Jusqu'à maintenant on avait pris l'habitude de voir les associations de personnes handicapées manifester leur colère à l'égard de l'ordonnance sur les reports d'accessibilité (article en lien ci-dessous). Les médecins semblent vouloir prendre part à la fronde… mais dans le camp adverse. MG France, principal syndicat de médecins généralistes, ose crier haro sur l'accessibilité.
Les généralistes menacés ?
A quelques jours de la remise obligatoire des Ad'AP (calendrier qui a pour objectif de programmer les travaux pour la mise en accessibilité), le 27 septembre, MG France lance sur le Net une campagne « Accessibilité : et si au final on déplaquait ? » Partant du principe, selon lui, que « l'accessibilité des cabinets médicaux est inaccessible pour la majorité des généralistes ! », il veut faire entendre les préoccupations de la profession. La photo illustrant son propos interpelle les Français : « L'État indique à votre médecin qu'à partir du 27 septembre 2015, ce cabinet ne répond plus aux normes d'accessibilité. Votre médecin a deux solutions : continuer à vous recevoir au risque d'être condamnable ou fermer définitivement le cabinet médical. »
40 ans que ça dure !
L'argument tient-il vraiment la route ? Première manipulation : les Ad'AP ne fixent pas la date buttoir des travaux au 27 septembre mais envisagent un calendrier des aménagements étalés dans le temps, pouvant aller jusqu'à trois ans pour les ERP de 5e catégorie (Établissement recevant du public, accueillant moins de 200 personnes). Qu'à cela ne tienne… MG France menace : « A l'heure où beaucoup tentent de déchiffrer le charabia du Cerfa à envoyer avant le 27 septembre, nombreux sont ceux qui, écœurés par ces complications supplémentaires, envisagent d'arrêter leur activité. » Pourquoi cet ultime sursaut à 15 jours de l'échéance lorsque ce principe est inscrit dans la loi handicap depuis 2005 ? Dix ans, tout de même ! Et bien davantage si l'on se réfère à celle de 1975.
L'APF indignée
« Quelle mauvaise foi, s'indigne Nicolas Merille, conseiller technique national au sein de l'APF (Association des paralysés de France). Un autre syndicat de médecins a même appelé à la désobéissance civile. Nous sommes d'autant plus estomaqués par leurs réactions qu'ils ont désormais, avec la nouvelle ordonnance votée cet été, une large gamme de dérogations ». En effet, cinq au total, par exemple lorsque les aménagements s'avèrent trop contraignants, d'un point vue technique ou financier, et même si la copropriété s'y oppose, au grand dam d'ailleurs des associations de personnes handicapées.
Un chantage plutôt grossier
Même si on peut légitimement comprendre le point de vue de chaque partie, l'argumentaire de ce syndicat semble plutôt grossier. Sorte de chantage qui consiste à monter le grand public contre une catégorie de citoyens, parti-pris surprenant de la part d'une profession censée accompagner les personnes fragilisées par le handicap ou la maladie. « Se souviennent-ils qu'ils ont prêté le serment d'Hippocrate ?, s'interroge Nicolas Merille. Ont-ils à l'esprit que le taux de prévalence du cancer du sein chez les femmes handicapées est deux fois supérieur au reste de la population car elles doivent renoncer aux soins faute d'accessibilité physique ? La profession est vent debout mais elle doit se souvenir qu'elle a une responsabilité sociale ».
Rallonger les délais
Une « cellule accessibilité » a pourtant été mise en place au sein de MG France qui entend « aider de nombreux confrères dans leurs démarches ». Mais de préciser que « si des administratifs tatillons jouaient avec le feu et avec la santé de nos concitoyens, ils porteraient la responsabilité des déplaquages massifs qui pourraient s'ensuivre. » Dans son communiqué, MG France demande donc une négociation entre pouvoirs publics et médecins libéraux pour rallonger les délais de mise en accessibilité des cabinets. Dans cette attente, le syndicat réclame un moratoire et conseille aux médecins généralistes « de ne pas s'engager dans de coûteuses études préalables qui ne règlent aucune de leurs difficultés ». « Faux une fois encore, s'insurge Nicolas Merille, le principe d'auto-diagnostique ne coûte rien ». MG France poursuit : « et de différer, dans l'attente du résultat de cette négociation, leurs démarches administratives et notamment le dépôt du Cerfa le 27 septembre 2015 ». Rappelons que les contrevenants encourent 1 500 euros d'amende et s'exposent au risque d'un dépôt de plainte de n'importe quel « client-patient » auprès du tribunal pénal, encourant alors 45 000 euros pour un particulier et jusqu'à 225 000 pour une personne morale.
Un bras de fer contagieux ?
Cette bataille prend à revers l'esprit d'accessibilité universelle prôné par la nouvelle campagne « Plus belle la vie : Ensemble » (article en lien ci-dessous) qui, diffusée à la télé, a pour objectif de rassembler les Français dans une même dynamique. Ce bras de fer pourrait-il inspirer d'autres professions qui n'ont, jusqu'à présent, pas osé manifester leur grief ? Après les médecins, pourquoi pas les avocats, les notaires, les bouchers et même les confiseurs prêts à rompre la trêve ? A quelques jours de la date fatidique, ce baroud ne risque-t-il pas de s'avérer contagieux, prenant le Gouvernement entre deux feux ? Un virus contre lequel personne ne pourra lutter puisque tous les cabinets de médecins auront fermé…