L'amendement du projet de loi Santé bientôt retiré ?

La mobilisation du collectif a porté ses fruits. Un amendement au projet de loi de Santé portant sur l'orientation des personnes handicapées qui avait suscité la colère, devrait être retiré. Mais, pour les parents, la bataille continue.

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Il porte le numéro AS 1488. Cet amendement transcrit dans l'article 21 bis (liens ci-dessous) était venu se glisser dans le projet de loi Santé débattu à l'Assemblée par les députés à partir du 30 mars 2015. Selon un collectif d'associations mené par Handi'Gnez-Vous !, Parents en Colère et  Handicap et Scolarité, outre le fait qu'il avait été introduit sans aucune concertation avec les associations concernées, il était jugé « dangereux pour le quotidien des personnes handicapées et leur choix de vie ». Ce collectif, composé en grande majorité de mamans d'enfants handicapés, avait aussitôt mené des actions pour alerter les députés, avec le soutien du nageur Philippe Croizon et de la chanteuse Chimène Badi.

Retrait imminent

Leur colère a été entendue, et cinq parlementaires ont décidé de faire barrage à cette proposition polémique, notamment la députée Bernadette Laclais (lien ci-dessous). « L'amendement AS 1488 va donc être définitivement retiré. Son retrait devrait être confirmé en commission plénière le 9 avril 2015 à partir de 15h, annonce Sylvie Moscillo, présidente de Handicap et Scolarité. » Avec le soutien de la ministre ? Ségolène Neuville, secrétaire d'État en charge des personnes handicapées, déclarait, en effet, la veille, en clôture d'un colloque parlementaire consacré à l'autisme, être « en accord avec la proposition des parlementaires de supprimer l'article 21 bis en l'état. (…) Il ne faut plus que les personnes se trouvent avec une décision de la CDAPH mais en réalité sans solution qui correspond à leurs attentes. »

Pourquoi cette polémique ?

Selon le collectif, l'amendement AS 1488 aurait en effet permis aux professionnels réunis en « groupe de synthèse » de se substituer aux personnes handicapées pour demander une orientation (ou une réorientation), non pas par rapport à leurs besoins réels de compensation, d'accompagnement mais selon les « ressources mobilisables ». « Un texte trop vague, trop incertain, trop facilement interprétable, poursuit Sylvie Moscillo. Quand il n'y a pas de place, on ne les invente pas de toute façon. Alors nous ne comprenions pas bien où cet amendement voulait en venir et redoutions qu'il ne donne à ce nouvel organe d'orientation un pouvoir trop important. » La menace de placement sans le consentement des parents, parfois même en Belgique.

En recherche de voies de passage

Le collectif s'interroge par ailleurs sur la nécessité de légiférer dans l'urgence. « 20 000 enfants handicapés sans solution, ce n'est pas nouveau, explique Sylvie. Or il existe déjà une loi pour cela, celle de 2005. Il suffit de la mettre en œuvre. » Quelles étaient alors les intentions du législateur ? « Je ne suis pas dans sa tête mais, une chose est certaine, il n'a vraiment pas le sens des réalités. Alors, sur le terrain, un amendement aussi imprécis, c'était la porte-ouverte à tout et n'importe quoi. » Le collectif entend continuer à se battre sur ce terrain. « Nous sommes en recherche de voies de passage, conclut Sylvie, qui permettent de mettre en œuvre le projet de vie de la personne handicapée tel qu'il est écrit mais aussi d'en finir avec les situations de maltraitance dans certains établissements. En d'autres termes, quand ça déraille, comment trouver des solutions ? Et pas seulement dans les cas critiques ! ».

De la maltraitance institutionnelle

Les solutions qui déraillent, Céline Boussié, présidente de Handi'Gnez-Vous !, en connait un rayon. Elle est l'une des anciens professionnels de l'IME de Moussaron (Gers) qui a défrayé la chronique fin 2013 suite aux mauvais traitements infligés à certains de ses résidents. C'est elle qui avait dénoncé la situation dès mai 2013. Elle a été licenciée mais continue de militer : « Je suis une professionnelle mais j'ai pris fait et cause pour les parents d'enfants vulnérables car ils ne sont pas entendus. » Désespérée de voir le nombre d'établissements qui continuent de dysfonctionner, dans le plus grand silence : « Si les parents étaient partie prenante dans le projet de leur proche, on n'en serait pas là. A ce niveau, c'est de la maltraitance institutionnelle. Heureusement, cet amendement a été retiré mais tout n'est pas réglé pour autant. » Ségolène Neuville affirme, dans son discours, souhaiter reprendre la « concertation » (…) « avec l'ensemble des associations représentatives des personnes handicapées ». Dont acte…

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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