Quelle place pour le handicap dans les programmes des 11 candidats engagés dans cette campagne présidentielle 2017 ? Comme lors des deux primaires, nous leur avons soumis le même questionnaire. Nous publions les réponses à mesure qu'elles nous parviennent… ou pas !
Mon programme se fonde sur un contrat avec la Nation. J'y prends des engagements clairs sur 6 chantiers essentiels pour l'avenir de notre pays. Ce sont ces mêmes engagements que je demanderai au gouvernement comme à l'ensemble des parlementaires qui constitueront la majorité présidentielle de mettre en œuvre. L'éducation et la culture, la société du travail, la modernisation de notre économie, la sécurité de la Nation, le renouveau démocratique, la défense des intérêts de la France. Cette ambition concerne tous nos compatriotes, ordinaires ou en situation de handicap. Elle est au cœur de notre pacte républicain. Pour cette raison, et avant de répondre à vos questions, je souhaite gager les réponses et les propositions que je porte pour nos compatriotes en situation de handicap par mon engagement pour l'inclusion sociale : donner sa chance à chacun, ne laisser personne au bord de la route.
1. École : Partant du principe que la scolarité n'est obligatoire qu'à partir de 6 ans, prévoyez-vous « d'encourager », voire d'imposer à l'Education nationale qu'elle accepte les enfants en situation de handicap, notamment autistes, dès la maternelle ?
L'accueil à l'école des enfants en situation de handicap répond aux mêmes exigences que celui des enfants ordinaires. Ainsi je suis favorable à ce que toutes les conditions d'accueil de la petite enfance leur soient accessibles. L'école maternelle joue un rôle fondateur dans la socialisation et l'acquisition des premiers apprentissages. Il est toutefois indispensable que toutes les conditions soient réunies dans l'intérêt du jeune enfant : des enseignants formés, des AESH spécialisés dans l'accompagnement des plus petits en situation de handicap, sur le temps scolaire et périscolaire. Je m'engage à ce que les AESH puissent aussi bénéficier de la sécurisation de leur parcours ; leur formation doit permettre l'accompagnement de tous les enfants, et notamment des enfants avec autisme et « dys » car c'est une condition indispensable à leur épanouissement en milieu scolaire.
2. École : Combien comptez-vous créer de postes d'AESH (ex AVS) pour l'accompagnement des élèves handicapés ? À quelle échéance ? Sur quelle durée ?
Il est indispensable de planifier la montée en charge des dispositifs de formation des futurs AESH, à partir d'un état des lieux détaillé des besoins et de leur évolution. Dès la rentrée scolaire 2017-2018, un plan d'action « accompagnement scolaire » sera mis en oeuvre en lien étroit avec l'Education nationale, les collectivités locales et les associations. Ce plan d'action sera assorti d'indicateurs d'inclusion scolaire et de processus d'évaluation tout au long du quinquennat.
3. Accessibilité : Pensez-vous revenir sur le dispositif des Ad'AP (Agenda d'accessibilité programmée) ? Quelle serait votre mesure phare pour accélérer la mise en œuvre de l'accessibilité dans nos villes/entreprises/ERP/administrations/écoles… Quel budget comptez-vous y consacrer ?
L'accessibilité est la première condition pour l'inclusion sociale. La cohérence de la chaîne d'accessibilité doit être impérativement recherchée : transport, voierie, lieux publics, logements, lieux de travail...
Les Ad'AP prennent mal en compte cette cohérence, et la montée en charge de l'accessibilité n'est pas satisfaisante. J'y apporterai des évolutions et renforcerai leur mise en œuvre en accompagnant en particulier les collectivités locales.
L'accessibilité, c'est aussi celle des logements. Les bailleurs sociaux devront identifier dans leur parc les logements adaptés pour les personnes en situation de handicap. Ils devront proposer des solutions de relogement pour celles dont le logement social n'est plus adapté ou bien réaliser des travaux.
L'accessibilité au soin et à la santé est une priorité car de trop nombreux Français en situation de handicap subissent des difficultés pour accéder aux soins courants ou spécialisés et bénéficier d'actions de prévention en santé. Les retards de soins, les soins inadaptés et les carences en matière de prévention ne sont pas acceptables.
Nous adapterons aux besoins des personnes en situation de handicap nos établissements et services de santé et la formation des professionnels de santé. Surtout, nous lancerons un plan national d'évaluation des techniques et des méthodes de prise en charge des handicaps dans les établissements et services de santé afin de ne conserver que celles qui auront montré leur utilité.
L'accessibilité des démarches de la vie quotidienne - administratives, juridiques - sera facilitée. Nous accompagnerons les personnes en situation de handicap en encourageant la désignation d'un référent identifiable et en travaillant à rendre les interfaces numériques plus accessibles à toutes les formes de handicap.
Une société plus accessible, c'est enfin une société où le fait d'être en situation de handicap n'empêche pas de profiter d'activités culturelles, artistiques ou sportives. Nous aiderons les associations, notamment, à adapter leurs structures et leurs pratiques pour les accueillir.
Enfin, je considère que l'engagement de tout mon quinquennat doit conduire à renforcer la participation de nos compatriotes et l'expression de leur citoyenneté quelle que soit leur situation de handicap. Je ne veux plus parler des personnes mais aux personnes en situation de handicap. Le 28 mars dernier, j'ai ainsi reçu avec mes équipes des représentants d'associations et des acteurs du handicap afin de nouer un dialogue que je poursuivrai dès le lendemain de mon élection.
4. Emploi : Comment comptez-vous réduire durablement le taux de chômage des personnes en situation de handicap, aujourd'hui deux fois supérieur à la moyenne nationale ? Avez-vous un ou deux exemples concrets ?
La persistance d'un taux de chômage des personnes handicapées deux fois supérieur à celui de la population ordinaire est inacceptable. Tout doit être mis en œuvre pour y remédier par une politique portée au plus haut niveau de l'État afin de lever les principaux obstacles à l'emploi et de soutenir l'emploi durable.
Lever les obstacles :
Le premier obstacle à l'emploi est le manque de formation. Nous renforcerons donc les droits à la formation des personnes en situation de handicap et développerons la formation par alternance, en fixant un objectif d'accès de 6% de stagiaires en situation de handicap aux organismes de formation.
Le second obstacle, ce sont les préjugés. Nous ferons de la lutte contre la discrimination une priorité nationale, en organisant des opérations de contrôles aléatoires à grande échelle pour que l'obligation légale soit respectée. Nous encouragerons aussi toutes les actions de sensibilisation dans les administrations et les grandes entreprises publiques.
Soutenir l'emploi durable :
Les Établissements et services d'aide par le travail (ESAT) et les Entreprises adaptées (EA) consentent un effort important pour adapter leur production aux besoins de leurs donneurs d'ordre. Nous devons améliorer les procédures d'accès aux marchés publics pour ce secteur dynamique et créatif. Je renforcerai la création de postes pour apporter une réponse à tous ceux qui attendent de travailler dans une EA ou un ESAT. Je développerai l'accompagnement dans le travail pour les personnes qui en ont besoin, notamment celles qui se trouvent en situation de handicap psychique ; elles bénéficieront, par le dispositif « emploi accompagné », d'un accompagnement médico-social dans la durée pour pouvoir s'insérer et se maintenir dans l'emploi en milieu ordinaire de travail.
5. Emploi : Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour sauver les deux Fonds dédiés à l'emploi des personnes handicapées (Fiphfp et Agefiph) qui, par l'effet ciseau dépenses/recettes, sont condamnés d'ici moins de deux ans ?
Les fonds collecteurs Fiphfp et Agefiph subissent l'effet de ciseau que vous rappelez, baisse de leurs recettes et hausse de leurs dépenses. Il traduit l'amélioration du taux d'emploi des entreprises publiques et privées. Toutefois, 500 000 personnes avec un handicap sont inscrites à Pôle emploi pour des durées sensiblement plus longues que les autres demandeurs. Le statut et le rôle des fonds doivent évoluer afin de contribuer, en particulier, à la mobilisation des partenaires sociaux.
Je rappelle que nous prévoirons par ailleurs un abondement public pour le compte personnel d'activité des personnes handicapées et introduirons une labellisation spécifique pour les formations qui leur sont destinées, tenant compte des débouchés professionnels des formations.
Nous développerons et encouragerons les initiatives de tutorat dans l'entreprise.
Nous encouragerons les expérimentations tripartites (Pôle Emploi / associations /organismes de formation) pour favoriser l'insertion et la réinsertion des travailleurs handicapés.
6. Revenu : Comptez-vous augmenter l'AAH (Allocation adulte handicapé) et, si oui, de combien et à quelle échéance ?
Je m'engage à augmenter le montant de l'allocation aux adultes en situation de handicap au-delà de 900 € par mois pour toutes les personnes qui se trouvent dans l'incapacité de travailler car leur situation ne doit pas les conduire à vivre dans la précarité.
7. Compensation : Comment comptez-vous réduire la disparité des aides versées par les régions /CAF/MDPH aux personnes en situation de handicap ?
Le droit à compensation est un acquis de notre système de protection sociale.
Il est mis en œuvre par les départements afin de garantir l'ancrage territorial de cette politique. Il importe d'être pragmatique et de favoriser l'équité pour tous sur tout le territoire de la République par l'action de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, au plan national, qui doit évaluer les écarts d'accès au droit à compensation et contribuer au pilotage équilibré du droit à compensation sur tout le territoire. En matière de financement, l'équilibre général de mon programme se fonde sur l'incitation forte des collectivités territoriales à se réformer afin de dégager de nouvelles marges de manœuvre utiles aux concitoyens. Je m'engage, contrairement à certains de mes opposants, à ne pas pratiquer un choc budgétaire par la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités mais à les inciter à se réformer et à se moderniser.
8. Compensation : Etes-vous favorable aux remboursements à 100% par la Sécurité sociale de tous les soins et outils de compensation liés aux handicaps ?
Le droit à compensation relève de la solidarité nationale. Je considère que si l'accès aux soins est une priorité pour les personnes en situation de handicap, le droit effectif à compensation relève quant à lui de notre politique de protection sociale. Le besoin de compensation – aides techniques, aides humaines, aides animalières - doit être défini à partir des choix et du projet de vie et de participation de la personne.
Mon action sera ciblée sur la diminution du reste à charge et sur l'amélioration de la qualité des moyens de compensation par le soutien à l'innovation, à la qualité et à l'évaluation stricte du service rendu.
9. Aidant : Etes-vous favorable à un statut juridique unique des aidants familiaux leur donnant accès à la formation et à une compensation financière ?
Notre engagement pour les aidants est fort et gagé.
Nous favoriserons les périodes de répit pour les aidants.
Nous permettrons le don de RTT entre collègues pour les personnes aidantes dans les entreprises.
Nous prendrons en compte la situation des personnes aidantes dans le calcul de l'âge de départ à la retraite dans la réforme que nous conduirons.
Nous permettrons aux aidants de mieux se former ou d'être accompagnés au moment de l'annonce du handicap d'un proche et de manière régulière.
Un « chèque bilan santé/social » leur sera proposé au moment de la découverte du handicap et à période régulière. Un accompagnement psychologique pourra leur être proposé.
10. Accueil : Près de 8 000 adultes et enfants sont exilés en Belgique, faute de places dans les établissements médico-sociaux de notre pays. Quelles mesures pour limiter cet exode ?
Ainsi que je l'ai annoncé le 28 mars dernier à l'occasion de ma visite d'une Entreprise adaptée à Noisy-le-Sec, je m'engage à mettre en œuvre un plan d'action sur la durée de mon quinquennat pour apporter une réponse aux 47 500 personnes aujourd'hui « sans solution » dans notre pays. Cette situation est inacceptable. Elle doit être résolue en 5 ans par une action d'ensemble soutenue par l'engagement personnel du président de la République :
- Pour les enfants qui ne sont ni scolarisés, ni accompagnés ; ils sont environ 13 000 aujourd'hui en France.
- Pour les adultes en attente d'une place en établissement médico-social ; ils sont environ 7 000.
- Pour les adultes en attente de foyer d'accueil médicalisé ; ils sont 14 000.
J'aurai la plus grande attention pour nos compatriotes polyhandicapés qui ont besoin de réponses précises et adaptées à la complexité de leur situation.
Question bonus…
Seriez-vous prêt à nommer 6% de vos ministres en situation de handicap (même quota que pour les entreprises) dans votre gouvernement ? Même question en matière de personnel ? Et à appliquer concrètement l'avis du conseil de l'Europe sur l'instauration des quotas aux élections législatives et locales pour les personnes en situation de handicap ?
Je me suis exprimé sur mon choix de constituer une équipe gouvernementale resserrée, tout entière mobilisée sur le projet et sa mise en œuvre. Cette équipe paritaire, largement issue de la société civile, sera, c'est ma volonté, à l'image de la diversité de la société française. Mon exigence sera celle du volontarisme, de la moralisation de la vie publique et de la compétence ! Le meilleur gage en est la diversité de mon équipe de campagne ! Chacun contribue à la victoire et au rassemblement, à sa place. Le handicap, quand il est présent, ne cache jamais la personne. Je refuse l'idée simpliste du casting, je fais, avec chacun, le choix de l'engagement : la France est une chance, chacun doit pouvoir y tenir ses promesses.