« Pour tout le monde, la retraite est synonyme de changements : d'activités, de logement, d'environnement social. C'est un pas vers l'inconnu. Mais, pour les personnes en situation de handicap, et notamment celles avec trisomie 21, ces changements peuvent être encore plus abrupts », alerte Christian Biotteau, vice-président de l'Unapei. À l'occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, le 21 mars 2025, ce réseau d'associations dédiées principalement au handicap mental, attire l'attention sur une problématique peu abordée : l'avancée en âge des personnes porteuses de trisomie 21 et les défis liés à l'arrêt du travail. Objectif ? « Sensibiliser aux besoins propres de ces adultes et favoriser la mise en place de solutions adaptées. »
Risque d'isolement et de vieillissement prématuré
Aujourd'hui, l'accès au travail, notamment en milieu protégé (ESAT), permet aux personnes porteuses de trisomie 21 d'entretenir un lien social essentiel. « Cependant, la fin de l'activité professionnelle marque souvent une rupture brutale, pouvant entraîner isolement et vieillissement prématuré », observe l'Unapei. Face à ce constat, « une anticipation de la rupture sociale est nécessaire pour ne pas provoquer un vieillissement pathologique », insiste le mouvement associatif. Christian Biotteau, père d'un homme de 40 ans avec trisomie qui travaille en Esat, dévoile des clés pour préparer ce « tournant majeur ».
Handicap.fr : Quel risque majeur représente la retraite pour les personnes avec trisomie 21 ?
Christian Biotteau, vice-président de l'Unapei : Le principal risque, c'est que tous les efforts et l'énergie investis pour maintenir leur autonomie pendant la vie active s'effacent. Ces personnes peuvent alors retourner vivre chez leurs parents ou être orientées vers une institution non choisie. Quand cette transition n'est pas anticipée, ce qui est souvent le cas, elle peut conduire à l'isolement social.
H.fr : Quelles solutions d'accompagnement post-travail existe-t-il ?
CB : Il existe plusieurs solutions adaptées à l'avancée en âge, comme les foyers de vie, les MAS (Maisons d'accueil spécialisées) ou les FAM (Foyers d'accueil médicalisés). Les MAPHA, quant à elles, sont dédiées à l'accueil des personnes handicapées qui avancent en âge. Cependant, ces dispositifs sont encore trop peu nombreux ou insuffisamment adaptés aux besoins spécifiques des personnes trisomiques, notamment en matière de maintien de l'autonomie et d'inclusion.
H.fr : Quel impact le manque d'accompagnement adapté peut-elle avoir sur les familles ?
CB : En l'absence de solutions adaptées, les personnes reviennent vivre chez leurs parents ou sont orientées vers des EHPAD, souvent peu préparés à accueillir des personnes handicapées.
Dans ces cas, l'autodétermination – le droit de choisir sa vie – est largement mise à mal. Cela pose également la question du vieillissement des parents, qui doivent continuer à assurer l'accompagnement d'un enfant devenu lui-même senior.
H.fr : L'Unapei pointe notamment un « manque de reconnaissance institutionnelle » des parcours des personnes avec trisomie 21. Comment changer la donne ?
CB : Il est essentiel de permettre aux personnes de continuer à vivre dans leur logement habituel, avec l'accompagnement nécessaire. Comme tout un chacun, elles souhaitent rester chez elles, préserver leur autonomie et leurs habitudes de vie. L'objectif est d'éviter à tout prix la rupture sociale. Cela passe par le développement de dispositifs d'habitat inclusif ou partagé, mais aussi par une meilleure prise en compte de leurs besoins dans les politiques publiques.
H.fr : Comment préparer sa retraite et à quel âge ?
CB : Une personne handicapée est considérée comme âgée à partir de 45 ans. Il est donc conseillé de commencer à préparer la retraite autour de 40 ans. Anticiper et prévenir concerne à la fois le logement, la santé, mais aussi le lien social. Se renseigner en amont sur les dispositifs dédiés tels que l'habitat partagé avec aide à la vie partagée, ou encore des aides financières telles que la Prestation de compensation du handicap (PCH), peut notamment aider. Mais ils doivent être mieux connus des personnes et de leurs proches, et rendus plus accessibles.
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