Cette mesure fait couler beaucoup d'encre depuis plusieurs mois. Depuis le 1er janvier 2025, les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA), désormais liés par un « contrat d'engagement » avec France Travail, sont tenus d'effectuer 15 à 20 heures d'activités hebdomadaires, sous peine de se voir suspendre leurs droits. Les allocataires en situation de handicap sont-ils concernés ?
Ce que dit la loi...
« Les personnes rencontrant des difficultés particulières et avérées, en raison de leur état de santé, de leur handicap ou de leur invalidité (...) peuvent en être exclues totalement », indique l'article 2 de l'amendement 183 de la loi pour le plein emploi. Les parents isolés, « sans solution de garde pour un enfant de moins de douze ans », sont également concernés, ainsi que les proches aidants. Pour d'autres, la durée de l'activité peut être réduite « pour des raisons liées à la situation individuelle (...) sans toutefois être nulle ».
L'état de santé principalement pris en compte
Mais, dans les faits, selon l'expérimentation effectuée depuis décembre 2022 dans 18 puis 47 départements français volontaires, il semblerait que ce soit surtout l'état de santé qui pèse dans la balance. En clair, ledit contrat serait adapté « au cas par cas », en fonction des situations et des politiques mises en place par les conseils départementaux. Certains estiment qu'une reconnaissance de handicap ne « suffit » pas pour être dispensé d'activités puisqu'une personne peut occuper un emploi adapté à son handicap. Sachant que l'on estime à 30 % le nombre d'allocataires du RSA avec un handicap, notamment psychique, qui ne remplissent pas pour autant toutes les conditions pour obtenir l'Allocation adulte handicapé (AAH). A contrario, une personne avec un grave problème de santé, mais ne disposant pas d'une reconnaissance de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), peut être dans l'incapacité de travailler et donc exemptée des 15 heures d'activités obligatoires.
3 questions au conseil départemental de l'Allier
L'Allier figure parmi les premiers départements à avoir expérimenté la « réforme du RSA ». Son ambition ? « Accompagner les bénéficiaires vers un retour à l'emploi en levant les freins à la reprise d'activité pour leur permettre de gagner en autonomie », explique la vice-présidente du Conseil départemental, déléguée à l'insertion et à l'emploi. Annie Corne lève le voile sur les contours de cette mesure encore absconse.
Handicap.fr : Comment sont définies les orientations de chaque allocataire ?
Annie Corne : Première étape : un « entretien de diagnostic », qui consiste en une information collective visant à présenter les droits, les devoirs et les évolutions induites par la loi plein emploi ainsi qu'un temps d'échange individuel afin d'identifier les besoins d'accompagnement adaptés à chacun en fonction des problématiques personnes (sociales, familiales ou de santé).
À l'issue de cette demi-journée d'évaluation, l'espace « insertion emploi » du conseil départemental décide de l'orientation : emploi (en capacité de reprendre un emploi rapidement), équilibré (pour ceux qui sont proches de l'emploi mais ont encore quelques problématiques sociales à lever) ou remobilisation (pour ceux qui nécessitent une prise en charge plus intensive de retour à l'emploi). Un livret de parcours est ensuite remis au bénéficiaire du RSA pour commencer sa mise en mouvement. Cet outil est destiné à rassembler ses documents tout au long de son parcours et à lui permettre de créer un véritable dossier, pas à pas, vers sa remobilisation professionnelle.
H.fr : En quoi consistent exactement ces « 15 heures d'activités » ?
AC : Elles sont diverses, adaptées à chaque personne, en fonction de ses problématiques personnelles, et peuvent varier selon les territoires. En effet, il s'agit de déployer ces 15 heures selon un référentiel national au travers de la référence d'accompagnement mais avec une certaine dose de spécificités propre à chaque Département et aux dispositifs déjà en place dans ceux-ci.
Dans l'Allier par exemple, les allocataires peuvent être amenés à faire du bénévolat au sein d'associations caritatives, à participer à notre marché de remobilisation et savoir-être au travail ou encore au marché santé, mais aussi à réaliser des jobs dating, des stages dans les collectivités volontaires, des ateliers de formation numérique…
Le référent d'accompagnement, qui les suivra tout au long de leur parcours, évaluera avec eux et les tuteurs éventuels le nombre d'heures hebdomadaires effectuées au regard de leur situation et des besoins identifiés, toujours en fonction des caractéristiques et des possibilités de chacun, au stade où il en est de sa remobilisation. Cela restera souple et personnalisé.
H.fr : Dans quel cas le président du conseil départemental peut-il décider la suspension du RSA ?
AC : Le Département de l'Allier applique strictement le cadre règlementaire existant pour la sanction, à savoir le respect des droits et devoirs et donc la convocation en équipe pluridisciplinaire de tout bénéficiaire du RSA qui serait en situation de non-respect de ses obligations. Cela concerne les fraudes, bien sûr, mais aussi la non signature du contrat d'engagement avec son référent unique ou référent d'accompagnement ou encore la non réponse et présentation aux convocations, le non-respect de sa recherche d'emploi…
À noter que, dans le cadre de l'expérimentation pour la mise en œuvre de la loi plein emploi, le décret relatif à la sanction, pour les 15 heures obligatoires notamment, n'est pas encore paru à ce jour.
Enfin, à noter que nous examinons avec le plus grand soin, les situations de chacune et chacun, notamment celles des personnes en situation de handicap dont les dossiers sont finement étudiés pour leur apporter l'accompagnement personnalisés et l'intérêt qu'ils méritent et les aider au mieux à retrouver, pour ceux qui le peuvent, la joie du partage et la fierté de vivre de son travail.
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