Elle a rendez-vous le 7 mai 2012. Sur le courrier que lui tend le directeur de son agence Pôle Emploi, il est écrit, noir sur blanc : « Nous ne pouvons pas vous inscrire comme demandeuse d'emploi car vous ne pouvez accepter un travail au vue de la situation de vos deux enfants… ». En l'occurrence deux enfants autistes ! Selon cet homme, dans ces circonstances, la place d'une maman est forcément à la maison. Meryem Duval est celle de Yanis et Samy, jumeaux, à l'époque âgés de trois ans. Elle a dû quitter son emploi précédent, dans la restauration, faute d'avoir pu obtenir le temps partiel qui lui aurait permis de concilier rendez-vous médicaux et vie professionnelle. Elle veut pourtant continuer à travailler, dans un autre domaine, quitte à suivre une formation. La situation financière de la famille est précaire.
Des courriers contradictoires
Avalanche de courriers, tous datés du même jour, ce 7 mai : l'un confirme les conditions de sa recherche d'emploi à mi-temps, l'autre lui notifie l'impossibilité de l'inscrire, tandis que le « fameux » courrier lui précise qu'un certificat médical l'empêche de travailler. « Ce certificat médical n'a jamais existé, explique Jean-Luc, son mari. C'est une invention du directeur d'agence qui pensait ainsi se couvrir. D'ailleurs Pôle emploi a été sommé de le fournir mais n'a pas pu, tout simplement parce qu'il n'existe pas. ». Contradictoires, ces documents témoigneraient-ils d'une indéniable mauvaise foi ou d'une incompétence manifeste ?
Deux ans de démarches, en vain
L'affaire traîne depuis deux ans. Les actions menées par ces parents leur donnent chaque fois raison. Le médiateur de Pôle Emploi confirme la légalité de la discrimination et botte en touche. Une saisine est déposée auprès du Défenseur des Droits qui débouche, en avril 2013, sur la condamnation de Pôle Emploi. Jean-Luc a l'occasion d'en discuter avec Dominique Baudis, à la tête de cette institution, qui lui exprime son total soutien, même lorsqu'on lui recommande de ne pas agir. En juin 2013, l'avocat de la famille dépose une plainte devant la justice pour obtenir réparation du préjudice.
Un déni de justice ?
Un dossier bien ficelé, des preuves accablantes, des déclarations contradictoires de Pôle emploi, une fausse déclaration enregistrée dans ses fichiers à l'insu de Meryem, une vague d'émotion dans l'opinion publique mais… Selon Jean-Luc, « le procureur de la République de Lille, malgré l'ensemble de ces pièces, malgré un dossier qui ne laisse aucun doute sur le bien-fondé de notre plainte, décide, en janvier 2014 comme pour une quantité exceptionnelle d'entre elles, un classement sans suite. » Depuis, silence, en dépit des relances… Une nouvelle plainte va donc bientôt être déposée contre le Procureur de la République, cette fois avec constitution de partie civile, pour déni de justice.
Une pétition en ligne
Meryem et Jean-Luc continuent donc de se battre pour obtenir une jurisprudence et éviter que ce genre de dérive n'affecte d'autres parents. « Nous constatons beaucoup trop d'injustices en matière de handicap et avons la sensation que les administrations sont au-dessus des lois, que la justice ne fait plus son travail, confie ce dernier. » Déterminé, il pousse la porte des rédactions pour tenter de trouver des tribunes où s'exprimer. Le Nouvel Obs lui ouvre la sienne le 2 mai 2014 ; il peut y évoquer « l'affaire Pôle emploi ». Un comité de soutien est mis en ligne le 25 avril 2014 sur Facebook (lien ci-dessous) tandis qu'une pétition est lancée, adressée à la fois au Président de la République et à la Ministre de la justice. Elle n'a reçu que 404 signatures à ce jour ; en espère 10 000.
Un collectif handicap pour d'autres
Face à cette inertie, pour lui, pour d'autres, Jean-Luc a décidé de créer le « Collectif citoyen handicap », qui intervient de façon régulière, tentant de mettre un peu de solidarité entre tous. Il soutient notamment la jeune Laurie, étudiante, qui défend de son côté son « dossier transport » pour se rendre à l'université (lire article en lien ci-dessous). Trente-cinq d'entre eux ont déjà trouvé une issue favorable. Il suffit parfois de quelques de coups de fil, de milliers de signatures et d'une belle opiniâtreté…