Birth trauma : lorsque mettre au monde est un traumatisme

Chez certaines femmes, un accouchement difficile peut déclencher un stress post-traumatique. Des chercheurs anglais ont donc mis au point un outil pour mieux diagnostiquer ce trouble psychique. Et faire de ce jour le plus beau d'une vie ?

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Lorsque mettre un enfant au monde devient une épreuve, on l'appelle « birth trauma » ou « traumatisme de la naissance ». A ne pas confondre avec celui qui touche l'enfant, évoqué pour la première fois par le psychanalyste autrichien Otto Rank qui considérait que la naissance s'associe au premier traumatisme vécu par l'être humain, notamment lié à la séparation brutale de la mère mais également au passage soudain d'un environnement protecteur à un environnement hostile.

Des séquelles lourdes

Dans le « birth trauma », c'est bien la mère qui en est victime, et il ne s'agit ni de baby blues ni de dépression post-partum. Si la plupart des femmes considèrent le jour de l'accouchement comme le plus beau de leur vie, il peut avoir, chez d'autres, à cause d'un événement ou d'un ressenti déstabilisant, inattendu et incompréhensible, de lourdes conséquences psychologiques : angoisse, panique, cauchemars récurrents, troubles du sommeil et de l'attention… On peut alors évoquer un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), trouble psychique qui peut survenir après un choc physique et/ou émotionnel vécu par la personne ou dont elle est témoin. 

Une population peu étudiée

S'il est fréquemment évoqué et étudié en cas d'accident, d'agression, d'annonce d'un diagnostic grave, de guerre ou d'attentat, le SSPT peut donc aussi apparaître dans ce type de circonstances. Selon des universitaires de la City, University of London, un tiers des femmes décrivent un accouchement comme une expérience traumatisante et 3 à 4 % seraient victimes d'un SSPT. Ce taux atteint 15 à 18 % chez celles appartenant à des groupes à haut risque (ayant subi des abus sexuels, une césarienne en urgence, un accouchement prématuré ou de graves complications pendant leur grossesse) -il concerne également 38 % de celles ayant fait une fausse-couche (étude de 2016  HYPERLINK " http://bmjopen.bmj.com/content/6/11/e011864.short?g=w_open_current_tab " t "_blank" British medical journal)-. La question est loin d'être anecdotique or elle reste peu étudiée et, selon les chercheurs britanniques, les quelques mesures de SSPT développées spécifiquement pour les femmes après un accouchement étaient basées sur des « critères obsolètes ».

Un outil diagnostic

L'équipe de Susan Ayers, professeure de santé maternelle et infantile à la City, University of London, a donc décidé d'en faire l'objet de ses recherches (publiées dans le journal Psychological Trauma : theory, research, practice, and policy) en élaborant un nouvel outil qui permet d'améliorer le diagnostic du « birth trauma ». En s'appuyant, notamment, sur les critères actuels de TSPT définis par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), une référence mondialement utilisée pour les diagnostics psychiatriques, elle a défini un questionnaire, « City birth trauma scale », en interrogeant 603 mères croates ayant accouché pour la première fois au cours des 12 mois précédents. Plusieurs questions leurs étaient posées, par exemple : « Avez-vous pensé que vous-même ou votre bébé risquait d'être gravement blessé ? ». « Avez-vous été bouleversée lorsqu'on vous rappelait l'accouchement à venir ou essayé d'éviter de penser à ce moment ? ». Les conclusions de cette étude ont montré que les groupes à haut risque, incluant des mères pour la première fois et celles ayant vécu un accouchement par voie basse avec intervention instrumentale ou une césarienne en urgence, ont signalé plus de symptômes de SSPT que les autres. 

Traduit dans 10 langues

« Depuis que nous avons publié cette échelle, en 2018, j'ai été frappée par le nombre de personnes qui nous ont contactés pour l'utiliser, ce qui montre bien à quel point elle était nécessaire, se réjouit le Pr Susan Ayers. Elle a déjà été traduite en 10 langues, et des travaux de recherche au Royaume-Uni, en Israël et maintenant en Croatie ont révélé qu'elle a des propriétés similaires pour des populations différentes ; elle constitue donc une mesure fiable de diagnostic du SSPT post-natal. » La plupart des femmes concernées ont du mal à demander de l'aide et souffrent en silence, pensant ne pas avoir le droit d'être « traumatisées » quand leur bébé est en bonne santé et que leur entourage leur répète qu'elles vivent là le plus beau moment de leur vie. Cet outil, permettant une prise en charge adaptée et un suivi renforcé, les aidera-t-il à libérer leur parole et à atténuer leur culpabilité ? Une nécessité pour la maman mais aussi pour son bébé. 

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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