Le libre choix des fauteuils roulants serait-il menacé ou nivelé par le bas ? L'article 28 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020 suscite en effet la polémique. Voté par les députés, il prévoit trois dispositions majeures concernant les fauteuils roulants (article en lien ci-dessous) : une nouvelle procédure de référencement sélectif, le remboursement de modèles d'occasion et la création d'une consigne. 1,8 million de personnes à mobilité réduite seraient concernées, parmi lesquelles 150 000 renouvellent leur fauteuil chaque année. Une « fausse bonne idée » selon la Fédération des PSAD (prestataire de santé à domicile) tandis qu'APF France handicap fait part de ses « vives inquiétudes ». On explique…
Un référencement des fauteuils remboursés
A travers le référencement sélectif, tout d'abord, le gouvernement entend mettre en place une procédure qui ne retiendrait que les modèles proposés aux prix les plus compétitifs. La mesure prévoit une économie pour l'Assurance maladie de 30 millions d'euros. APF France handicap déplore ce choix « forcément » limité, notamment pour les personnes ayant des besoins spécifiques, et redoute que cela ne « conduise à la suppression du remboursement de certains fauteuils ». L'association revendique « l'accès à une large gamme de produits adaptables », qui permet à chacun « de trouver le modèle qui lui convient le mieux ». Il existe déjà, en France, un référencement des fauteuils remboursables sur des critères qualitatifs testés et vérifiés par le Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH). « La seule vocation de cette nouvelle disposition serait donc vraisemblablement de procéder à un référencement sur des critères de prix, ce qui ne peut qu'aboutir à une diminution sensible de l'offre et donc de sa parfaite adéquation au besoin de l'utilisateur », s'inquiète à son tour la Fédération des prestataires de santé à domicile (PSAD).
Des produits de seconde main
Une autre mesure prévoit le remboursement par l'Assurance maladie des fauteuils « remis en circulation », c'est-à-dire de « seconde main », avec l'objectif de « proposer une offre diversifiée et des prix plus attractifs », explique le communiqué du secrétaire d'État au Handicap. 10 millions d'euros d'économies en 2020 sont une nouvelle fois ainsi espérées. Aussi « vertueuse » que puisse sembler cette disposition visant à promouvoir l'économie circulaire, et donc à limiter le « gâchis », elle soulève toutefois un certain nombre de questions, explique PSAD. A ce sujet, APF France handicap s'inquiète d'un risque d'aller « au moins offrant », ce qui, selon l'association « est déjà le cas pour le matériel neuf », alors qu'il est essentiel de garantir le choix pour les personnes entre un fauteuil neuf (haute qualité, plus d'adaptations) ou un reconditionné. « Cette prise en charge existe déjà à travers la location, ajoute la fédération des PSAD, pour les patients dont la perte ou réduction de mobilité est temporaire, alors que la vente est réservée aux personnes atteintes de pathologies non régressives ».
APF demande également d'imposer les mêmes obligations pour les fauteuils d'occasion et pour les neufs (sécurité de matériovigilance, sécurité sanitaire, etc.), en ajoutant une norme spécifique relative aux modèles reconditionnés. Tous exigent la création d'une « véritable filière de recyclage », « réellement effectuées par des spécialistes du dispositif médical » et non par des « recycleries issues de l'électroménager », selon la fédération des PSAD. Les fauteuils roulants sont en effet des dispositifs sur mesure qui doivent répondre à des « exigences drastiques » en matière de sécurité sanitaire pour « garantir la sécurité des personnes ».
Une consigne pour les fauteuils
Enfin, le texte prévoit de mettre en place un système de « consigne » financière non prise en charge sur les fauteuils neufs afin d'inciter les usagers à se tourner vers des produits reconditionnés, qui resterait à leur charge en cas de fauteuil « anormalement détérioré ». Pour Frédéric Piant, administrateur de l'UNPDM, c'est « totalement contradictoire avec la vision française de la solidarité nationale puisqu'elle conduit de facto à un système de santé à deux vitesses : les personnes en capacité de payer une consigne qui peuvent bénéficier d'un fauteuil neuf et les autres. » Pour APF France handicap, c'est un « non-sens », rappelant que les utilisateurs se déplacent dans des environnements très majoritairement inaccessibles et donc générateurs de dégâts importants.
Tous s'accordent à dire que l'enjeu majeur est bel et bien de réduire le coût des fauteuils roulants (et par conséquent de supprimer tout reste à charge) tout en développant le reconditionnement d'aides techniques mais doit-on craindre que ces mesures ne pénalisent les usagers et « n'entravent » leur « liberté de choix » ? Les prestataires de santé à domicile dénoncent des décisions « peu préparées, prises sans consultation des acteurs et inadaptées voire dangereuses pour les usagers ». D'une même voix, ces deux associations réclament leur suppression et appellent à la concertation.