le cadre des travaux préparatoires au PLF (projet de loi de finances) 2019 ».
11 asso ripostent
D'une même voix, et notamment via une pétition mise en ligne début octobre (article en lien ci-dessous), onze associations proposent une interprétation moins enthousiaste et dénoncent un nouveau dispositif qui pourrait représenter « une perte très significative de pouvoir d'achat ou très peu de gain » pour 65 000 bénéficiaires du complément de ressources. En effet, cette fusion s'alignera sur le montant le plus faible des deux, c'est-à-dire 104,77 euros. Au mieux la majeure partie de la revalorisation prévue de 90 euros de l'AAH euros serait absorbée, le gain n'étant plus que de 15 euros par mois à terme, au pire la baisse serait de près de 90 euros par mois, correspondant à la perte de la garantie de ressources. « Sans compter la baisse prévue des APL » de 5 euros par mois, ajoute de son côté l'APF (Association des paralysés de France) pour qui « ces mesures sont inacceptables, d'autant qu'elles touchent les personnes les plus lourdement handicapées, celles qui ne peuvent avoir de revenus professionnels. »
Question de simplification ?
L'APF tique également sur le fait que, comme énoncé par le secrétariat d'État, « l'objectif de la loi de 2005 » ne « visait à ne maintenir qu'un seul complément de l'AAH ». « C'est faux, s'insurge, Véronique Bustreel, responsable ressources au sein de l'association. Ces deux compléments sont inscrits noir sur blanc dans la loi de 2005. C'est une avancée importante qui avait été âprement négociée avec les associations ». Elle regrette par ailleurs que l'argument avancé soit « l'engorgement des MDPH » et fait son calcul : « 65 000 personnes pour le CR une fois tous les 5 ou 10 ans, contre 4 millions de dossiers traités par les MDPH chaque année, je doute que le problème vienne de là. L'objectif, c'est juste de faire des économies. ».
Et les renouvellements ?
Enfin, reste à définir le terme « nouveaux demandeurs ». Cette fusion concernera-t-elle aussi les demandes de renouvellement ? Véronique Bustreel affirme qu'elles seront considérées comme de « nouvelles demandes » et les allocataires perdront alors le bénéfice du CR. « C'est ce que nous a dit le gouvernement, relativisant en expliquant que certaines AAH étaient dorénavant acquises pour 20 ans. Mais la plupart des bénéficiaires l'ont plutôt pour 5 ou 10 ans. »