« Je ne suis pas incapable, je ne suis pas incroyable. Je suis juste un être humain ordinaire. » Le dernier clip d'Apple sonne comme un manifeste. Avec I'm not remarkable (Je ne suis pas remarquable), la firme américaine transmet un message clair : les personnes handicapées ne sont ni des « héros » à applaudir, ni des êtres « fragiles » à protéger. Pas de violons, pas de storytelling mélodramatique, pas de glorification du « courage » : ici, des étudiants « différents » chantent leur droit à l'ordinaire. Pour célébrer la Journée internationale des personnes handicapées du 3 décembre 2025, la marque à la pomme mise sur une vidéo qui donne... la pêche ! Dans une ambiance de comédie musicale survitaminée, elle envoie « valser » les clichés qui collent encore au handicap, avec une énergie contagieuse. 2 minutes 50 galvanisantes.
Argument marketing au second plan, vies au premier plan
Depuis plusieurs années, Apple revendique son engagement en faveur de l'accessibilité (Technologie inclusive: les nouvelles fonctionnalités d'Apple) mais, cette fois, la marque change de perspective : elle ne filme plus ses produits, elle filme des vies. Celles de jeunes qui se déplacent, étudient, draguent, ratent des équations, se « plantent » parfois, comme tout le monde. Les outils numériques accessibles (VoiceOver, AssistiveTouch, Loupe sur Mac, accès braille sur iPad, sous-titres en direct) apparaissent, mais de manière discrète, sans emphase, intégrés aux gestes ordinaires. Pas de démonstration spectaculaire, pas de zoom technique : juste des usages naturels, qui rappellent que l'accessibilité n'est pas un supplément mais un droit fondamental.
Intégrer le handicap au quotidien
Loin des spots larmoyants ou moralisateurs, le clip dépeint un campus en mouvement : des cours qui s'enchaînent, des amitiés qui se tissent, des fêtes improvisées, des chorégraphies qui éclatent au détour d'un couloir. Et c'est précisément là que réside sa force : le handicap n'est pas mis en scène comme un évènement, il fait partie du décor, comme l'une des nombreuses réalités qui composent la vie étudiante.
Ce parti pris répond à une revendication de longue date des associations et des personnes handicapées, en France comme ailleurs : sortir des récits d'exception et intégrer pleinement le handicap dans la société. « Je n'ai pas de superpouvoirs. Je n'arrive même pas à résoudre cette stupide équation ! », insiste un étudiant malvoyant. Un pied-de-nez aux injonctions permanentes au « dépassement de soi ».
Des répliques qui pulvérisent les attentes sociales
Porté par un casting de jeunes aux profils variés (neurodivergents, avec un handicap moteur, sensoriel...), le clip enchaîne des répliques cinglantes qui fissurent, une à une, les attentes sociales. « Pas besoin qu'on m'admire. Je n'essaye pas de vous inspirer », chante une jeune femme amputée des bras qui prend des notes avec ses pieds. « Si vous cherchez une inspiration, il y a une bibliothèque au bout du couloir », renchérit sa camarade malvoyante. « Vous avez remarqué que l'admiration peut parfois ressembler à de la pitié ? », interpelle une autre. Pas de grands discours, pas de morale. Juste des jeunes qui remettent les pendules à l'heure.
« Je ne suis pas remarquable, et vous non plus »
S'il fallait en retenir une seule, ce serait sans doute cette réplique : « Je ne suis pas remarquable, et vous non plus. » En quelques mots, le clip remet tout le monde sur un pied d'égalité, personnes handicapées comme « valides ». Chacun avance avec ses besoins, ses appuis, ses failles : « J'ai besoin de certaines choses, vous avez besoin de certaines choses, et toutes ces choses ne sont pas les mêmes. » Le final, chanté en chœur, scelle l'intention du film : « On va briller, on va échouer, on va tomber mais on va y arriver. Et ce sera génial et ce sera nul. Et il y aura de la solitude, de l'amour. Et en chemin, on apprendra que nous ne sommes ni similaires ni opposés. La vie m'attend et je refuse de passer à côté. »
« Laissez-nous exister »
I'm not remarkable ne se contente pas de sensibiliser : il secoue, interpelle, questionne nos projections, nos réflexes. Derrière sa mélodie contagieuse, signée Kittyy & The Class, il pose une question cruciale : pourquoi demande-t-on encore aux personnes handicapées d'être exceptionnelles pour être acceptées ? Apple, cette fois, ne répond pas avec des slogans mais avec des visages, des corps, des voix qui disent simplement : laissez-nous exister.
© Capture d'écran du clip d'Apple



