De l'avis de tous, l'emploi des personnes en situation de handicap est fortement menacé par la crise sanitaire et économique actuelle. Or, durant le premier semestre 2020, elles semblent avoir été relativement épargnées ; alors que le nombre total de demandeurs d'emploi a progressé de 5 %, le nombre de bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE) sans emploi a baissé de 3 %. C'est ce que révèle le tableau de bord national semestriel de l'Agefiph (fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le privé), qui donne un aperçu sur leur situation professionnelle de janvier à fin juin 2020.
Des placements en chute
Faut-il se réjouir pour autant ? Pas nécessairement car ces évolutions masquent une réalité plus contrastée : l'insertion et la reprise d'emploi des BOE restent difficiles. Les flux de sortie du chômage ont ainsi fortement diminué pour ce public ; les reprises d'emploi déclarées à Pôle emploi sont en chute de 30 % au 1er semestre 2020 par rapport à celui de 2019. Un espoir de rebond pour le 3e trimestre ? Selon les chiffres publiés le 3 novembre 2020 par Cheops (qui regroupe Cap emploi), la baisse du nombre de placements sur ce réseau qui concentre un quart des chômeurs handicapés ne serait « que » de 12 % sur cette période. Mais, çà, c'était avant le deuxième confinement…
Des difficultés d'insertion
De plus, les demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi (DEBOE) présentent toujours des difficultés particulières d'insertion avec notamment : un âge élevé (près de 250 000, soit 50 %, ont 50 ans ou plus, contre 26 % pour l'ensemble des publics) et un faible niveau de formation (seuls 177 000, soit 36 %, ont un niveau supérieur ou égal au bac, contre 53 % pour l'ensemble de la population). Ils sont surtout en majorité victimes d'un chômage de longue durée. C'est le cas pour 61 % fin juin 2020. Parmi eux, 127 000, soit plus d'un sur quatre, sont inscrits depuis plus de trois ans, et leur nombre ne cesse d'augmenter. L'ancienneté moyenne d'inscription est ainsi de 883 jours pour un DEBOE, soit 215 jours de plus que pour l'ensemble des publics. Il est à noter qu'environ 25 % d'entre eux sont bénéficiaires de l'Allocation adulte handicapé (AAH), soit 124 000.
Etat dégradé, mesures spécifiques
Par ailleurs, selon une récente étude réalisée par l'Ifop et l'Agefiph, les personnes en situation de handicap ont vu, depuis le début de la crise sanitaire, leur état de santé physique et psychologique se dégrader. Pour y faire face, les acteurs de la politique de l'emploi et du handicap assurent « se mobiliser pour prévenir et limiter les effets de la crise ». Pour sa part, l'Agefiph a débloqué 40 millions d'euros pour financer des mesures exceptionnelles destinées aux entreprises ainsi qu'aux professionnels handicapés, qu'ils soient salariés ou indépendants (article en lien ci-dessous). Cela concerne par exemple la mise en place du télétravail, la sécurisation des déplacements professionnels, la poursuite des formations à domicile ou l'embauche d'apprentis ou d'alternants ainsi que le soutien des entrepreneurs en situation de handicap. Elles sont complémentaires des aides de l'Etat, notamment de la prime à l'embauche et des aides au recrutement en alternance.
Réflexions autour de la SEEPH
Pour trouver des solutions concrètes, l'Agefiph a également ouvert une plateforme de débats en ligne, du nom d'Activateur d'égalité, qui se poursuit durant le confinement (article en lien ci-dessous). A partir du 9 novembre, une quarantaine de propositions, issues de plus de 500 contributions, seront soumises au vote des personnes et des acteurs concernés. La Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH) qui aura lieu du 16 au 20 novembre 2020, pourrait-elle agir comme un booster et permettre de poursuivre ces réflexions ? Cette 24e édition bousculée par l'actualité sera l'occasion de « faire un point sur l'impact de la crise sur l'emploi des personnes handicapées et de discuter des perspectives et solutions à mettre en œuvre », selon l'Agefiph. Compte tenu des annonces récentes de reconfinement, cet évènement a dû s'adapter et prévoir une version digitalisée des différents rendez-vous, promettant un agenda mis à jour « très prochainement ». La conférence inaugurale en visio, en présence de quatre ministres, est prévue le 16 novembre à 14h30 (article en lien ci-dessous).