Le DuoDay, c'était le 26 avril 2018. Une journée pour inciter des volontaires à partager leur quotidien professionnel avec une personne en situation de handicap, pour la première fois déployée à l'échelle nationale, portée par le gouvernement.4 000 duos formés dans toute la France, des ministres impliqués et un vaste relais médiatique ont auréolé, semble-t-il, cette initiative de succès.
Des voix dissidentes
Mais elle n'a pas, pour autant, fait l'unanimité. Quelques voix dissidentes se sont fait entendre, regrettant une opération de com', un côté paternaliste, larmoyant, voire un excès de « bons sentiments ». D'autres déploraient le fait que cette opération soit menée à sens unique et que les personnes handicapées en activité n'aient pas été invitées, elles aussi, à accueillir des personnes valides dans leur univers professionnel. « Quand je vois le genre de phrases utilisées : 'L'inclusion commence avec un duo', 'Partagez vos plus belles histoires', je me demande si vous vous rendez bien compte qu'au départ on parle de discriminations/droits non respectés concernant les personnes handicapées », écrit Marina Carlos, militante, elle-même paraplégique, dans un tweet. « Pour le #duoday2018 je me mets à l'adoption tel un Pokemon », ironise Leila, photo à l'appui.
Une vidéo corrosive
Même résonnance du côté de Sophie Lombard qui opte pour l'humour. Cette Toulousaine de 34 ans, comédienne -elle a fait une apparition dans le film de Guillaume Canet Rock'n roll-, professeure de théâtre, metteure en scène, handicapée par une infirmité motrice cérébrale, a mis ces arguments en images. Une vidéo qu'elle veut « grinçante » mais pas « méchante ». Sous le nom de Sophie Charitel, perruque blonde platine, elle parodie la vidéo d'une autre Sophie… Cluzel ! « Le gouvernement vous propose de faire votre action du jour : choisissez votre handicapé de compagnie ! » Et d'assurer la promotion du BA Day, le jour de la bonne action. Le scénario est acerbe : des postulants en situation de handicap sont proposés à l'adoption derrière des grilles, façon chenil. Le ton, corrosif : « Vous voulez un paquet cadeau ? ». La conclusion, mordante : « Elle ne réagit pas, elle ne mange pas » ; que faire alors de son binôme excessivement handicapé ? Quant à la chute…
Des choses à revoir
Sophie Lombard ne conteste pas (totalement ?) cette initiative sur le fond mais l'égratigne sur la forme. « Je suis certaine que la ministre partait d'une bonne intention mais c'est la façon dont elle a présenté les choses qui m'a interpelée, explique-t-elle. Le côté un peu 'Youppie !'. Alors, bien sûr, on a besoin d'actions symboliques fortes mais c'est davantage les termes choisis qui m'ont dérangée, et le ton, un peu trop artificiel. L'objectif du DuoDay est de permettre aux personnes handicapées de trouver du travail mais je doute, une fois qu'on a vu cette vidéo, que la chose soit perceptible. » La jeune femme invite à approfondir la discussion autour de la vision du handicap, dans la durée et pas seulement un jour dans l'année car, poursuit-elle, « il y a malheureusement encore beaucoup de choses à revoir ».
Son sketch de trois minutes est diffusé sur la chaîne YouTube (en lien ci-dessous) sur laquelle Sophie Lombard poste des vidéos, en lien ou pas avec le handicap.