Remplacer la version mutante (malade) d'un gène par sa version standard, éliminer l'anomalie génétique grâce à des ciseaux moléculaires... La thérapie génique passionne les chercheurs tout comme le grand public.
Les premiers « bébés bulle »
Mars 1999. Alain Fischer, Marina Cavazzana et Salima Hacein-Bey-Abina, professeurs d'immunologie et d'hématologie à l'hôpital Necker (Paris) et chercheurs à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), traitent pour la première fois par thérapie génique des enfants atteints d'un déficit immunitaire grave. On les appelle les « bébés bulle ». Le principe de cette stratégie thérapeutique ? Introduire du matériel génétique dans des cellules pour soigner une maladie. Onze ans plus tard, l'Inserm assurait que sept des neuf enfants pris en charge avaient pu « retrouver une vie normale, démontrant ainsi l'efficacité de la thérapie génique » ; malheureusement, l'un était décédé d'une leucémie, complication liée à l'insertion dans des sites inappropriés du rétrovirus utilisé pour transporter le gène correcteur. Néanmoins, « après 50 ans de recherche et vingt ans de développement clinique, un bénéfice indiscutable de la thérapie génique a été démontré pour douze maladies génétiques* », assure l'institut des maladies génétiques (Imagine) situé au sein de l'hôpital Necker.
Efficace contre le cancer
Cantonnée au début aux maladies monogéniques, c'est-à-dire liées au dysfonctionnement d'un seul gène, cette approche a été étendue à d'autres usages au cours des vingt dernières années, notamment pour le traitement de certains cancers. Ainsi, la thérapie génique permet aujourd'hui de soigner des maladies du sang, du système immunitaire, du métabolisme, du cerveau, du système nerveux central, de l'œil et de la peau. Plus récemment encore, deux nouveaux succès ont été remportés dans les recherches liées à la drépanocytose, une maladie sanguine causée par la mutation d'un gène qui génère une sévère anémie, et au syndrome de Wiskott-Aldrich, un déficit immunitaire d'origine génétique, lié au chromosome X, qui entraîne des infections et présente un risque hémorragique important. Dans le premier cas, les candidats à l'essai clinique (article en lien ci-dessous) ont vu leur anémie chronique et les symptômes associés baisser. Dans le second, les patients ont constaté une réduction des infections, ainsi que de l'eczéma, principal symptôme de la maladie.
Des techniques de pointe
En deux décennies, les techniques ont, elles aussi, évolué vers une « méthodologie de pointe » (article en lien ci-dessous). Les approches peuvent être à la fois ex vivo (les cellules sont génétiquement modifiées en laboratoire avant d'être réinjectées au malade) et in vivo (les cellules sont génétiquement modifiées directement dans l'organisme du patient). La technique de « l'édition génomique » permet également de réparer des mutations génétiques de façon ciblée. Sans oublier l'usage des « ciseaux moléculaires » pour éliminer une anomalie génétique, via des enzymes qui vont agir sur un fragment extrêmement ciblé d'un gène et cela directement dans les cellules. « Le gène pourrait ne plus être remplacé mais corrigé, tout comme la thérapie génique s'adresserait à un bien plus grand nombre d'organes et de maladies », souligne Imagine.
Une conférence le 28 février 2022
La thérapie génique, qui « préfigure la médecine de demain », est donc porteuse d'espoir pour les patients et les chercheurs car les maladies génétiques touchent 30 millions de personnes en Europe et près de 3 millions en France, selon Imagine. Or, 85 % n'ont pas encore de traitement curatif. A l'occasion de la Journée internationale des maladies rares, le 28 février 2022, à 18h30, l'institut Imagine, avec l'hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et sa plateforme d'expertise maladies rares, organise un colloque pour présenter les dernières avancées dans ce domaine (également accessible en visio). Intéressés ? Les inscriptions se font sur la page Facebook de l'événement : « Conférence : Thérapie génique, entre espoirs et réalités - Institut Imagine » (en lien ci-dessous). Le même jour, une conférence sur les parcours de soins et d'innovation sur les maladies rares se tient à Paris dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (article en lien ci-dessous).
* Parmi elles, on retrouve trois formes très sévères de déficience immunitaire, deux maladies déclenchées par l'accumulation de substances toxiques dans le cerveau, des maladies de l'hémoglobine (bêta-thalassémie, drépanocytose), des maladies de la coagulation (hémophilie A et B), et une maladie neuromusculaire (amyotrophie spinale). Certaines leucémies sont aussi aujourd'hui traitées par une approche de thérapie génique dédiée, les CAR T Cells