Par Brigitte Castelnau
"La Suède, l'Autriche dépistent 24 maladies rares, la Belgique plus d'une dizaine (11 en Flandre, 13 en Wallonie)" alors que la France ne dépiste que cinq maladies graves à la naissance (en plus de la surdité introduite plus récemment), remarque Nathalie Triclin, présidente de l'Alliance des maladies rares. L'Espagne, l'Islande, la Hongrie et le Portugal dépistent déjà plus de 15 pathologies, renchérit l'AFM-Téléthon. Le coût de ce dépistage (8,6 millions d'euros par an, soit 11 euros par nouveau-né) n'explique pas ce retard, qui, pour Mme Triclin, est plutôt "révélateur de la mauvaise organisation du système français et de son extrême lenteur à se réformer".
Perte de chances
Cette situation est à l'origine de "pertes de chances" de prévenir ou limiter les dégâts de la maladie, de bénéficier d'un conseil génétique (pour avoir d'autres enfants), d'accès à un traitement disponible ou qui arrive sur le marché, voire à des essais thérapeutiques prometteurs, arguent les associations. Elles donnent "pour exemple, le dépistage recommandé en 2011 par la Haute autorité de santé pour une maladie génétique rare, le déficit en MCAD (une enzyme) et toujours pas appliqué". Cette maladie, caractérisée par une incapacité à utiliser certaines graisses comme source d'énergie, peut conduire au coma et à la mort lors d'une banale infection, de grosses chaleurs, de biberons trop espacés. Le dépistage néonatal, et une alimentation adaptée avec apport de sucres, permet d'éviter des séquelles neurologiques.
D'autres maladies génétiques dépistées
"Il faut aussi anticiper le progrès thérapeutique qui avance rapidement" relève Christian Cottet, directeur général de l'AFM-Téléthon. Les cas de la forme la plus grave de l'amyotrophie spinale infantile (décès avant l'âge de deux ans) décelée chez les nouveau-nés pourraient par exemple bénéficier d'une thérapie génique, dit-il. Parmi d'autres maladies génétiques dépistées à la naissance ailleurs (Suède, Autriche...), le professeur Jean-Louis Mandel, président de la Fondation Maladies rares cite la tyrosinémie de type 1, marquée par l'accumulation de toxiques dans le sang, qui peut détruire le foie et entraîner la mort et pour laquelle il existe un médicament.
3 millions de personnes en France
En France, trois millions de personnes sont atteintes de maladies rares dont 80% sont d'origine génétique. Le dépistage néonatal (DNN) a permis de dépister, depuis 1972, plus de 25.000 enfants atteints d'une des cinq pathologies recherchées. Le dépistage de la phénylcétonurie (depuis 1972) et de l'hypothyroïdie congénitale (depuis 1978) permet d'éviter un retard mental sévère. Le DNN concerne également un défaut du fonctionnement de la glande thyroïde et des glandes situées au-dessus des reins (hyperplasie congénitale des surrénales), l'anémie falciforme (ou drépanocytose) et la mucoviscidose. Il repose sur quelques gouttes de sang prélevées avec une petite piqûre au talon du nouveau-né, déposées sur un buvard.
Evolution rapide des techniques
Reste que les techniques évoluent vite. Le plan "France médecine génomique 2025", lancé en 2016, doit permettre l'accès aux outils de séquençage du génome. "Deux plateformes (sur les douze annoncées en 2016) à Paris et à Lyon seront fonctionnelles très prochainement, indique la Pr Hélène Dollfus, coordinatrice de centres experts. L'objectif est aussi de réduire l"errance diagnostique" des malades d'âges divers. "Plus d'un malade sur cinq a attendu au moins six ans pour avoir un diagnostic", constate Bernard Delorme, d'après les données de Maladies rares infos services qu'il préside. Il parle d'"un parcours du combattant".
Une âpre bataille
Sophie Morel, mère d'un fils malade de 14 ans, témoignait ainsi cette semaine devant la presse avoir "bataillé" mais attend toujours de mettre un nom sur sa pathologie. Le 3e plan maladies rares, le plan génomique et la loi de bioéthique sont l'occasion d'élargir le DNN à plus de maladies, espèrent les associations. Preuve de progrès en la matière : à Strasbourg, une analyse génétique a permis de trouver une solution, un patch à la nicotine, pour un enfant déscolarisé à cause d'une forme d'épilepsie très rare, résistante à tout traitement qui l'empêchait de dormir (20 crises par nuit), décrit le généticien Jean-Louis Mandel.
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