"Dossiers noirs du handicap" sur M6 : Zone Interdite accuse

Zone Interdite diffuse "Les dossiers noirs du handicap", le 24 mars à 21h10 sur M6. 90 min pour dénoncer dysfonctionnements et maltraitance dans l'école et le médico-social. La ministre appelle à ne pas jeter l'opprobre sur tous ces professionnels.

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« Enquête choc, scandale d'Etat », prévient Zone Interdite qui diffuse le 24 mars à 21h10 sur M6, Les dossiers noirs du handicap. Pendant plus d'un an, une équipe de journalistes a suivi le combat quotidien de personnes en situation de handicap et de leurs proches, à la recherche d'une place en institut spécialisé ou à l'école.

Dix ans après, M6 de retour

« Manque de structures d'accueil, sous-effectif chronique, personnel non qualifié, recruté sans diplôme, le système censé épanouir les personnes les plus vulnérables et les sortir de l'isolement les néglige, voire les violente », observe M6. Ce documentaire fait écho au scandale de Moussaron, qui révélait la maltraitance dans un établissement du Gers, déjà diffusé sur cette chaîne en 2014, et qui avait provoqué une vague d'indignation. Dix ans plus tard, les choses ont-elles vraiment changé ? Réactions du gouvernement en fin d'article.

Ce que dénonce ce reportage

• Sandrine, maman solo d'un enfant autiste de 7 ans, non verbal, « à bout », veut s'enchaîner devant l'ARS (agence régionale de santé) en l'absence de réponse. Selon ses calculs, il lui faudra 25 ans pour obtenir une solution !

• Une enseignante spécialisée assure qu'une élève avec déficience intellectuelle « n'a pas sa place en Ulis », alors qu'elle n'a jamais lu son dossier, jugeant ses parents trop envahissants. « Si cette enseignante est sans doute un cas isolé, son attitude est révélatrice de dysfonctionnements majeurs dans tous les services de l'Etat en charge du handicap », constate la journaliste.

• Sur les étagères de la MDPH de la Meuse, la seule à avoir accepté de parler, les dossiers s'amoncellent : « Je ne sais pas si c'est de la maltraitance mais en tout cas on ne répond pas à l'obligation de soins », réplique un membre de la CDAPH.

• Délabrement, insalubrité, manque d'hygiène. A Narbonne, Olivier Pasolini sort du silence et alerte sur les conditions d'accueil dans un IME, ayant porté plainte pour discrimination et atteinte à la dignité humaine.

• Jules, 7 ans, polyhandicapé et autiste est en attente d'un IME depuis 4 ans (15 demandes). Il a besoin d'ergo, de psychomot, de kiné, d'orthophonie mais rien. Ses parents songent à la placer à mille km de chez eux, en Belgique.

• Le maire de Poses, parent d'un enfant handicapé, a entrepris une grève de la faim parce que « le handicap, tout le monde s'en fout ».

• Dans un foyer de Valenciennes, Gaétan, 27 ans, a failli perdre la vie, photos d'importants hématomes à l'appui. Malgré deux plaintes et une enquête toujours en cours, rien ne bouge.

• Par ailleurs, l'émission évoque une possible mauvaise interprétation du droit concernant l'allocation de logement social (ALS), qui selon eux placerait les départements dans l'illégalité. « Sur ce sujet, nous sommes très clair : tout est conforme au droit, il n'y a pas de litige », fait savoir le ministère délégué aux Personnes handicapées.

La ministre réagit

Si Fadila Khattabi, ministre en charge des Personnes handicapées et âgées, consent que ce reportage l'a « profondément bousculée » et « qu'elle ne peut pas rester insensible à la douleur des familles », elle met « un point d'honneur à ce que nous ne jetions pas l'opprobre sur l'ensemble des professionnels du médico-social et de l'Education nationale ». Après un premier entretien avec ces familles, la ministre assure qu'elle les « recevra à nouveau » et « veillera que tout soit mis en œuvre pour que des solutions adaptées soient trouvées ». Son cabinet assure par ailleurs que « dans la plupart des cas mis en lumière dans le reportage, l'Etat n'est pas resté sans réponse avec, notamment, une série d'inspections ARS entre 2022 et 2023 ». 

Des dénonciations de longue date

Et pour les autres ? Même si ce documentaire se concentre sur le quotidien de quelques familles, il fait écho à des situations dénoncées depuis longtemps par les personnes concernées et les associations. Ainsi, selon l'Unapei, 30 000 enfants seraient sans solution, réduits à vivre en vase clos. Il manque en effet des milliers d'accompagnants dans les établissements scolaires et 50 000 soignants dans les instituts spécialisés. Selon la journaliste de M6, qui s'est notamment glissée dans la peau d'une AESH, « ces défaillances du système conduisent à de nombreuses dérives : maltraitances physiques, pressions psychologiques, erreurs médicamenteuses. Ceux qui les dénoncent se heurtent à l'inertie des institutions qui préfèrent le pas de vague à la transparence ». 

La parole à Etienne Pot, délégué interministériel aux TND

Si ces défaillances existent bel et bien et doivent être révélées, faut-il pour autant en faire un procès à charge de tous les enseignants d'Ulis et des 1 300 IME présents en France ? Handicap.fr a posé à Etienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (TND). 

H.fr : Votre réaction à cette enquête ?
Etienne Pot : Les images que j'ai pu voir sont choquantes. Mais je voudrais dire aux familles toute l'attention qui est la mienne. Elles ont entraîné immédiatement des actions auprès des services de l'Etat, notamment les ARS, dans les régions concernées, pour questionner les opérateurs concernés par ces révélations.  

H.fr : Sur quoi ce reportage fait-il l'impasse, selon vous ?
EP
 : Il ne montre malheureusement pas tous ces professionnels, exemplaires, qui sont investis au quotidien pour faire progresser dans le bon sens les accompagnements. Je ne souhaite pas que, dans ces images, ils puissent y voir une remise en cause de leur travail à eux, qui ne correspond nullement à ce reportage. Je ne voudrais pas qu'on généralise sur les comportements de quelques professionnels ou structures gestionnaires.

H.fr : On ne peut pourtant pas nier que des situations de maltraitance existent dans les établissements…
EP
 : Oui, c'est un fait. Nous ne devons pas nous voiler la face, elles doivent être dénoncées, et des actions correctives immédiatement mises en place, comme le font les ARS (agences régionales de santé) dans chaque région, dès qu'elles ont connaissance de ces faits. C'est aussi la raison pour laquelle une stratégie nationale de lutte contre la maltraitance est lancée officiellement par la ministre Fadila Khattabi le 25 mars 2024 (Article complet sur le lien suivant : Maltraitance/handicap : le gouvernement promet des contrôles).

H.fr : Ces images révèlent aussi l'importance du respect des RBPP (recommandations de bonnes pratiques professionnelles), dans le champ de l'autisme notamment…
EP 
: En effet, et cela passe par la formation. Chaque professionnel (santé, petite enfance, médico-social, Education nationale…) doit toujours plus être sensibilisé à ce que sont les TND et le handicap dans son ensemble, en intégrant en permanence que les enfants comme les adultes peuvent toujours progresser, comme tout un chacun. Il n'y a pas de plafond de verre. Permettre à tous les enfants de progresser, en sécurité c'est notre priorité et c'est le sens du plan 50 000 solutions qui regroupe à la fois une transformation de l'offre dans notre pays, une formation des professionnels et le changement des pratiques. 

H.fr : Un mot sur les dénonciations relatives à l'école ordinaire ?
EP 
: L'école accueille tous les enfants de la République, ne laissons pas un débat biaisé s'installer. Le sujet qui, je crois, doit nous réunir est celui de la formation de tous les corps professionnels, pour mieux comprendre les troubles rencontrés, et ainsi éviter une cristallisation sur les situations les plus complexes, qui, avec un accompagnement pluridisciplinaire, associant professionnels du sanitaire, du médicosocial, de l'Education nationale, trouvent des réponses. 

Il y a, par ailleurs, quelques erreurs dans ce reportage, notamment le chiffre avancé de 80 % d'AESH en CDD ; ils sont en réalité 60 % en CDI.

H.fr : Un message à M6 ?
EP
 : J'invite ses journalistes à faire un reportage là où les équipes innovent, prennent soin car c'est en montrant ce qui fonctionne que l'on donne envie aux professionnels de s'investir, de modifier leurs pratiques, de s'améliorer…

Affiche de l'émission montrant un homme en fauteuil roulant dans le noir.
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