« La Formule 1 doit être le sommet du sport automobile, ce n'est donc pas bon pour le sport si quelqu'un qui a un handicap physique peut y participer. » Qui a tenu ces propos faisant l'apologie du valdisme, pour ne pas dire de l'élitisme ? L'ancien champion du monde de Formule 1 en 1997, Jacques Villeneuve, se confiant à un média hollandais à propos de Robert Kubica. Ce dernier a été accidenté en 2011 lors d'une sortie de route sur un rallye en Italie. La violence du choc lui avait presque fait perdre l'usage de sa main droite sauvée après de nombreuses interventions.
Question d'image de marque
Même Si Jacques Villeneuve reconnait que ce qu'a réalisé le Polonais est « un très grand accomplissement », il juge que la crème des sports mécaniques perd de son crédit en accordant à un pilote handicapé une place sur la ligne. « Peut-être que cela peut se faire dans d'autres catégories, mais pas en Formule 1. La F1 doit être difficile, presque impossible pour un pilote. Le retour de Robert n'envoie pas le bon message. », explique Jacques Villeneuve, qui n'a jamais été adepte de la langue de bois. Le Canadien, consultant Formule 1 sur Canal+, avait déjà fait part de son scepticisme un an auparavant. Il tente malgré tout de nuancer : « Son retour est une grande victoire pour lui après tant d'années. C'est vraiment incroyable. (…) Si j'avais été dans son cas, j'aurais fait la même chose. Je n'aurais pas laissé passer cette opportunité ».
Riposte de Sausset
Ces déclarations n'ont pas manqué de faire réagir le pilote Frédéric Sausset, quadri amputé, qui a participé aux 24h du mans en 2016. Sur sa page Facebook, il explique : « Votre publication n'est pas digne de l'état d'esprit d'un sportif de haut-niveau. Pour info, Alex Zanardi et moi-même avons concouru dans des compétitions de haut-niveau sans aucune erreur et nous ne sommes pas les seuls… » Certains pilotes, comme l'Italien Alessandro Zanardi ou le Suisse paraplégique Clay Regazzoni, ont en effet disputé des courses mais ils conservaient l'usage de leurs bras. Frédéric Sausset rappelle que la FIA (Fédération internationale automobile), sous l'impulsion de son président Jean Todt et du professeur Gérard Saillant, a créé une commission d'intégration du handicap dans le sport auto, jugeant donc les propos de Villeneuve « à contre-courant ».
Une filière de pilotes handicapés
Frédéric Sausset met en œuvre une filière pour permettre aux pilotes handicapés d'accéder au sport automobile. Il espère notamment participer aux 24 Heures du Mans en 2020 avec Billy Monger, un jeune pilote britannique amputé des deux jambes (article en lien ci-dessous). Il poursuit : « Vous stigmatisez le handicap, mais le vôtre n'est-il pas de ne pas accepter la différence, ou bien avez-vous peur que cette différence soit source de résultats que vous n'avez jamais atteints ? Personne n'est à l'abri de se retrouver en situation de handicap et, si cela vous arrive un jour, peut être changerez-vous de vision, ou pas ! ». Et se souhaiter, pour sa part, « une belle saison à Robert Kubica ».
Neuf ans après son dernier Grand prix, ce pilote de 34 ans est parvenu à se faire une place au sein de l'écurie Williams. Malgré son bras droit très diminué, il a bouclé le Grand Prix d'Australie le 17 mars 2019, à la 17ème place sur 20. On demandera donc à monsieur Villeneuve s'il faut aussi exclure de la science Einstein, de l'art Frida Kahlo, des maths Blaise Pascal and co…
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