Par Marine Pennetier
« Les préjugés négatifs dans le monde du travail restent malheureusement profondément ancrés », alerte Pascale Ribes, présidente d'APF France handicap, à l'approche de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH), qui débute le 17 novembre 2025. Elle appelle à un « sursaut collectif » pour faire bouger les lignes.
Handicap moteur : 10 % de chance en moins d'être embauché
Pour étayer cette alerte, l'association s'appuie sur une étude de testing menée par des chercheuses de l'Université Claude Bernard Lyon. Entre février et septembre 2025, 1 974 candidatures ont été envoyées pour des postes de secrétaire réceptionniste et d'assistante comptable en Île-de-France et à Lyon.
À compétences égales, une candidate mentionnant un handicap a reçu moins de réponses positives qu'un profil sans handicap (22 % contre 27,6 %). Le handicap moteur, et plus encore le cumul moteur et auditif, font « chuter les chances d'être recontactée, avec jusqu'à 10 points d'écart ». L'écart est encore plus fort pour les postes en contact avec le public : -8,6 points pour les secrétaires réceptionnistes, contre -2,8 points pour les assistantes comptables. « Ce testing inédit met des chiffres sur une réalité que nous dénonçons depuis longtemps : les discriminations à l'embauche sont structurelles, systémiques », insiste Pascale Ribes.
Des outils de « valorisation » peu efficaces
Les dispositifs censés valoriser les profils, comme les CV vidéo ou les lettres de recommandation, se montrent peu utiles – voire contre-productifs. Le CV vidéo, visionné dans seulement un quart des cas, fait « chuter de 50 points les chances d'obtenir une réponse positive lorsqu'il rend le handicap visible ». Quant à la lettre de recommandation, elle « n'a aucun effet notable » sur les profils en situation de handicap moteur.
Un taux de chômage 2 fois plus important
Cette étude intervient vingt ans après la loi de 2005 qui devait garantir « l'égalité des droits et des chances ». Elle reconduisait notamment l'obligation pour les entreprises de plus de 20 salariés d'employer au moins 6 % de personnes handicapées, et instaurait l'obligation d'aménagement des postes.
Malgré une légère baisse ces dernières années, le taux de chômage des personnes handicapées reste deux fois supérieur à celui de l'ensemble de la population : 12 % contre 7 %. Le problème de l'accès à la formation est également persistant : seuls 29 % des travailleurs handicapés en emploi ont un diplôme de niveau bac+2, contre 47 % dans la population générale, selon un rapport du Sénat publié en février.
Démystifier le handicap !
Pour Patrick Maincent, vice-président de l'Unapei, les freins sont aussi d'ordre culturel. « Il y a des idées reçues qui ont encore la vie dure, notamment sur le fait qu'une personne handicapée serait plus souvent en arrêt maladie ou moins compétente », déplore-t-il. « Il est temps de démystifier le handicap », soutient Caroline Dekerle, directrice générale de l'Agefiph. « 80% des handicaps sont invisibles. Ce n'est pas que le fauteuil roulant ou la canne blanche. C'est aussi le diabète, l'épilepsie, la dépression chronique, la sclérose en plaques… »
Des role models pour briser l'omerta ?
Pour cette dernière, la visibilité compte : « C'est très important d'avoir des role models », juge-t-elle, saluant la prise de parole « salutaire » de Nicolas Demorand, animateur de France Inter, qui a révélé en 2024 vivre avec des troubles bipolaires.
Selon les derniers chiffres officiels, entre 5,7 et 18,2 millions de personnes de cinq ans et plus vivent avec un handicap en France, allant d'une limitation fonctionnelle à des pathologies lourdes. Les obstacles à leur inclusion professionnelle demeurent nombreux.
© ADragan de Getty Images / Canva



