L'info (source AFP) a été relayée par quelques médias. Une élève de huit ans d'une école primaire de Périgueux (Dordogne) a succombé le 6 janvier 2015 à une chute depuis le premier étage de son école. Elle a été poussée, « dans un geste très rapide », par un camarade qui avait apparemment ouvert la fenêtre, échappant à la vigilance de l'enseignante, occupée dans une autre partie de la classe. Une classe regroupant « des enfants avec un handicap psychologique ».
Le garçonnet, qui a reconnu les faits, n'est, à 8 ans, pas responsable pénalement. Il pourrait, au plus, faire l'objet de sanctions éducatives. Mais enquête et expertises devront, au préalable, évaluer « son degré de discernement et de conscience de la réalité de l'acte qu'il a commis », a déclaré le procureur à Périgueux, Jean-François Mailhes, qui a confié une enquête pour « homicide involontaire » à la police. Il a évoqué un drame « inédit, très spécifique » étant donné le contexte et l'âge des protagonistes. L'enfant, qui faisant l'objet de placement administratif depuis l'âge de 4 ans, vit en famille d'accueil où il a été laissé. Sa scolarisation a été, dans un premier temps, suspendue.
Que dire de la façon dont ce drame a été traité par la presse ? Nous avons posé la question à Christel Prado, présidente de l'Unapei (Union nationale pour les personnes handicapées mentales).
Handicap.fr : Que vous inspire la façon dont cette actualité a été formulée ?
Christel Prado : Tout d'abord, une « classe regroupant des enfants avec un handicap psychologique », ça n'existe pas. Il existe des CLIS 1 (Classe pour l'inclusion scolaire) qui accueillent des enfants avec des troubles des fonctions cognitives et mentales. Je trouve que le vocabulaire est très approximatif et joue sur l'émotion.
H.fr : Mais qu'est-ce qui vous a gêné dans le traitement de ce drame ?
CP : Qu'on fasse un focus sur le handicap. Les articles précisent que « les deux étaient élèves (...) de l'une de ces classes spéciales de petite taille (une dizaine d'élèves) qui ont pour mission d'accueillir, dans certaines écoles primaires, des élèves en situation de handicap, pour leur permettre de suivre, au moins partiellement, un cursus scolaire ordinaire. » J'ai bien peur que de tels propos n'encouragent à faire des amalgames et ne laissent supposer que les élèves en situation de handicap peuvent être plus dangereux que d'autres.
H.fr : « Amalgame », c'est un mot qu'on a souvent entendu ces derniers jours, à la faveur de l'actualité. Cette habitude de faire d'un cas isolé une généralité vaut aussi pour les personnes handicapées ?
CP : Oui très souvent. C'est ce qui conduit à la stigmatisation puis à la construction de communautés qui se révoltent. Il y a eu d'autres affaires tragiques entre écoliers ; il faut éviter de laisser penser que ce drame est la conséquence du handicap. Les jeunes enfants n'ont pas toujours conscience de la dangerosité de certains jeux. Souvenez-vous de celui qui est mort étouffé en se pendant à son porte-manteau. Dans l'école de mon fils, on a même fini par interdire les billes et les ballons… La question qu'on doit se poser c'est « Comment aider un enfant à appréhender le danger, tout en acceptant une partie du risque ? ». Néanmoins, je ne peux m'empêcher de penser que des normes de sécurité sont indispensables quand les classes sont à l'étage. Et puis, il faut oser dire qu'on affecte souvent aux Clis des lieux dont on ne veut pas pour les autres, même si je ne prétends pas que c'était le cas dans cette école.
H.fr : Vous réagissez en tant que présidente d'une association très impliquée ; peut-être le grand public n'aura-t-il pas une vision aussi acérée !
CP : J'aimerais le croire mais je sais à quel point ce genre de « fait divers » peut être contagieux. Nous sommes confrontés chaque jour au cas de familles qui s'unissent et signent des pétitions pour refuser l'ouverture de classes pour l'accueil des enfants handicapés dans leur école. La peur des parents face au handicap, c'est une réalité ! Qu'il vaut mieux éviter d'alimenter par des articles rédigés parfois sans discernement. Il est précisé que l'inspection académique a aussitôt mis en place une cellule d'aide psychologique pour enfants et parents. J'espère qu'il aura, aussi, été question de cela...