Des Fonds départementaux de compensation du handicap (FDC), oui, mais seulement en fonction des budgets disponibles ! L'association Handi-social ne décolère pas. Elle vient de recevoir la réponse (décision du 24 mars 2023 n°2023-1039 QPC) du Conseil constitutionnel qui, selon elle, « refuse de garantir l'effectivité du droit à compensation du handicap ». Sa demande de Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée en 2022 a été rejetée. Le sujet est un peu technique, on explique…
Limiter le reste à charge
Chaque Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) gère un FDC chargé d'accorder des aides financières pour permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à leur charge. Concrètement, il consiste à limiter le coût d'une aide technique (fauteuil roulant, canne, véhicule, siège de bain...) ou humaine, après déduction de la Prestation de compensation handicap (PCH), le reste à charge ne pouvant excéder 10 % maximum des revenus de la personne.
« Selon les fonds disponibles »
Or l'article L.146-5 du Code de l'action sociale et des familles de la loi du 6 mars 2020 a introduit une mention qui pose des limites : « l'action des FDC ne pourra s'exercer que dans la limite de leurs financements disponibles ». Autrement dit, lorsque les caisses sont vides, les titulaires ne peuvent plus bénéficier de la règle des 10 %. Handi-social s'est alors empressé de tirer le signal d'alarme auprès du Conseil constitutionnel (celui-là même qui a validé la légitimité de la réforme des retraites en avril 2023) qui, rappelons-le, a notamment la charge de contrôler la conformité de la loi à la Constitution. En « permettant aux départements d'éviter l'indemnisation exacte et effective des demandeurs handicapés », cette loi instaure une « inégalité de traitement manifeste selon le lieu de résidence, voire même entre des demandes équivalentes de deux personnes vivant dans un même département mais à un moment différent », fait valoir l'association, qui juge donc ce principe « anticonstitutionnel ».
Conforme à la Constitution !
Mais, en mars 2023, les Sages de la rue Montpensier ont tranché : cette mention est bien conforme ! « La compensation du handicap est vidée de sa substance, et ils ont considéré qu'il était loisible au législateur de fixer les règles de financement d'aide sociale inégalitaires et non-contraignantes », s'indigne Handi-social. Le droit à compensation devient alors « facultatif » et « indexé au budget que le gouvernement et les départements voudront bien y consacrer ». Selon elle, le Conseil constitutionnel « privilégie l'objectif de diminution des dépenses publiques » au détriment des droits. L'association déplore un « dangereux retour en arrière » depuis 2005, mentionnant plusieurs condamnations de la France pour sa politique en matière de handicap par l'ONU et le tout récent avis rendu par le Conseil de l'Europe en avril 2023, particulièrement sévère (Lire : Handicap : la France épinglée par le Conseil de l'Europe).
Macron annonce le remboursement des fauteuils à 100 %
Les récentes déclarations d'Emmanuel Macron pourraient-elles, en partie, changer la donne ? Le 26 avril 2023, en clôture de la 6e Conférence nationale du handicap (CNH), le chef de l'Etat annonce le « remboursement intégral de fauteuils roulants manuels et électriques, sans reste à charge » (Lire : CNH : remboursement intégral de fauteuils roulants annoncé). Un espoir, qui interroge aussitôt les utilisateurs s'interrogent : « Est-ce que ce sera un fauteuil basique, sans autre choix, comme pour le 100 % audiologie ? Il faudrait vraiment que soient prises en charge toutes les spécificités liées au handicap de chacun ». Des précisions sont donc attendues. Quoi qu'il en soit, cette mesure ne concerne que les fauteuils roulants et certaines orthèses et prothèses et ne règle donc pas le problème des restes à charge pour les autres moyens de compensation.
Long feuilleton semé d'embuches
Les FDC, c'est un long feuilleton semé d'embuches puisque, rappelons-le, le Conseil d'Etat a déjà condamné à quatre reprises le gouvernement pour n'avoir jamais publié le décret d'application dédié depuis la promulgation de la loi en 2005 ! Il ne l'a été que 17 ans plus tard, en avril 2022 (Lire : Compensation du handicap: 17 ans d'attente, grosse déception). « Ainsi, chaque département avait choisi, ou non, d'appliquer la loi en compensant plus ou moins les situations de handicaps, causant de grave disparités sur le territoire », rappelle Handi-social. Cette situation a contraint de nombreux demandeurs handicapés à créer des cagnottes en ligne pour financer leur reste à charge, dont les montant peuvent s'élever à plusieurs dizaines de milliers d'euros (par exemple pour les fauteuils roulants, l'adaptation du logement ou des véhicules), quand ils n'abandonnent tout simplement pas leurs demandes. C'est « un recours obligatoire à la charité désormais institutionnalisé puisque le principe de solidarité nationale est officiellement relégué au bon-vouloir du département », déplore l'association.
Autre épisode navrant, le décret d'avril 2022 relatif aux FDC conjugalise désormais la compensation du handicap, c'est-à-dire qu'il prend en compte l'ensemble des revenus du foyer (Lire : Fonds de compensation handicap : l'Etat attaqué en justice!). Ce recours principal, mené par Handi-social, est toujours en cours devant le Conseil d'Etat.