Par Thomas Saint-Cricq
Le conseil départemental de la Gironde a entériné, le 13 octobre 2025, une révision de son budget après avoir constaté un déficit exceptionnel de 97,7 millions d'euros. Une situation jugée « exceptionnelle » par la Chambre régionale des comptes, qui questionne désormais la viabilité du modèle de financement des départements, selon la majorité girondine.
Initialement voté à l'équilibre en mars (1,8 milliard d'euros), le budget girondin a dévissé sous l'effet combiné de recettes en chute libre et de dépenses sociales en hausse. La loi interdisant les budgets locaux en déséquilibre, la préfecture a annoncé la saisie de la chambre régionale des comptes « conformément à l'article L1612-15 du code général des collectivités territoriales ». Celle-ci devra émettre des recommandations dans un délai d'un mois, avant un nouveau vote budgétaire.
« Pas une mise sous tutelle, une conduite accompagnée »
« Ce n'est pas une mise sous tutelle » mais « une conduite accompagnée », qui n'a « jamais été mobilisée pour un département de cette taille », a expliqué à l'AFP le président de la Chambre Vincent Léna. Dans ce territoire qui a gagné 200 000 habitants entre 2011 et 2022, l'augmentation des dépenses obligatoires de solidarité – protection de l'enfance, RSA et compensation du handicap – à la charge du département, s'est heurtée à la fonte des recettes, basées principalement sur les taxes sur les transactions immobilières.
Pour un système de financement « cohérent et pérenne »
Sur fond de crise du marché immobilier, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), appelés aussi frais de notaires, ont ainsi chuté de 200 millions d'euros depuis deux ans en Gironde, tandis que le département a dû ajouter plusieurs dizaines de millions de paiements à son budget initial – comme la reprise obligatoire de déficit d'associations de protection de l'enfance – pour tenir ses missions de solidarité. « C'est un problème d'effet ciseau qui s'est accentué de façon brutale et extrêmement rapide », s'est justifié lundi devant la presse le président socialiste de la Gironde Jean-Luc Gleyze, réclamant à l'État un système de financement « cohérent, pérenne et robuste ».
Des recettes instables face à des besoins croissants
Selon M. Gleyze, le modèle actuel opposant des dépenses de solidarité à l'augmentation mécanique à des recettes « volatiles » est dans « une impasse ». « La dégringolade est en marche, elle va certainement se poursuivre » pour « un certain nombre d'autres départements », a-t-il averti. En juin, la Cour des comptes avait listé quinze départements, Gironde en tête, éprouvant de grandes difficultés financières après la chute des DMTO.
« Un défaut de lucidité »
« La situation est exceptionnelle » et d'« une gravité qu'il ne faut pas sous-estimer », mais « tous les départements n'ont pas de difficultés de cette ampleur », observe M. Léna de la CRC. L'opposition du centre et de droite, réunie dans le groupe Gironde Avenir, a dénoncé un « défaut de lucidité ». Quand le marché immobilier a commencé à se retourner en 2023, elle avait préconisé d'anticiper une baisse des DMTO et de contenir les dépenses. Or les recettes liées aux taxes immobilières ont été longtemps considérées « comme une manne éternelle » dans ce département attractif, a fustigé Gironde Avenir.
Un plan d'équilibre d'ici à 2028
Pour éviter la tutelle, le département a présenté à la CRC et à l'État un « plan de retour à l'équilibre » d'ici à 2028, prévoyant notamment de réduire ses subventions et des suppressions de postes, notamment 232 sur 7 000 au total dès cette année, sur toute la période. Le dialogue entamé par le département avec la CRC et l'État « pourra se poursuivre par le biais d'un conventionnement, dès lors qu'il sera considéré que les mesures de retour à l'équilibre seront jugées suffisantes », déclare la préfecture dans son communiqué.
Le début d'un « long feuilleton » ?
« Le fait d'être pro-actif de la part du président du département donne des raisons d'espérer, mais la marche est haute », prévient M. Léna, qui anticipe un « long feuilleton, en plusieurs épisodes ». Depuis les lois de décentralisation de 1982, seul le département de la Guadeloupe a subi une mise sous tutelle pour raisons budgétaires en 1998.
© Gregory_lee de Getty Images