Marcel Nuss a rendu l'âme le 13 février 2024, à Montpellier. La veille de la Saint-Valentin pour cet « homme de l'amour » mais aussi le jour de son propre anniversaire. Il fêtait ses 69 ans.
Un engagement controversé
Ardent militant pour la reconnaissance d'une vie sexuelle pour les personnes handicapées en France, atteint d'une amyotrophie spinale, une maladie héréditaire qui l'avait rendu tétraplégique, il avait fondé en 2007 le Collectif handicaps et sexualités, puis l'Association pour la promotion de l'accompagnement sexuel (Appas). C'est la première et seule en France qui forme des accompagnants sexuels, hommes ou femmes, et les met en relation avec des personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie. Il a « tout donné », selon lui, pendant des années pour que soit un jour reconnu l'accompagnement sexuel. Ce personnage contesté pour ses positions radicales, notamment par des associations de défense des droits femmes qui dénoncent la promotion qu'il fait de la prostitution (Lire : Maudy Piot: l'assistanat sexuel c'est de la prostitution !), a tout encaissé…
Auteur d'une vingtaine d'ouvrages
Enfant, cet Alsacien se rappelle avoir choisi de transcender très tôt son handicap, en musclant son intellect, sa volonté de se dépasser et sa passion pour l'écriture. Incapable de se servir de ses mains, à 20 ans il écrit, dans la tête, ses premiers poèmes qu'il dicte à des infirmières avant d'écrire lui-même le jour où on lui donne la première synthèse vocale arrivée sur le marché en 1993-1994. Marcel Nuss a signé une vingtaine d'ouvrages, dont sa première biographie, A contre-courant, parue en 1999. Dans Libertinage à Bel amour, en 2014, un roman érotique écrit « par provocation », il cherche à « montrer qu'on peut avoir des fantasmes même quand on vit dans le handicap ». D'autres suivront : Autobiographie d'un têtard à tuba, Je veux faire l'amour, Handicaps et sexualités, ou encore Je ne suis pas une apparence tout juste publié en janvier 2024.
A l'origine de la PCH
En 2002, avec cinq autres personnes en situation de handicap, Marcel Nuss se rend à Paris pour faire une grève de la faim devant le ministère afin d'obtenir la prise en charge d'un accompagnement jour et nuit. Avec leur opération très médiatisée, les grévistes obtiennent dans l'urgence la reconnaissance officielle du « droit à l'autonomie des personnes lourdement dépendantes ». Leur action ouvre alors la voie à la PCH, la Prestation de compensation du handicap, votée en 2005 sous Jacques Chirac (Lire : PCH inadaptée : Marcel Nuss exige de revoir la loi). Il est par ailleurs Chevalier de l'Ordre du mérite, citoyen d'Honneur de la ville de Tourcoing et médaillé d'Argent de la ville de Paris.
Un proxénète bénévole ?
Passionné de BD, d'histoire de la philosophie, de photo et de cinéma, Marcel Nuss a presque tout connu d'une vie normale : marié et père de deux enfants, il divorce de sa femme après vingt-trois ans de vie commune puis se marie en février 2015 avec Jill, 30 ans, ancienne accompagnante sexuelle. Son travail colossal et pionnier a permis à une question éminemment taboue d'émerger dans les médias mais aussi, plus timidement, dans le débat sociétal et politique. 2 000 personnes en situation de handicap ont fait une demande d'accompagnement sexuel depuis 2015, année où il lance la première formation en France, prenant le risque d'être poursuivi pour proxénétisme bénévole.
Un homme un peu usé
En 2019, il renonce à la présidence de l'Appas, déplorant, dans un coup de gueule, « le manque d'adhérents et ceux à qui tout est dû » (Lire : Accompagnement sexuel: Nuss, les adieux d'un président amer). Même s'il en tire un bilan « positif », il livre les mots d'un homme lassé par le milieu associatif, un peu usé par vingt ans passés sur le front.
En 2021, sa vie épique inspire l'histoire « presque vraie » et fantasmée de Jill et Marcel Nuss, portée sur scène dans Marcel Nu, une pièce qui, avec humour et cynisme, entend démonter les clichés (Lire : "Marcel Nu" : la vie fantasmée de Marcel Nuss sur scène).
Toujours illégal en France !
Il s'en est allé sans voir l'issue de son combat... Même si, en 2023, le Conseil national consultatif des personnes handicapées publie des propositions sur la vie intime, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap (Lire : Assistants sexuels : CNCPH favorable à une expérimentation), où figure notamment l'expérimentation de l'accompagnement sexuel, en France, il reste illégal.
En janvier 2024, son billet d'humeur pour cette nouvelle année s'achevait par ces mots : « Je mourrai debout dans ma tête et les yeux ouverts, c'est tout ce qui m'importe. Vivre, c'est regarder la mer qui se retire pour découvrir le Néant avec l'inscription : ci-gît celui qui a regardé sa vie en face ».
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