« Comment assurer l'avenir de notre enfant en situation de handicap pour le jour où nous ne serons plus là ? » Cette question revient bien souvent à l'esprit des parents. Elle peut être aussi celle des frères et sœurs d'une personne dont le handicap génère une vulnérabilité qu'il faut accompagner au mieux. Elle suscite d'autres questions pour plus tard, pour l'« après ». Comment assurer l'existence d'un lieu de vie adapté ? Comment préserver les ressources de la personne vulnérable et créer son indépendance financière ? Comment organiser le passage de relais pour sa protection juridique ?
Un environnement réglementaire complexe
Les réponses ne sont pas toujours simples. Elles engagent la famille, les proches, les associations et les professionnels qui œuvrent pour contribuer au bien-être des personnes en situation de handicap et répondre à leurs besoins dans leur parcours de vie. Elles peuvent également entraîner la nécessité d'une réflexion sur l'organisation et la transmission du patrimoine familial. Cette réflexion est à mener dans un environnement réglementaire complexe lié notamment aux conditions de ressources pour le versement de l'Allocation adulte handicapé (AAH) ou au mécanisme de l'aide sociale à l'hébergement.
Investissements en immobilier locatif : attention !
Le premier obstacle à passer est de bien appréhender cet environnement spécifique car des préconisations patrimoniales pertinentes dans une situation classique peuvent se révéler en contradiction avec les objectifs poursuivis en présence d'une personne en situation de handicap. Tel est le cas des investissements en immobilier locatif. Prenons un exemple : monsieur et madame Martin achètent un studio qu'ils mettent en location. Il leur procurera des revenus au moment de leur retraite et ils le transmettront à leur fils Pierre qui travaille en ESAT et perçoit l'AAH. Ils pensent que Pierre disposera ainsi à son tour, plus tard, d'un revenu complémentaire qui améliorera son niveau de vie. Mais ce ne sera pas le cas ! En effet, le revenu locatif étant imposable il sera pris en compte par la Caf (Caisse d'allocations familiales) pour le calcul de l'AAH et viendra réduire d'autant le montant de cette allocation. L'objectif de revenu complémentaire ne sera donc pas atteint, et une partie du patrimoine familial aura été mobilisé sans procurer le résultat attendu.
C'est donc un regard très particulier qu'il faut porter sur l'organisation actuelle et future du patrimoine de la personne en situation de handicap afin d'être en mesure de mettre concrètement ses ressources et ses biens au service de son parcours de vie.
Aide sociale à l'hébergement : craintes injustifiées
Il en est de même vis-à-vis de l'aide sociale à l'hébergement lorsque le lieu de vie adapté se révèle être un foyer d'hébergement, de vie ou d'accueil médicalisé. La méconnaissance des règles en vigueur, liées notamment à la récupération de cette aide par le conseil départemental, génère souvent des craintes injustifiées quant à la sauvegarde du patrimoine familial. On explique : les CCAS (centres communaux d'action sociale) ou les conseils départementaux communiquent souvent à tort sur cette aide, également dédiée aux personnes âgées, au lieu de préciser les règles en vigueur pour les personnes handicapées. En effet, pour les personnes âgées, il peut y avoir une récupération de cette aide (c'est en réalité une avance) du vivant de la personne accueillie (par exemple en cas d'héritage), mais ce n'est pas le cas pour une personne handicapée. En savoir plus : Handicap : comment percevoir l'aide sociale à l'hébergement ?
Les incidences sont dommageables lorsque ces craintes ont comme conséquence de remettre en cause le parcours de vie lui-même. Une description objective du mécanisme de l'aide sociale et de ses étapes (contribution de la personne hébergée, constitution de la créance d'aide sociale, exercice de la récupération) permet de prendre des mesures adaptées aussi bien dans l'organisation du patrimoine de l'adulte en situation de handicap que pour la transmission du patrimoine des parents.
Epargne-handicap : protéger le patrimoine
La loi apporte bien souvent elle-même des solutions aux contraintes qu'elle a créées par ailleurs ! Elle permet en effet, grâce à l'épargne-handicap, de protéger le patrimoine d'une personne en situation de handicap, d'en percevoir des revenus quel que soit son lieu de vie puis de transmettre dans les meilleures conditions à ses proches ce qu'il n'aura pas utilisé de son vivant. En savoir plus : Epargne-handicap : l'option pour une indépendance financière
Libéralités résiduelles : pour mieux transmettre
Le Code civil apporte lui-même des dispositifs particulièrement adaptés, comme les libéralités résiduelles, pour organiser au mieux la transmission du patrimoine des parents et même anticiper la transmission du patrimoine de leur enfant en situation de handicap. En savoir plus : Legs résiduel : faciliter la succession d'un enfant handicapé
Mandat de protection pour autrui : construire l'avenir
Il a également innové en se rapprochant du droit anglo-saxon et en inscrivant dans ses textes le mandat de protection future pour autrui qui permet de construire avec des protecteurs futurs la protection juridique adaptée pour l'avenir.
En savoir plus : Handicap : rédiger un mandat de protection pour autrui
Recours à des professionnels du patrimoine
Une réflexion approfondie est ainsi de nature à éclairer les décisions à prendre pour permettre concrètement la protection juridique et financière de la personne vulnérable, aujourd'hui et demain, tout en préservant les intérêts de sa fratrie le cas échéant.
Le recours à des professionnels du patrimoine spécialisés se révèle alors particulièrement utile pour guider les familles dans cette réflexion difficile à mener lorsqu'elle engage l'après soi.
Cet article est rédigé par Frédéric Hild, fondateur de Jiminy conseil, cabinet de conseil en gestion de patrimoine spécialisé, et cofondateur de Fragilis , family office dédié aux personnes vulnérables et à leur famille.