AAH en couple : se mobiliser pour obtenir justice

Le projet d'une AAH individualisée aux oubliettes ? L'ANPIHM dénonce la position rigide du gouvernement et espère un sursaut associatif et populaire pour "obtenir justice". Point de vue de Vincent Assante, son président.

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DERNIERE MINUTE DU 25 JUIN 2021
Encore un peu d'espoir ? Les sénateurs Républicains assurent qu'ils vont inscrire la proposition de loi sur la déconjugalisation de l'AAH des revenus du conjoint refusée par les députés de la majorité à l'Assemblée dans leur niche parlementaire. Ce serait à l'automne pour une 2e lecture. Ils entendent revenir à la version adoptée en mars 2021 par le Sénat.

ARTICLE INITIAL DU 22 JUIN 2021
Handicap.fr : Sur la forme, lors des débats, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, a demandé un « vote bloqué » qui ne permet de voter que les textes choisis par le gouvernement (article en lien ci-dessous). Votre réaction ?

Vincent Assante, président de l'ANPIHM : Quand un gouvernement agit comme cela, c'est qu'il n'a pas confiance en sa propre majorité parlementaire. Il n'a pas tort parce que la position rigide qu'il a prise sur le sujet ne peut que troubler les députés de sa majorité, ceux du moins qui essaient d'entendre les plaintes qui montent du pays. Contrairement à Jupiter !

H.fr : Sur le fond, pourquoi un tel acharnement du gouvernement à ne pas voter cette mesure ? Des raisons uniquement financières ?
VA : Je ne crois pas. Je subodore que son attitude tient à des raisons idéologiques profondes, d'ordre religieux et charitable, amenant le Président de la République et Sophie Cluzel (interview en lien ci-dessous) à continuer à privilégier la solidarité familiale sur la solidarité nationale. La République, un peu, mais point trop n'en faut dès lors que l'on touche à un certain nombre de sujets. Il s'agit là d'un point de vue purement personnel.

H.fr : Le risque d'étendre la revendication de déconjugalisation à tous les minimas sociaux invoqué par le gouvernement vous parait-il justifié ?
VA : Non, bien entendu. Il s'agit là d'un faux prétexte. Car les minima sociaux constituent un filet temporel de sécurité pour ceux qui le perçoivent compte tenu de leur situation économique ou familiale, ou les deux à la fois, temporaire par nature. En ce qui concerne l'AAH, elle est certes encore, du point de vue réglementaire, classée dans les minima sociaux. Mais attribuée aux personnes à qui il est reconnu 80 % d'incapacité, dans l'esprit même du législateur de 1975 comme dans celui de 2005, cette allocation constitue en réalité un revenu de remplacement, à taux plein précisément pour les personnes dans l'incapacité de se procurer un emploi.

H.fr : Le gouvernement propose alors un nouvel abattement à 5 000 euros sur les revenus du conjoint, plus avantageux que la formule actuelle pour les couples modestes (article en lien ci-dessous). D'où est sortie cette option ? Etiez-vous au courant ?
VA : Pas du tout ! Il s'agit là vraisemblablement d'un bricolage de dernière minute permettant au gouvernement de ne pas tout refuser en bloc, ce qui était politiquement extrêmement difficile à assumer, de tenter de montrer qu'il est sensible à la situation des personnes. Mais aussi de les diviser, en passant !

H.fr : Est-ce malgré tout une bonne chose, faute de mieux ?  
VA : Quand vous criez famine et que l'on vous donne quelques miettes, il est difficile de ne pas s'en saisir. Mais quelle pitié de voir des responsables politiques agir ainsi !

H.fr : Les réactions des personnes concernées sont violentes ; redoutez-vous cette colère ?
VA : Lorsque le peuple n'est pas entendu, lorsque la démocratie fonctionne à l'envers, l'Histoire nous montre que les demandes s'expriment avec colère, c'est un mouvement naturel. Il n'y a pas à redouter quoi que ce soit mais il faut tâcher d'agir pour que cette colère s'opère dans l'ordre et soit efficace pour obtenir justice.

H.fr : La confiance avec Sophie Cluzel est-elle rompue ?
VA : Pour que la confiance soit rompue, encore eut-il fallu qu'elle existe auparavant ! Très rapidement après sa prise de fonction, hormis le rattrapage bienvenu concernant l'AAH, il n'y avait pas grand-chose à attendre de fondamental. Et le pire est arrivé avec les 80 % de logements neufs qui n'auront pas à être immédiatement accessibles et habitables.

H.fr : Pourquoi les partis d'opposition, aujourd'hui vent debout, n'ont-ils pas voté cette mesure lorsqu'ils étaient au pouvoir. N'ont-ils pas des convictions à géométrie variable ?
VA : C'est une question qu'il faudrait leur poser ! C'est ce qu'on appelle de la politique politicienne et que chacun des partis de gouvernement développe à tour de rôle. Rien de nouveau sous le soleil !

H.fr : La déconjugalisation de l'AAH pourrait-elle être un argument de campagne lors des prochaines présidentielles, comme l'avait été l'augmentation de l'AAH en 2017 ?
VA : Oui, bien sûr. Mais cela ne règle pas le fond de l'affaire. Il faut que cette allocation soit remplacée par un revenu de remplacement égal au SMIC pour toutes les personnes dont l'incapacité reconnue les empêche de se procurer un emploi. Vieille revendication de l'ANPIHM !

H.fr : Maintenant, quelles vont être vos actions ? Ce projet de loi a-t-il des chances d'être adopté un jour ?
VA : Il ne se passera vraisemblablement plus grand-chose sur le sujet avant l'élection présidentielle. Et, comme d'habitude, en espérant une action collective de tout le mouvement associatif, il importe d'actualiser la plateforme revendicative à peu près commune à tous, que ce soit en matière d'accessibilité, de compensation, de ressources, etc.

*Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs

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