Au fil des années, l'Education nationale « a 'externalisé' la prise en charge des situations de handicap aux accompagnants », affirme le rapporteur Cédric Vial, sénateur apparenté LR de Savoie. Alors que s'est tenue, le 26 avril 2023, la sixième Conférence nationale du handicap (CNH) (Lire : CNH : mesures intéressantes mais pas la refondation espérée), la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication lui a confié une « mission de contrôle » visant à dresser un état des lieux de la scolarisation des élèves en situation de handicap. Objectif : aborder son fonctionnement organisationnel, son approche culturelle de la prise en compte du handicap et le rôle de ses « personnels, chevilles ouvrières », les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).
Ce rapport fait écho à celui de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) de décembre 2022 « Quel avenir pour la scolarisation des élèves en situation de handicap ? » qui entend « disposer d'une vision prospective des besoins à venir », encourageant à moins d'AESH et plus de matériel adapté ; douze propositions y sont formulées (Lire : Rapport sur scolarité élèves handicapés: vers moins d'AESH?).
Une massification contreproductive ?
Pour Cédric Vial, la politique d'inclusion scolaire s'est traduite depuis plusieurs années par une « augmentation importante des moyens financiers et humains dédiés », ayant contribué à une « amélioration sensible des capacités de prise en charge », « sans réussir pour autant à répondre aux attentes des enfants et des familles concernés, et en mettant parfois l'institution scolaire en difficulté ». En effet, entre 2004 et 2022, le nombre d'élèves handicapés accueillis à l'école ordinaire est passé de 134 000 à 430 000. Ils sont épaulés par environ 125 000 AESH, un chiffre qui a lui aussi beaucoup augmenté, de plus de 50 % entre 2017 et 2022. Mais la « massification » de l'accompagnement humain « nuit désormais à une politique qualitative et efficiente d'inclusion scolaire », selon M. Vial, qui évoque des « effets pervers ». L'AESH a « parfois tendance à 'faire écran' entre l'enfant et son professeur ou ses camarades », et l'élève peut le considérer parfois comme une « béquille », ce qui le maintient dans « une forme de dépendance », estime-t-il.
Une organisation administrative corrigée
Selon le rapporteur, l'institution scolaire ne peut pas « s'exonérer de sa responsabilité pédagogique », il lui « revient d'abord (...) de s'adapter ». Il appelle ainsi à « faire de l'accessibilité -comprise au sens global (physique, matérielle, pédagogique)- la priorité qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être ». Même si elle « reste essentielle », la compensation par une aide humaine « ne doit intervenir qu'en complément », ajoute-t-il. C'est dans ce « cadre culturel rénové » que le rapporteur plaide notamment pour une « organisation administrative corrigée », une prise en charge des élèves en situation de handicap « plus qualitative et continue » et un accompagnement des familles « plus poussé ».
Vingt recommandations adoptées par la commission
Pour ce faire, le rapporteur formule vingt recommandations, adoptées par la commission, à commencer par l'élaboration d'un référentiel national permettant d'harmoniser les pratiques des maisons départementales des personnes handicapées pour plus d'équité territoriale ainsi que l'amélioration des procédures d'instruction et de prescription des MDPH en matière d'aide à la scolarisation, pour mieux répondre aux besoins des élèves et simplifier les démarches administratives de leurs parents. Autres requêtes : l'intégration du médico-social au sein de l'institution scolaire, pour « créer un écosystème vertueux », mais aussi la systématisation de la préconisation, par les MDPH, du besoin ou non d'aide humaine sur le temps méridien, pour garantir une continuité de la prise en charge, et la reprise en charge par l'Etat, au titre de la solidarité nationale, de son financement.
Des matériels pédagogiques plus accessibles
Cédric Vial exhorte également à développer l'accessibilité des matériels pédagogiques et des outils numériques et à adapter les fournitures scolaires et la pédagogie « sans attendre les éventuelles mesures de compensation » prescrites par les MDPH. Par ailleurs, il préconise la mise en place d'une formation initiale obligatoire d'une semaine avant la prise de poste et d'un plan ambitieux de formation continue, « pour faire de la fonction d'AESH un véritable métier », et incite à associer ces professionnels à des réunions régulières avec les parents. Selon lui, les enseignants doivent également bénéficier d'une formation initiale et continue améliorée en matière d'accueil des élèves handicapés.
Martelant que « ce rapport de contrôle vient enrichir les travaux de la CNH », le président de la commission, Laurent Lafon, appelle le gouvernement à s'en saisir pour « ouvrir, sans tarder, la nouvelle étape annoncée en faveur de l'école inclusive, dont la mise en œuvre fera l'objet d'un suivi très attentif de la part de la commission ».